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22 janvier 2025 3 22 /01 /janvier /2025 20:53

F. Lutter contre l'oisiveté

Le combat avec ses exigences quotidiennes étant terminé, l'oisiveté envahi très rapidement les hommes de troupe. Et l'oisiveté militaire étant source de certains débordements, le sport permettait d'occuper les soldats.

 

Le rédacteur du New England in France, 1917-1919, A history of Twenty-Sixth Division USA1, décrit en quelques pages les problèmes liés aux camps d’attente. Pour lui, deux soucis majeurs se présentent : comment garder les hommes occupés et éviter les débordements ? Comment maintenir un bon moral ? D’autant plus que certains régiments se sont retrouvés sans leur matériel de guerre. La crainte principale est que l’oisiveté amène des problèmes de délinquance.

Une partie du temps sera consacrée à l’éducation : écriture, lecture, calcul et histoire. Même si l’intention était louable, l’accueil n’a pas toujours été à la hauteur ; les fournitures scolaires manquaient et l’enthousiasme n’était pas universellement répandu. Pour les officiers et certains hommes, on propose des cours dans certaines universités : Rennes, Lyon, Toulouse, la Sorbonne, universités anglaises, etc. Et le YMCA ouvre sa propre université à Beaune.

Parallèlement les hautes autorités militaires préconisent la création d’activités de loisir : sport, théâtre, bibliothèque, cinéma, danse, concerts, etc. Ces choses devant être encadrées par les chefs de groupe. Toute l’organisation d’une division fonctionne en grande partie sur la mise en place de ces activités : gérer l’organisation des épreuves sportives, préparer des activités avec le YMCA, organiser les photographies officielles, etc.

D’ailleurs la 26th Division2 se trouve très vite confrontée à la réalité du terrain. Il était prévu des exercices de tir à Mayet et à Saint-Biez-en-Belin. Mais le manque de matériel et les pluies hivernales continues ayant rendu les lieux impraticables font que les hommes n’ont pas pu s’occuper aux exercices militaires. C’est la revue du général Pershing prévue pour le 19 février qui permet aux hommes d’avoir une activité régulière. Il faut se rendre entre Écommoy et Mayet sur un terrain en creux au milieu des pinèdes afin de bien préparer l’exercice.

1 Emerson Gifford Taylor, New England in France, 1917-1919, A history of Twenty-Sixth Division USA, Houghton Mifflin Company, 1920

2 Emerson Gifford Taylor, New England in France, 1917-1919, A history of Twenty-Sixth Division USA, Houghton Mifflin Company, 1920, p. 296-297

 

Bibliothèque de l'American Library Association au Mans 1919 (source NARA)

Bibliothèque de l'American Library Association au Mans 1919 (source NARA)

Bibliothèque de l'American Library Association au Mans Avril 1919 (source NARA)

Bibliothèque de l'American Library Association au Mans Avril 1919 (source NARA)

American Library Association au Mans 1919 (source NARA)

American Library Association au Mans 1919 (source NARA)

Dans les camps, il faut attendre le printemps et le retour des beaux jours pour que les activités sportives puissent se développer. Au Forwarding Camp, les joueurs de base-ball vont organiser de nombreuses parties ; l'arène pour la boxe peut accueillir jusqu'à 25 000 spectateurs. Le YMCA estime que dans ce camp, environ 500 000 hommes ont pratiqué football américain, football, piscine, volley-ball, lutte, tennis, athlétisme, etc. pendant les mois de mai et juin 19191. Des championnats de boxe sont organisés sur différents sites sarthois.

En mars 1919, se déroule au Mans une compétition d'athlétisme mais aussi dans d'autres camps tel celui de Parcé2. Cela permet à la compagnie E du 308th Infantry, installée à Avessé, de consacrer les après-midi à la préparation sportive3. Entre les 10 et 12 mars 1919, avec un temps magnifique et en présence du général Summerall, un grand rassemblement sportif se tient à Écommoy. On y mélange des sports classiques (boxe, football, football américain, etc.) et des exercices militaires (marche de dix kilomètres sur route, courses avec des masques à gaz, etc.). Quelques jours plus tard, les 15 et 16 mars 1919, la 77th Division organise ses jeux à Sablé en présence du général Alexander. D'autres compétitions sont également organisées au Classification Camp les 2 et 3 mai 19194 dans un stade d'athlétisme tout neuf.

1Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 26

2History of the 306th Field Artillery, The Knickerbocker press, New York, 1920, p. 69

3The history of company E 308th Infantry, The Knickerbocker press, New York, 1919, p. 97

4Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 40

Dans la première quinzaine de mai 19191, une grande rencontre de tir est organisée au camp d'Auvours (Belgian Camp)2 et rassemble 3500 participants. Le général Pershing viendra remettre les récompenses aux vainqueurs. Entre les 27 et 29 mai 1919, une rencontre sportive va réunir plus de 2000 athlètes au Mans3 et attirer plusieurs milliers de personnes y compris des français. Ces rencontres sportives vont en quelque sorte être la répétition des Jeux Interalliés qui vont se dérouler en région parisienne dans ce que les Américains nommeront le « Pershing Stadium » et dureront du 22 juin au 6 juillet 1919, clôturant ainsi la présence américaine sur le sol français4.

Mais ces pratiques sportives se font aussi lors de manifestations plus restreintes. Ainsi à Avessé, le samedi 1er mars 1919 se déroulent des matchs de base-ball entre différentes compagnies. C'était pour la population locale une nouveauté et l'occasion pour les américains de faire découvrir leur sport national5.

A Malicorne, le 305th monte également son équipe de base-ball : « Dans la soirée du 11 février [1919], le 305th est entré dans Malicorne, une ville de poterie sur la belle Sarthe. Les gens étaient assez différents de ceux d'Arc, mais après un certain temps ils ont appris à aimer les Américains. Là nous sommes restés jusqu'au 17 avril, faisant des manœuvres, étant examinés et inspectés, et chassant les poux insaisissables, attendant impatiemment le départ pour Brest. Le temps était suffisamment agréable pour nous permettre de monter une équipe de base-ball qui a achevé victorieusement la saison en étant invaincue6»

1 United States Army in the World War, 1917-1919, bulletins, GHQ, AEF, volume 17, Center of military history, United States Army, Washington, D.C., 1992, p. 241

2Johnson et Brown, Official athletic almanac of the American Expeditionary Forces, 1919, p. 86-87

3Johnson et Brown, Official athletic almanac of the American Expeditionary Forces, 1919, p. 85

4Thierry Terret, The military « Olympics » of 1919, Journal of Olympic History 14, août 2006.

5The history of company E 308 Infantry, The Knickerbocker press, New York, 1919, p. 99

6Charles Wadsworth Camp, History of the 305th field artillery, The Country Life Press, New-York, 1919, p. 288

Concours de tir à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Concours de tir à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Combat de boxe à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Combat de boxe à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Lecture des scores à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Lecture des scores à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Tournoi de football au Mans, 35th Division, mars 1919 (source NARA)

Tournoi de football au Mans, 35th Division, mars 1919 (source NARA)

Tournoi de football au Mans, mars 1919 (source NARA)

Tournoi de football au Mans, mars 1919 (source NARA)

Concours d'athlétisme au Mans, mars 1919 (source NARA)

Concours d'athlétisme au Mans, mars 1919 (source NARA)

Des bibliothèques sont aménagées sur les sites qui accueillent des soldats américains. Une fut construite au Mans et l'autre sur le Forwarding Camp1. Des films sont diffusés quotidiennement et des soldats se produisent sur scène. Il faut absolument que les hommes soient occupés en attendant l'embarquement. Ainsi environ 450 000 hommes vont fréquenter l’auditorium du Forwarding Camp2.

 

Des spectacles permettent de tromper l'ennui. Le 13 mars 1919, la compagnie E du 308th Infantry quitte Avessé pour occuper un nouveau cantonnement à Saint-Ouen-en-Champagne. Le lendemain, la compagnie assiste à une représentation au château de la Roche (commune de Chevillé). Comme souvent, c'est un homme déguisé en « demoiselle parisienne » qui présentait divers titres dont la célèbre « The rose of no man'land » qui fut écrite en hommage aux infirmières de la Croix-Rouge. Et le rédacteur de préciser que les costumes avaient été achetés à Paris et offraient un fort contraste avec la couleur kaki de l'assemblée3. Noël 1918 a été l’occasion pour les soldats américains d’offrir un spectacle aux populations locales. A Écommoy, le YMCA et les soldats du 329th Infantry présentent un spectacle montrant un Noël traditionnel à la cour anglaise. Puis 600 enfants de la région reçoivent devant un énorme sapin de Noël des cadeaux de la part des américains : argent, cadeaux achetés à Paris, bonbons, cigarettes et tabac4.

Les spectacles du Mans organisés par le YMCA sont connus et très attendus. Les soldats de la compagnie G du 317th Infantry, qui sont en stationnement à Requeil, font état de leur impatience ; ils espèrent pouvoir se rendre prochainement au Mans. Pour beaucoup d’entre eux, c’est une chose qu’ils ne connaissent même pas aux États-Unis car venant de zones rurales5.

1US Army in the World War, vol. 15, 1991, p. 499

2Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 23

3The history of company E 308 Infantry, The Knickerbocker press, New York, 1919, p. 101

4Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 166

5Overseas diary company « G » 317th Infantry, France June 1918 – June 1919, p. 17

Dîner à l'Hôtel de Paris au Mans, 102nd Field Signal, janvier 1919 (source NARA)

Dîner à l'Hôtel de Paris au Mans, 102nd Field Signal, janvier 1919 (source NARA)

Tir à la corde dans la région de Sablé, 77th Division 308th Infantry, mars 1919 (source NARA)

Tir à la corde dans la région de Sablé, 77th Division 308th Infantry, mars 1919 (source NARA)

Athlétisme dans la région de Sablé, mars 1919 (source NARA)

Athlétisme dans la région de Sablé, mars 1919 (source NARA)

Pour d'autres ce sont les études. Ainsi neuf hommes du 103rd Field Artillery basé à Pontvallain sont envoyés à l'Université de Poitiers pour une période quatre mois.

Il y avait également au Mans rue de la Paille un édifice appartenant à une communauté religieuse qui accueillait dans des salles de lecture et de repos des soldats. Il y avait également un autre lieu qui avait un certain succès rue Saint-Dominique (actuelle rue Claude Blondeau). C’est là « que les militaires ont trouvé un petit coin de paradis. Un grand bâtiment spacieux, merveilleusement meublé avec de lourds tapis moelleux dans lesquels vous perdez vos pieds, des fenêtres ombragées de jolis rideaux et des murs recouverts de miroirs et des études d'art. C'était comme à la maison … Un grand piano à queue aux tons fins était à la disposition des hommes. Des petites tables servaient aux soldats pour écrire et il y avait toujours des fournitures de qualité. Le fait est que les salles de bien-être et de secours de la Science chrétienne au 13 rue Saint Dominique étaient l'un de ces endroits où un soldat voulait nettoyer ses chaussures à l'extérieur et retirer son chapeau en entrant dans la porte.

L'une des choses délicieuses de cet endroit, qui était si populaire auprès des garçons, était le calme qui y régnait. Il n'y avait pas de bruit, pas de brouhaha et on pouvait passer quelques heures dans la salle de lecture sans être dérangé …  »1.

1The Christian Science War Relief Committee, Christian Science war time activities, Boston, 1922, p. 198

Les accidents sont assez fréquents. Par exemple, le 140th Infantry Regiment arrive au Belgian Camp en mars 1919. On y souligne encore une fois les agréables conditions de vie ; mais les soldats s’occupent comme ils peuvent. Ainsi le 21 mars 1919, le soldat Michal démonte le détonateur d’un obus afin de fabriquer un souvenir comme il avait l’habitude de faire. Mais le détonateur explose, John Michal est transporté à l’hôpital où il décède quelques heures plus tard1.

En avril 1919, plusieurs baraques brûlent au Belgian Camp et les couleurs du 138th Infantry ne peuvent être sauvées2.

1Edwards (Evan Alexander), From Doniphan to Verdun: the Official History of the 140th Infantry, Lawrence, Kansas : The World Company, 1920, p. 139

2Fels (Daniel M.), History of "A" Company, 138th Infantry, St. Louis, Woodward & Tiernan Printing Co., 1919, p. 77

Concours de tir à Auvours, juin 1919 (source NARA)

Concours de tir à Auvours, juin 1919 (source NARA)

Réparation d'une route à Parcé, mars 1919 (source NARA)

Réparation d'une route à Parcé, mars 1919 (source NARA)

Source YMCA

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Source YMCA

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Source YMCA

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 A SUIVRE Partie 5 Inspections et revues

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10 janvier 2025 5 10 /01 /janvier /2025 21:19

E. Les conditions de vie

La durée de passage dans ces camps de transit dépend également des conditions sanitaires des soldats. Ainsi le 113th Field Artillery quitte Evron (Mayenne) le 5 février 1919 pour se rendre au Forwarding Camp1 au Mans. Mais le régiment est confronté aux maladies et huit hommes vont mourir de la grippe alors que des dizaines d'autres en sont affectées. Le régiment est mis en quarantaine en attendant des jours meilleurs2. Le 113th F.A. restera ainsi un mois au Mans en attendant de pouvoir rejoindre les ports d'embarquement. Cette attente dans un camp où « la boue vaseuse, collante et gluante » a accompagné les soldats pendant tout un mois, faisait dire qu'ils avaient vécu là le mois le plus déprimant de leur carrière militaire3. Le 113th F.A. quittera Le Mans début mars 1919 deux mois après être parti du nord-est de la France ; il rejoint Saint-Nazaire pour s'embarquer sur le Santa Teresa et arriver à Newport News (Virginie) le 18 mars 1919.

1Le Forwarding Camp se situe à l'emplacement de l'actuel aéroport du Mans.

2History of the 113th Field Artilley 30th Division, The History Committe of 113th F. A., Raleigh, N.-C., 1920, p. 133

3History of the 113th Field Artilley 30th Division, The History Committe of 113th F. A., Raleigh, N.-C., 1920, p. 136

Ce mois de février 1919 a fortement marqué les soldats américains comme le rapportent d'autres témoignages. Ainsi le 117th Infantry de la 30th Division se plaint en ce « rude mois de février », du manque de carburant, du froid, de la pluie et de l'épidémie de grippe1. Le 3 février 1919, le soldat Amyx S. Riley meurt près du Mans de la grippe2.

On peut avoir une vue de ces jours passés en Sarthe au travers des journaux de soldats. C'est le cas de Charles G. Sellers3 du 113th Field Artillery qui tient un petit journal entre janvier 1918 et mars 1919. Il a embarqué le 7 mai 1918, est arrivé en France le 18 du même mois. Après quelques semaines de formation en Bretagne, son régiment monte vers le front dans la région de Toul. Après l'armistice, le 113th F.A. fait partie de l'armée d'occupation et se dirige vers le Luxembourg. Au début de l'année 1919, le régiment revient sur Toul avant de recevoir l'ordre de se replier sur Le Mans qu'il atteint le 23 janvier au matin avant de poursuivre sur Sillé-le-Guillaume et Evron (Mayenne) ; de là les hommes se rendent à Mézangers (Mayenne). Bien que le cantonnement soit assez médiocre, Charles G. Sellers dit de ce premier jour en Mayenne qu'il était un «  des meilleurs jours qu'il ait vu ». Son journal se concentre surtout sur les conditions météorologiques du moment (froid, neige et pluie) ainsi que sur les activités quotidiennes (prières, promenades et courrier). Le 30 janvier, l'inspection et revue du Général Pershing à Evron vient rompre la monotonie de l'attente. Début février, il passe un week-end à Paris où il assiste aux « Zig-zag follies », célèbre revue anglaise présentée aux Folies Bergères, puis visite Versailles et fait les boutiques. Au retour, il s'arrête au Mans pour y passer la nuit après avoir fait un tour en ville et être allé au cinéma. C'est là qu'il retrouve son régiment qui est arrivé au Forwarding Camp. Le logement se fait sous tente et notre soldat se plaint du manque de carburant. Les hommes passent une bonne partie du temps dans les tentes et au lit sous les couvertures, essayant de se maintenir dans une relative chaleur, et une autre partie du temps à l'épouillage. Il faut également conduire plusieurs fois à l'hôpital les hommes touchés par la grippe qu'il nomme « Flu » pour « influenza ». D'ailleurs, le 9 février il est mis en quarantaine. Et les jours qui suivent voient se poursuivre l'incessant ballet des hommes qui partent vers l'hôpital. Notre homme est aussi amené à transporter des rails et des traverses, pour la gare de triage, en se plaignant du froid. En fait, il attend avec impatience son départ vers le port d'embarquement ; cette attente étant d'autant plus difficile à supporter que les hommes n'ont à rien à faire sinon subir des inspections qui leurs donnent l'espoir qu'ils quitteront prochainement la France. Les rumeurs circulent quotidiennement dans le camp sur le futur départ. Puis le 23 février, l'information tombe : la division va commencer son déplacement le mercredi ; puis on parle du lundi suivant. Et c'est le mardi 4 mars que Charles G. Sellers quitte Le Mans pour Saint-Nazaire ; il débarque aux États-Unis le 19 mars 1919.

 

1Knox County in the World War, 1917-1918-1919, Knoxville Lithographing Company, 1919, p.107

2Knox County in the World War, 1917-1918-1919, Knoxville Lithographing Company, 1919, p. 54

3nature.berkeley.edu/~c-merchant/Sellers/wardiary.pdf

4Katherine Mayo, The damn Y, Houghton Mifflin Co, Boston et New-York, 1920

Officiers du 113rd FA au Mans (collection particulière)

Officiers du 113rd FA au Mans (collection particulière)

Camp hospital n°52 au Mans (source NARA)

Camp hospital n°52 au Mans (source NARA)

Ces conditions de vie difficiles sont bien décrites dans l'ouvrage de Katherine Mayo1 publié en 1920. Les trains de nuit arrivent avec leurs flots de soldats qui emplissent une gare trop exiguë, des hommes qui doivent rejoindre dans le froid des camps à la périphérie de la ville. Elle décrit le Forwarding Camp comme étant « une mer de boue épaisse et profonde ». Quant au Classification Camp, les hommes le nomment « Madhouse » ; en novembre ils mangent leur repas debout dans la boue jusqu'aux chevilles2. Elle ajoute que dans les camps isolés dans la campagne, les soldats ne pouvant plus supporter les autres errent sur les routes. En ville, Central Hut est d'une saleté répugnante.

Au Forwarding Camp, les soldats suivent le rite de la préparation au départ. Par exemple le 105th Regiment of Engineers arrive au camp par vagues successives de bataillons. Le premier lieu où se rendent les soldats est la zone d'épouillage. Ensuite seulement ils peuvent intégrer les baraquements. Puis vient le temps des inspections et de la remise en état du régiment. Une autre partie du temps consiste à de petits travaux dans le camp mais aussi des remises de décorations régimentaires. Une dizaine de jours plus tard, certaines compagnies migrent vers Spur Camp d'où elles embarquement vers Saint-Nazaire.

1Katherine Mayo, The damn Y, Houghton Mifflin Co, Boston et New-York, 1920

2Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 40

Pour avoir une idée de l'installation dans la campagne sarthoise, on peut s'appuyer sur la description faite dans la publication de la 307th Ambulance Company1. Elle arrive à Sablé par le train en février 1919 puis se dirige vers le château de la Verdière à Solesmes. Là, les soldats reçoivent de la paille pour les sacs de couchage, le matériel nécessaire pour installer un terrain de base-ball et, « le meilleur de tout », des douches. Très rapidement arrive une laverie ce qui est suffisamment important pour que le rédacteur se réjouisse à l'avance de la disparition des poux avec de telles conditions d'hygiène. Les jours qui suivent sont occupés par des exercices, du sport et la préparation pour la revue du général Pershing le 24 février 1919. Ces revues semblent être attendues avec impatience par les soldats ; en effet la 307th Ambulance Company n'est pas conviée à la dite revue mais reçoit à huit heures l'ordre de s'y rendre. Les soldats se préparent à la hâte, passent à Solesmes, traversent le pont afin de rejoindre Sablé non s'en s'être égarés car la multitude de régiments qui se rendent à la cérémonie provoque un certain désordre. Mais ils n'arrivent pas à trouver le lieu de la revue et reviennent à leur campement de Solesmes où ils apprennent que l'événement se déroulait à moins d'un kilomètre de leur base ! Il faut bien comprendre que pour les soldats, la revue par le général Pershing est le signe d'un très proche retour au pays. Les revues et inspections des troupes se poursuivent afin d'occuper les soldats, le narrateur évoquant dans son texte que c'était là le passe-temps favori des officiers. Le 14 avril, la compagnie peut enfin quitter Solesmes afin de rejoindre Brest d'où on embarque pour les États-Unis.

1Collectif, 307 at home and in France, The Country Life Press, New-York, 1919, p. 167

A Champagné au Belgian Camp, on réutilise l'ancienne cantine belge. Mais elle est trop petite et mal éclairée ; les hommes attendent dehors et sous le grésil1. Il faut attendre le printemps pour que le camp s'améliore avec l’adjonction de nouvelles baraques.

Ce mois de février difficile est vécu différemment selon l'endroit où on se situe. Une partie du 306th F.A. de la 77th Division arrive à Noyen après deux jours et demi d'un voyage inconfortable en train dans le froid. Là les soldats trouveront un certain réconfort auprès de la population locale qui prépare un bon dîner pour les hommes affamés et qui va même jusqu'à accueillir des soldats dans ses murs2. Ils quitteront le village le 17 avril 1919 en prenant le train à la gare de Noyen pour se rendre à Brest.

1Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 33

2History of the 306th Field Artillery, The Knickerbocker press, New York, 1920, p. 111

Tentes au Mans en février 1919 (source NARA)

Tentes au Mans en février 1919 (source NARA)

Revue du général Pershing à Solesmes (Sarthe) en février 1919

Revue du général Pershing à Solesmes (Sarthe) en février 1919

Réparation d'une route en Sarthe en mars 1919 (source NARA)

Réparation d'une route en Sarthe en mars 1919 (source NARA)

Mess au Belgian Camp en février (1919 (source NARA)

Mess au Belgian Camp en février (1919 (source NARA)

Pour d’autres régiments les souvenirs sont moins bons. La batterie D du 304th Field Artillery s’installe dans la région de La Suze le 11 février 1919 après un voyage éprouvant à cause des conditions de transport et de l’épidémie de grippe espagnole1. Les soldats sont accueillis par le YMCA qui offre une tasse de café et quelques biscuits. Puis ensuite ils poursuivent à pied pendant environ quatre kilomètres pour être logés au château de la Bussonnière à Fercé. Ils occupent les greniers alors que vaches, cochons, ânes sont au rez-de-chaussée. Le rédacteur de l’ouvrage écrit qu’ils passeront ici six semaines inintéressantes, ternes et ennuyeuses. La principale activité tourne autour de la préparation des revues, de l’entretien du matériel et d’informations sur le retour à la vie civile. L’après-midi est consacré aux activités sportives à condition que la météo soit favorable, ce qui est très rare selon le rédacteur. Ensuite ils rejoignent la structure du YMCA au village où certains soldats montent sur scène pour amuser les autres.

Le 17 mars 1919, jour de la Saint Patrick, les soldats se retrouvent autour du château dans leurs plus habits militaires pour un séance avec un photographe de La Suze. Puis le 21, ils se dirigent vers le « Holding Camp » à La Suze se préparant à quitter la France début avril. Mais l’annonce du report de départ possible fin avril démoralise les soldats qui passent une partie de leur temps à boire, à tel point que la Police Militaire américaine doit intervenir et mettre en cellule quelques individus trop éméchés. Cependant, le départ vers Brest s’effectuera le 17 avril.

1Glaas (J.), Miller (Henry L.), O’Brien (Osmund), The story of battery D 304th Field Artillery, september 1917 to may 1919, 1919, p. 90

YMCA à Spay en mars 1919 (collection particulière)

YMCA à Spay en mars 1919 (collection particulière)

Camp de La Suze en mai 1919 (collection particulière)

Camp de La Suze en mai 1919 (collection particulière)

Pour d’autres encore, les quelques jours vécus en Sarthe se déroulent relativement bien. Le 130th Field Artillery loge à Bonnétable1. Les soldats disent des habitants qu’ils sont « radieux et hospitaliers ». Certains occupent un cabanon chez le vieil homme Ledru qui leurs parle pendant des heures autour de bouteilles de cidre. Ils vont également au café Bellevue tenu par Mme Fort et parlent avec M. Fort qui connaît un peu l’anglais. On y mange parfois du poulet accompagné de pommes de terre frites. On danse également.

 

On le voit dans les témoignages des soldats mais aussi dans le rapport du YMCA, les infrastructures dans ces camps sont très importantes pour le moral des soldats. C'est ce qui fait le lien avec le pays en y recréant un univers américain.

Le YMCA nous dit qu'il construisait trois sortes de baraquement : le type A (9 m. X 43 m.), le type B (27 m. X 50 m.) et le type C (9 m. X 30 m.). Il installe aussi des tentes de taille imposante (6 m. X 18 m. et 25 m. X 50 m.).

Les équipements pour les soldats sont essentiels : « De telles vies malheureuses ne convenaient guère aux Américains. Souvent, les hommes devaient marcher un mile ou plus pour rejoindre la cantine la plus proche [...]. Après notre long séjour dans la région, nous avons laissé des cantines et de bâtiments d'amusement complètement équipés pour les divisions suivantes. L'endroit le plus proche pour la lumière et la chaleur, de la boue et du froid, était habituellement le café français, et ce n'était disponible que lorsque les hommes avaient de l'argent.2 »

1MacLean (W. P.), My story of the 130th F.A., A.E.F., Topeka, Kans., Printed by the Boy's chronicle at the Boy's Industrial School, 1920, p. 145-146

2Lee J. Levinger, A jewish chaplain in France, The MacMillan Company, New-York, 1921, p. 60

Travaux en forêt de Bonnétable par le 320th Labor Battalion en avril 1919 (source NARA)

Travaux en forêt de Bonnétable par le 320th Labor Battalion en avril 1919 (source NARA)

Noël 1918 à Bonnétable (source NARA)

Noël 1918 à Bonnétable (source NARA)

Noël 1918 à Bonnétable (source NARA)

Noël 1918 à Bonnétable (source NARA)

A suivre : 4ème partie

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25 décembre 2024 3 25 /12 /décembre /2024 09:52
  1. D. Divers camps en Sarthe

    1. Le Mans

Le Mans concentre plusieurs camps. Les plus importants sont dans la zone sud de la ville à proximité de la gare de triage, point d'arrivée et de départ des différentes divisions vers les ports d'embarquement. En effet, de là on peut se connecter sur Tours, et donc sur Bordeaux, sur Saint-Nazaire et Brest.

Le plus important d'entre eux est le Forwarding Camp (le camp de renvoi) installé au niveau de l'actuel aéroport du Mans et qui servait déjà à loger les soldats avant leur montée sur le front. Cependant les structures étaient assez minimalistes et les hommes dormaient sous leurs petites tentes individuelles (pup tents).

Après l'armistice il deviendra le plus grand camp de France. C’est l’ultime passage avant d’aller à destination de sports. Le Jewish Welfare Board rapporte que les hommes y montrent des signes d’impatience liés au retour vers les Etats-Unis1.

Les soldats se plaignent du terrain sableux qui rend l'installation pénible. Y étaient logées de petites unités et les divisions qui s’apprêtaient à partir vers les ports d'embarquement. La vie y était plutôt compliquée comme le rapportent les témoignages américains. Le YMCA s'y est trouvé dans une situation difficile, devant gérer dans l'urgence l'afflux de soldats2 avec un personnel et du matériel trop rares. Début octobre 1918 est érigée la première baraque surnommée « Hurrah hut » et mesurant environ 20 m. X 60 m. Ce fut pendant quelques mois la seule structure en dur du camp, donc ce fut aussi le seul endroit chauffé et il n'y a rien de surprenant à ce qu'elle soit qualifiée de sanctuaire tant le réconfort qu'elle apportait était grand. Les animations consistent en la diffusion trois fois par semaine de films ou alors de petits spectacles présentés par les soldats. Gros succès pour ces activités où les places assises sont occupées longtemps à l'avance. L’approvisionnement en eau , en plus de puits, se fait depuis une installation à Pontlieue qui puise l’eau dans l’Huisne3.

1The Reform Advocate, 15 février 1919, p. 451

2Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 20

3Jack J. Hinman Jr, A water supply of the service of supplies, A.E.F., Journal (American Water Works Association), Vol. 7, No. 2,1920, p. 180

On peut se faire une idée de l'arrivée au camp grâce au journal du 105th Regiment of Engineers qui après avoir remis en état une partie du réseau routier sarthois migre en mars 1919 vers le Forwarding Camp pour préparer son départ1. Le 4 mars, le bataillon quitte ses quartiers généraux (Souligné-sous-Ballon et Montbizot) en camion mais également à pied. En arrivant, les soldats sont logés sous les tentes. Le lendemain, alors que le 1er bataillon en a terminé avec l'épouillage, c'est le 2ème bataillon qui arrive et prend la place du 1er bataillon qui passe vers les baraques alors que les nouveaux arrivants prennent les places vacantes sous les tentes.

En janvier 1919, une deuxième baraque voit le jour. Ce ne fut pas un luxe alors qu'environ 30 000 soldats fréquentaient le camp. Puis le YMCA fit construire Georgia Hut avec une cantine, une bibliothèque, un piano et une scène qui a accueilli entre janvier et juillet 3000 soldats quotidiennement. Le YMCA a aussi construit un immense hangar ainsi qu'un auditorium que l'on disait être une des plus belles salles de France. On y jouait chaque jour des représentations et on estime qu'environ 450 000 hommes sont passés par cette salle. Les hommes de la 28th Division construiront également la « Keystone Hut », érigée en un temps record de 17,5 heures et fort appréciée des hommes car étant juste à côté de la zone d'épouillage. Les hommes disent d'ailleurs de cette baraque que c'est « un oasis dans le désert ».

Il y a même des cas où les soldats qui attendent au camp leur départ vers les ports doivent retourner ailleurs. Le capitaine Sylvester Benjamin Butler écrit une lettre à sa mère le 3 juin 1919 et lui dit qu'il était au Forwarding Camp mais a dû être transporté vers le Belgian Camp car les transports n'étaient pas prêts et que les troupes en attente étaient beaucoup trop nombreuses2.

1Willard P. Sullivan et Harry Tucker, The history of the 105th Regiment of Engineers, George H. Doran Company, New-York, 1919, p. 273

2http://www.cromwellbutlers.com/sbb_0619.htm

Construction du Forwarding Camp en janvier 1919 (source NARA)

Construction du Forwarding Camp en janvier 1919 (source NARA)

Construction du Forwarding Camp en janvier 1919 (source NARA)

Construction du Forwarding Camp en janvier 1919 (source NARA)

La zone d'épouillage au Forwarding Camp en janvier 1919 (source NARA)

La zone d'épouillage au Forwarding Camp en janvier 1919 (source NARA)

Camp Etat, dans le quartier du Maroc, tient son nom de la cité « Camp État » où logeaient les cheminots de la compagnie de l’État à proximité de la gare de triage. Il sera doté d'une baraque nommée « Texas » en l'honneur du major Maxwell officier commandant Le Mans Division. Bénéficiant de l’électricité et décorée en bleu et gris, elle servira de salle de spectacle, de salle d'écriture, de cuisine et de bibliothèque1.

1Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 43

Quartier du Maroc (carte postale collection particulière)

Quartier du Maroc (carte postale collection particulière)

Toujours dans la zone sud du Mans et à proximité de la gare de triage se trouvait le Spur Camp. C'était un camp bien équipé avec 25 entrepôts métalliques, 85 baraques, 8 écuries avec une capacité de 100 chevaux chacune et des corrals pour des milliers d'autres chevaux, une centrale électrique et de gaz, une boulangerie pouvant cuire 62 000 pains par jour. Le YMCA y a installé des structures pour le quotidien et le confort des soldats1. Il semble que ce soit de cet endroit que les troupes stationnées au Forwarding Camp partent vers les ports d'embarquement2.

1Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 48

2Willard P. Sullivan et Harry Tucker, The history of the 105th Regiment of Engineers, George H. Doran Company, New-York, 1919, p. 273

Spur Camp (collection particulière)

Spur Camp (collection particulière)

Classification Camp est installé sur le lieu de la caserne Chanzy, endroit où se situe aujourd'hui le Parc Monod et connu anciennement sous le nom de « 117ème ». La caserne avait servi aux troupes américaines avant l’armistice et on y trouvait déjà le YMCA dès le mois d'août 1918. Mais à partir de novembre 1918, le nombre de soldats est si important qu'ils sont obligés de coucher dans leurs tentes individuelles sur le terrain de sport devenu une véritable pataugeoire. On a alors compté 60 000 hommes en attente de partir au front.

Classification Camp (source NARA)

Classification Camp (source NARA)

Salvage Camp (littéralement le camp de récupération) s'occupait des effets des soldats américains. Le YMCA y a installé une baraque pour apporter un peu de réconfort aux soldats qui travaillaient dans un environnement pas facile. Il est situé dans le secteur de Pontlieue et puise l’eau nécessaire aux laveries dans l’Huisne1.

1Jack J. Hinman Jr, A water supply of the service of supplies, A.E.F., Journal (American Water Works Association), Vol. 7, No. 2,1920, p. 180

Salvage Camp (source NARA)

Salvage Camp (source NARA)

Overhaul Park était le parc de révision pour le matériel. Y sont stockés divers véhicules militaires : camions, voitures, camionnettes dont les fameuses Tin Lizzies. C'était une véritable ruche où plus d'un millier d'hommes s'affairaient autour des engins.

Overhaul Park en avril 1919 (source NARA)

Overhaul Park en avril 1919 (source NARA)

Overhaul Park atelier en avril 1919 (source NARA)

Overhaul Park atelier en avril 1919 (source NARA)

Overhaul Park hangar en avril 1919 (source NARA)

Overhaul Park hangar en avril 1919 (source NARA)

Overhaul Park camions en avril 1919 (source NARA)

Overhaul Park camions en avril 1919 (source NARA)

Une du journal du Overhaul Park en avril 1919 (collection particulière)

Une du journal du Overhaul Park en avril 1919 (collection particulière)

En ville, plusieurs lieux servent aux soldats américains. Il y avait sur la place des Jacobins un campement dont la figure emblématique était la YD (Yankee Division) Hut installée par le YMCA non loin de la cathédrale. Cette baraque, inaugurée le 17 mars 1919, était différente de celles qui existaient dans les camps. Elle était recouverte d'un treillis de bois vert sur fond blanc lui donnant l'aspect d'une folie dans un jardin et l'intérieur avait été décoré par un artiste manceau. On voulait reconstituer l’image d’une demeure de Nouvelle-Angleterre. Ajoutez à cela des jardinières ainsi qu'une vigne grimpante et vous donnerez une excellente image des troupes américaines en ville. Ce foyer pour les soldats avait été financé par des habitants de York Harbor dans le Maine et qui avaient envoyé en France Grace Thompson pour superviser sa construction. Ce sont les soldats du 101st Engineers (26th Division) qui l’ont monté en une trentaine d’heures1. Il y avait aussi Central Hut dans la vieille ville ou encore Kansas Hut dans les jardins des Jacobins.

1 Emerson Gifford Taylor, New England in France, 1917-1919, A history of Twenty-Sixth Division USA, Houghton Mifflin Company, 1920, p. 300

Baraquements place des Jacobins (source YMCA)

Baraquements place des Jacobins (source YMCA)

A la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Sarthe se trouvait le quartier général de l'armée américaine. On trouvait aussi sur la route d’Yvré-L’Evêque un camp d’ingénieurs américains.

  1. En dehors du Mans

La zone « American Embarkation Center » est divisée en huit secteurs : Montfort-le-Rotrou1, La Ferté-Bernard, Ballon, Conlie, La Suze, Sablé, Château-Gontier et Écommoy. Ce sont les sièges des quartiers généraux des divisions de passage. A l’intérieur de ces secteurs, les petites villes ou villages sont les bases des brigades et régiments2. La Suze est signalé comme étant un camp important en dehors de la zone mancelle, alors que les sept autres villes ne semblent accueillir les troupes américaines que dans des châteaux ou maisons particulières.

1Aujourd’hui Montfort-le-Gesnois.

2Jack J. Hinman Jr, A water supply of the service of supplies, A.E.F., Journal (American Water Works Association), Vol. 7, No. 2,1920, p. 180

Camp de La Suze (collection particulière)

Camp de La Suze (collection particulière)

Les cantonnements dans la région d'Ecommoy (source History of Richardson Light Guard)

Les cantonnements dans la région d'Ecommoy (source History of Richardson Light Guard)

Les divisions sont souvent éclatées comme le précise le rabbin Lee J. Levinger1 : « La division [...] était logée dans quarante villages [autour de Montfort le Rotrou], largement dispersés dans les campagnes, et notre artillerie, qui avait combattu dans le secteur américain, était contenue par dix autres, situées près de Laval, à environ cinquante milles de distance. »

Certains camps militaires vont accueillir ces troupes. C'est le cas du camp d'Auvours à Champagné qui avait accueilli auparavant des soldats belges et britanniques. D'ailleurs pour les Américains, c'est le « Belgian Camp » dont ils réutilisent les infrastructures. Là encore, le YMCA va prendre en charge une partie de l'occupation des soldats. Ainsi à Noël 1918, les soldats aideront à la décoration de sapins pour les enfants de réfugiés. Les conditions ne sont pas très agréables (cantine et théâtre trop petits). On comptait environ entre 3000 et 4000 hommes dans ce camp2. Il faut attendre le mois de février et l'annonce des premiers transferts vers les États-Unis pour que le moral remonte. Neuf nouvelles baraques seront édifiées et au mois de juin l'installation sous les arbres donne l'illusion d'un camp d'été. Il faut dire que la grande rencontre de tir en mai ne pouvait pas se dérouler dans un endroit trop sordide.

En avril 1919, le sergent Daniel Fels3 qui rédige l’histoire de la compagnie A du 138th Infantry, raconte l’arrivée et l’installation du régiment après avoir passé environ deux semaines à Tuffé. La première chose qu’il évoque est la présence de couchettes, rudes certes, mais cela faisait bien longtemps qu’il n’avait dormi dans une chose qui ressemblait vraiment à un lit. Ensuite il évoque le rôle efficace des associations d’aide au bien-être des soldats ; en particulier il apprécie le réfectoire qui peut faire passer environ mille hommes en une vingtaine de minutes. Puis les hommes se retrouvent sous un vaste hangar équipé de tables permettant de manger debout.

Le capitaine Butler en juin 1919 trouve que le camp d'Auvours est beaucoup plus agréable que le terrain sableux et mal organisé du Forwarding Camp4. On a là le ressenti d'un soldat qui dans une lettre à sa mère fait apparaître très clairement la différence entre les camps de passage et cette énorme usine de préparation à l'embarquement qu'était le Forwarding Camp. Pour lui, le Belgian Camp est un modèle de propreté et d'ordre où on a laissé les arbres ; il est sous le charme des robiniers blancs en pleine floraison et qui bordent les routes.

1Lee J. Levinger, A jewish chaplain in France, The MacMillan Company, New-York, 1921, p. 59

2The Newark Unin-Gazette, volume XLVII, n°49, 6 décembre 1919

3Fels (Daniel M.), History of "A" Company, 138th Infantry, St. Louis, Woodward & Tiernan Printing Co., 1919, p. 77

4http://www.cromwellbutlers.com/sbb_0619.htm

Belgian camp (collection particulière)

Belgian camp (collection particulière)

Américains à Auvours (carte postale collection particulière)

Américains à Auvours (carte postale collection particulière)

Mais la place disponible au sein des infrastructures militaires est largement insuffisante1 et il faudra créer des camps temporaires pour les troupes américaines.

Ces camps sont souvent installés dans les chefs-lieux de canton et une partie des troupes de passage logeaient dans les villages voisins.

Le camp de Parigné-l'Evêque est la réutilisation de l'ancien camp belge installé dans la commune lorsque le camp d'Auvours s'est avéré être trop petit. Il accueillera peu de temps après l'armistice les troupes du 3rd Provisional Transport Regiment dépendant de la 86th Division Blackhawk. Puis le site deviendra l'école de police militaire. Là encore le YMCA va installer une structure d'accueil permettant aux soldats de profiter d'une cantine et d'une baraque pour les activités2.

Par exemple, la 30th Division s'installe à Ballon3 en novembre 1918. D'autres régiments de cette division sont basés à Beaumont avec une répartition des bataillons4 sur les communes de Ségrie, Vernie, Mézières, Assé le Riboul, Saint-Christophe, Sainte-Sabine, etc. La vie n'est pas toujours facile comme le montre une lettre du soldat Skinner5, écrite depuis Ballon, à ses parents en janvier 1919 ; comme souvent la revue des troupes par le général Pershing est un signe d'espoir. Il relate aussi dans sa missive la joie de prendre un premier vrai bain depuis son arrivée en France.

 

La 35th Division était dans la région de Montfort-le-Gesnois au mois de mars 19196 et la 80th Division était à Ecommoy en avril 19197. A noter qu'on trouvait dans la 35th Division le 129th Field Artillery dont un des capitaines était un certain Harry S. Truman8, futur Président des États-Unis, qui logea au château du Chesnay à Courcemont9. Le 129th F.A. était descendu à la gare de Connerré pour ensuite répartir ses soldats sur Courcemont et Beaufay10. Les soldats ont gardé une bonne image de la région mettant en avant les beautés de la nature préservée des ravages de la guerre. Il faut dire aussi qu'on était alors aux portes du printemps et que la situation était plus enviable que ce qu'avaient vécu leurs camarades au cours de l'hiver dans les grands camps autour du Mans. Le 128th Field Artillery, quant à lui, loge au château de Mortrie à Savigné L’Évêque où on apprécie le cadre et la place disponible pour le cantonnement11 ; ce régiment y restera jusqu’au 30 mars 1919 date où il quitte les lieux sous une tempête de neige afin de rejoindre Connerré avant de s’embarquer pour Brest.

La 36th Division arrivée en Sarthe au printemps 1919 est basée à Montfort-le-Gesnois et une partie de ses troupes est répartie sur les communes de Torcé-en-Vallée et Thorigné sur Dué12. Ce temps d'attente avant le départ vers les ports d'embarquement permet de vérifier les états de service, de procéder aux visites médicales, de refaire le paquetage ou encore d'épouiller les soldats.

1Stéphane Tison avance le chiffre de 1 650 000 soldats et 127 000 véhicules entre décembre 1918 et juillet 1919. Stéphane Tison, Avant le retour des soldats américains at home. Le Mans area, 1919, Maine-Découvertes, septembre-novembre 2011, n°70, p. 27 à 32.

2Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 45

3"Lest We Forget" The Record of North Carolina's Own, North Carolina World War History 112 , s.d., p. 17

Operations Thirtieth Division Old Hickory, s. d., p. 10

4Major John O. Walker, Major William A. Graham, Captain Thomas Fauntleroy, Official History of the 120th Infantry "3rd North Carolina" 30th Division, From August 5, 1917, to April 17, 1919. Canal Sector Ypres-Lys Offensive Somme Offensive, 1919, p. 31

6Brief Histories of Divisions, U.S. Army, 1917-1918, juin 1921, p. 45

7Brief Histories of Divisions, U.S. Army, 1917-1918, juin 1921, p. 65

8http://www.trumanlibrary.org/whistlestop/study_collections/ww1/129roster.shtml

9David McCullough, Truman, Simon and Schuster, 2003, p. 139

10Jay M. Lee, The artilleryman; the experiences and impressions of an American artillery regiment in the world war. 129th F.A., 1917-1919, Kansas City, Mo., Press of Spencer Printing Company, 1920, p. 243-244

11The "Orphan Battery" and operations, 128th U.S. Field Artillery (1st Missouri F.A.), Cleveland, O., H.M. White, 1921, p. 110-111

12Lonnie J. White, Panthers to Arrowheads : the 36th (Texas-Oklahoma) Division in World War I, 1984, p. 208

Pont de Gennes 54th Inf poste de commandement (source NARA)

Pont de Gennes 54th Inf poste de commandement (source NARA)

Le rabbin Lee J. Levinger était chapelain au front, puis après l'Armistice il est envoyé au Mans travaillant pour le Jewish Welfare Board. Il s'installe à Montfort le Rotrou (le Gesnois aujourd'hui) où « les minuscules maisons grises semblaient toutes datées de l'époque d'Henri de Navarre ». Il explique comment sont logés les soldats : « Les hommes vivaient principalement dans des granges, comme les maisons étaient occupées par les paysans, qui avaient besoin de leurs propres pièces. [...] Parce que nous étions dans une région peuplée, seules des unités plus petites pouvaient être logées dans un seul village, ce qui signifiait moins d'accès aux lieux de divertissement. Le village typiquement français n'a pas de salle assez grande pour le cinéma, à l'exception du seul lieu d'assemblée, l'église; apparemment, les agriculteurs et les villageois n'ont pas d'amusements sauf boire, danser (dans les petites salles bondées) et la fréquentation de l'église1» Et d'ajouter que « le soldat moyen ne rencontrait pas la meilleure classe de Français, seuls les paysans et les prostituées des villes. Il avait peu de goût pour les merveilleux trésors architecturaux et historiques du pays. Il ne pouvait parler la langue au-delà de ses besoins élémentaires. »

 

Certains éléments de 81st Division sont installés au nord du Mans2. Le 321st Infantry arrive en Sarthe en mai 1919, installe son quartier général à La Guerche et réparti ses bataillons sur les communes de Souligné-sous-Ballon, La Bazoge, Joué l'Abbé, Neuville. Comme ailleurs, on occupe le temps par des inspections et des revues. Début juin, les soldats partent vers Saint-Nazaire afin d'embarquer vers les États-Unis.

La 83rd Division occupe des villages du sud et de l'ouest de la Sarthe : le 49ème d'infanterie à Conlie, le 329ème d'infanterie à Ecommoy, le 330ème d'infanterie à Laigné-en-Belin, le 331ème d'infanterie à La Suze, et un régiment d'artillerie à Mayet.

1Lee J. Levinger, A jewish chaplain in France, The MacMillan Company, New-York, 1921, p. 59

2Clarence Walton Johnson, The History of the 321st Infantry, The R. L. Bryan Company, Columbia S. C., 1919, p. 102

A SUIVRE Partie 3 Les conditions de vie

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27 novembre 2024 3 27 /11 /novembre /2024 15:42

En avril 1917, le Président Wilson engage les États-Unis dans la Première Guerre Mondiale. Un système de conscription est créé. Dès lors, des troupes américaines vont débarquer pour rallier le front et on comptera au moment de l'armistice environ deux millions de soldats américains en France. La Sarthe et Le Mans sont, de par l'organisation du réseau de transport, une plaque tournante pour la redistribution des troupes vers les ports du retour.

Le Président américain Woodrow Wilson

Le Président américain Woodrow Wilson

A. Avant l'armistice

Des troupes américaines s'arrêtaient déjà au Mans après leur arrivée en France. La zone de transit est nommée 2nd Depot Division. La 83th Division du général Glenn arrive en France au cours du mois de juin 1918 et va gérer la dite zone en formant plus de 195 000 militaires1. Certaines unités restent là quelques jours pour suivre des formations comme par exemple une formation aux gaz2. Ou encore les dernières unités de la 34th Division qui débarquent en France le 24 octobre 1918 ; elles sont ensuite cantonnées dans la zone mancelle3. En fait certaines divisions américaines arrivées au cours de l'automne 1918 restent au Mans comme troupes de réserve. D'ailleurs elles quitteront la France dès décembre 1918 sans être montées au combat. Le témoignage d'un soldat américain explique assez bien ce parcours en France à partir de l'automne 1918 : « Nous avons pris la mer le 29 septembre et sommes arrivés à Brest, France, le 8 octobre 1918. Nous sommes restés à Brest pendant 3 jours et nuits. Nous étions stationnés à Cremay pendant 2 semaines et de là nous sommes allés au Mans. Nous sommes arrivés là le 30 octobre, nous sommes restés un jour, et avons ensuite été transférés par camion à Cérans-Foulletourte, en France [...] et de là nous sommes allés à Saint-Ouen [...]. Nous étions sur le champ de tir le 11 novembre, jour de l'armistice. De là, nous sommes allés à Écommoy [...]. Nous quittâmes Écommoy le 1er janvier 1919, retournâmes à Brest et arrivâmes aux États-Unis le 23 janvier 1919.4 » 

La région mancelle est organisée par les autorités américaines en zones administratives : La Suze, Ecommoy, Mayet, Conlie et Laigné en Belin5. Des clichés montrent des exercices de tirs dans les communes de La Suze et de Mayet en octobre 1918.

183rd Division Association, 83rd division record of events, Thunderbolt, vol. 43, n°2, 1988, p. 6

2Joseph W.A. Whitehorn, The inspectors general of the United States Army 1903-1939, 1998, p. 227

3http://www.newrivernotes.com/topical_history_ww1_oob_american_forces.htm

4https://etvma.org/veterans/arl-b-kelly-6676/

5Order of battle of the United States land forces in the world war, American Expeditionary Forces : Divisions, volume 2, Center of military history, United States Army, Washinton, D.C., 1988, p. 363

 

Le stand de tir de Guécélard

Le stand de tir de Guécélard

Entrainement de la 83ème Division, région de La Suze

Entrainement de la 83ème Division, région de La Suze

En juillet 1918, des cérémonies se déroulent au Mans à l'occasion des fêtes nationales américaine et française. Des troupes américaines défilent alors sur la place des Jacobins.

En octobre 1918, l'AEF chaplain school s'était installée au château d'Aux (Villaines) à Louplande. La question des chapelains était rapidement devenue une question d'importance avec plus de deux millions de soldats envoyés en Europe. De plus, ces hommes devaient avoir une formation propre aux activités en zone de combat. En France, une école a été ouverte à Neuilly-sur-Suize (Haute-Marne) permettant aux religieux d'avoir une préparation militaire ; elle sera ensuite déplacée à Louplande1.

En décembre 1918, se déroulent les fêtes franco-américaines autour des personnages de La Fayette, qui fut député de la Sarthe, et du monument Wilbur Wright en présences des hautes autorités françaises et américaines2.

1On trouvera des renseignements plus complets dans Michael Snape, God and Uncle Sam, Religion and America's Armed Forces in World War II, The Boydell Press, 2015

2Stéphane Tison, Une fête pour promouvoir une certaine idée de la paix. Le Mans, 22 décembre 1918, Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2018/3 N° 129-130, p. 22-27

 

Défilé du 14 juillet 1918 au Mans

Défilé du 14 juillet 1918 au Mans

22 décembre 1918, Place de la République au Mans

22 décembre 1918, Place de la République au Mans

Mémorial de Haute-Loire, 23 décembre 1918

Mémorial de Haute-Loire, 23 décembre 1918

Chateau de Villaines, Louplande (Sarthe)

Chateau de Villaines, Louplande (Sarthe)

B. Les camps de transit au Mans et en Sarthe en attendant le retour vers les États-Unis1

L'armistice étant signé le 11 novembre 1918, une armée d'occupation reste sur les zones de combat. Mais l'idée du rapatriement des troupes américaines vers leur pays va logiquement prendre place chez l'état-major, surtout que pour beaucoup de soldats américains le fait de rester en Europe n'a aucun sens. Le Mans area n'est alors qu'un élément du Service of Supply (Service d'Approvisionnement). Cependant, l'abondance de soldats fera qu'il va falloir prendre le temps d'organiser ce rapatriement et d'étaler les départs depuis la France. En attendant le départ, il faudra implanter des camps de transit en arrière des ports d'embarquement sur la façade atlantique face aux États-Unis2 (Bordeaux, Saint-Nazaire et Brest). De plus Le Mans bénéficie d'une toute récente gare de triage mise en service en 1914 dans la zone sud du Mans entre la route d'Angers et la Sarthe3. La zone mancelle permet ainsi de desservir rapidement les ports de Bordeaux, Saint-Nazaire, Brest et Le Havre en profitant d'un réseau ferré qui permet de se connecter directement sur ces zones4. Par ailleurs, le réseau départemental de tramways à vapeur sur voie étroite est bien réparti sur le territoire et permet d’accéder au Mans dans de bonnes conditions. Également, les services d’hygiène de l’armée américaine sont intéressés par la qualité du réseau d’eau. En effet, dès 1906, une usine des eaux moderne permet de bénéficier d’une ressource assez facile à traiter et à distribuer vers les camps manceaux en utilisant également le réservoir de Gazonfier5. Le Mans area devient à partir de la mi-décembre 1918 une unité particulière nommée American Embarkation Center. Auparavant c’est à Écommoy que se faisait l’organisation des retours vers les États-Unis6. C'est ainsi que la Sarthe s'est retrouvée avec une arrivée massive de doughboys du corps expéditionnaire américain (American Expeditionary Force). Cette zone couvre une surface au delà des limites du département et dont Le Mans est le centre. Le capitaine Hinman nous décrit cet espace comme un territoire d’environ 150 km sur 100 km, limité par des villes telles que Nogent-le-Rotrou, Alençon, Laval, Château-Gontier, La Flèche, Vendôme et Saint-Calais7. Elle va accueillir jusqu'à plus de 200 000 hommes simultanément8. Cette immense zone a été divisée en secteurs pouvant accueillir les quartiers généraux de dix divisions9.

1Une excellente étude concernant la Sarthe pendant la Première Guerre Mondiale a été publiée en 1991 : André Ligné, Les Sarthois au temps de la Première Guerre Mondiale, Editions Bordessoules, 1991

2Lors de l'arrivée des troupes américaines, les ports de la Manche servent surtout pour les troupes anglaises et ceux de la Méditerranée sont tournées vers l'arrivée des hommes et des matières des colonies. Cependant selon les besoins, des navires américains ont également débarqués dans ces ports.

3Capitaine J. Marty, Le Mans, nœud de voies ferrées, Annales de Bretagne, tome 46, N° 3-4, 1939, p. 217

4Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 4

5Jack J. Hinman Jr, A water supply of the service of supplies, A.E.F., Journal (American Water Works Association), Vol. 7, No. 2,1920, p. 182-183

6Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 166

7Jack J. Hinman Jr, A water supply of the service of supplies, A.E.F., Journal (American Water Works Association), Vol. 7, No. 2,1920, p. 179

8Johnson et Brown, Official athletic almanac of the American Expeditionary Forces, 1919, p. 25

9The Evening Record, 13 mars 1919

 

Carte publiée dans CMH vol. 15

Carte publiée dans CMH vol. 15

Une liste des camps est donnée par le YMCA1 : Le Mans Depot Division (Classification Camp, Spur Camp, Camp Etat, Overhaul Park, Salvage Camp, Parigné-l'Évêque et plusieurs camps annexes dans et autour de la ville), Forwarding Camp (aussi appelé « camp d’Arnage » par les locaux), Belgian Camp (dit aussi « camp d’Auvours »), Écommoy, La Suze, Sablé, Conlie, Ballon, Montfort, La Ferté-Bernard, Mayenne, Laval, Château-Gontier, Alençon et Rennes.

1YMCA (Young Men's Christian Association) : mouvement de jeunesse religieux spirituel puis d'assistance né au Royaume-Uni dans la première moitié du XIXème siècle. Cette organisation se diffuse en Amérique du Nord et c'est tout naturellement que le mouvement va s'impliquer dans l'aide aux soldats américains.

 

C. L'arrivée

A partir de la fin des hostilités, et selon les ordres des différents régiments, les troupes américaines migrent vers l'ouest de la France. Les premières troupes arrivent au Mans dès le mois de novembre 1918 comme l'indiquent les ordres du 2ème Corps d'Armée US. Ainsi la 30th Division est cantonnée au Mans à partir du 24 novembre 19181. Les consignes sont strictes quant au comportement à avoir : les soldats représentent l'armée et le peuple des États-Unis ; ils doivent donc avoir une attitude digne2.

Après parfois de longues marches au travers des anciens champs de bataille, les soldats embarquent dans des trains. Chaque convoi devait être composé de 17 wagons plats, de 30 wagons fermés et d'une voiture pour les officiers3. Le voyage dure quelques jours4 et se fait souvent dans des wagons à bestiaux abritant une soixantaine d'hommes. L'intendance doit gérer les difficultés d’approvisionnement. Des accidents se produisent parfois et certains soldats meurent lors du retour vers Le Mans. Ce fut le cas par exemple pour les soldats Walter A. Mankins et SC Siquerious du 113th F.A. décédés en janvier 1919 à Trondes (Meurthe et Moselle)5. Le Norwich Bulletin (Connecticut) rapporte dans son édition du 18 avril 1919 que 14 soldats américains et 6 soldats français, essentiellement des Bretons, furent tués près du Mans dans un accident ferroviaire. Il s'agit de l'accident de Sillé-le-Guillaume dont un compte-rendu fut publié dans le quotidien l'Ouest-Eclair des 18 et 19 avril 1919. Quatre trains se suivaient à moins de 20 minutes d’intervalle ; le premier train rencontrant des problèmes mécaniques entre Conlie et Sillé est obligé de s'arrêter. Une mauvaise interception de l'information a fait que le train suivant n'a pu éviter la collision, provoquant un très lourd bilan humain. L'article parle de soldats américains permissionnaires mais on peut penser qu'ils rejoignaient plutôt Brest afin d'embarquer vers les États-Unis.

1http://www.newrivernotes.com/topical_history_ww1_oob_american_forces.htm

2Colonel Joseph Hyde Pratt, Diary of Colonel Joseph Hyde Pratt, Commanding 105th Engineers, AEF, Edwards and Broughton Company, Raleigh, 1926, p. 245

3Colonel Joseph Hyde Pratt, Diary of Colonel Joseph Hyde Pratt, Commanding 105th Engineers, AEF, Edwards and Broughton Company, Raleigh, 1926, p. 236

4Le 113th F .A. met cinq jours à atteindre Le Mans dans de difficiles conditions de voyage. History of the 113th Field Artilley 30th Division, The History Committe of 113th F. A., Raleigh, N.-C., 1920, p. 189

5History of the 113th Field Artilley 30th Division, The History Committe of 113th F. A., Raleigh, N.-C., 1920, p. 130

 

La Une du Ouest-Eclair du 19 avril 1919

La Une du Ouest-Eclair du 19 avril 1919

Au Forwarding Camp, les troupes entrantes passent par le R.T.O. (Railroad Transportation Office) où le YMCA propose un chocolat aux arrivants, jusqu'à 10 000 certains jours1. L'efficacité de ce service surprend d'ailleurs certains hauts gradés.

En arrivant au camp, il faut passer par la zone d'épouillage où l'on reste entre trois et dix jours2. C'est un moment assez difficile pour les hommes qui doivent pendant ce temps rester isolés des autres. Cette désinfection est décrite par le 1er lieutenant William Holmes Dyer du 317th Ammunition Train. Les hommes enlèvent leurs vêtements et les déposent en tas sur le sol ; puis plus loin ils ôtent leurs sous-vêtements. Alors ils entrent dans une pièce chauffée et ont droit à un bain avec savon et désinfectant. Ensuite, ils reçoivent un nouveau lot de vêtements propres, mais pas toujours avec les bonnes tailles. Dès lors, ils intègrent de nouvelles baraques pour éviter toute nouvelle contamination3.

1Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 29

2Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 24

3http://home.earthlink.net/~gskwink/InHonor.html

 

Des aménagements au Forwarding Camp (source YMCA)

Des aménagements au Forwarding Camp (source YMCA)

Pour ceux qui arrivent dans les villes ou villages, il faut loger chez l’habitant. Les officiers sont dans les châteaux et maisons, alors que les soldats trouvent abri dans les granges1. C'est ce que se passe pour le 103rd Field Artillery (26th Division) lorsqu'il arrive à Pontvallain. On cherche les meilleures cuisinières capables de cuisiner les French fried potatoes et aussi les élevages de lapins.

Le journal du colonel Joseph Hyde Pratt relate l'arrivée des troupes à Marolles en novembre 19182. Le premier soucis est lié à la consommation d'alcool dont sont friands un certain nombre de soldats ; cependant, et à leur décharge, il faut bien reconnaître que les sarthois ont trouvé dans cette consommation une bonne occasion de se faire de l'argent. Les cafés sont bien sûr en cause dans cette histoire mais le colonel rapporte que les habitants en profitent également en vendant aux soldats du « cognac3 ». Le rappel à l'ordre passe par des sanctions telles que la perte de leur grade pour les caporaux et les sergents, mais aussi par un travail avec le maire et le curé.

La Fighting Battery C du 102nd Field Artillery (26th Division) arrive en Sarthe au cours du mois de janvier 1919 pour prendre ses quartiers dans la région de Mayet. Un passage du journal de guerre écrit lors du retour aux États-Unis reflète assez bien le sentiment qui habitait alors les soldats : « Vers le 26 janvier, nous sommes arrivés à Mayet dans la zone d’embarquement du Mans, au milieu de la neige qui tombait. En une demi-heure, nous avions achevé la tâche de déchargement et nous étions en route pour le cantonnement en ville.
Mayet était plutôt une grande ville, en fait la plus grande où nous ayons jamais été hébergés et nous avons commencé à douter sur notre présence à Mayet ou de notre déménagement dans un village plus petit, mais pour une fois la chance était avec nous et nous sommes restés ici.

Jusqu'à présent, nous n'avions reçu aucun ordre précis concernant le départ de France pour la maison. Les rumeurs étaient nombreuses comme toujours. Nous avons entendu des histoires d'autres divisions qui partaient pour la maison. Le fait que nous soyons dans un centre d’embarquement nous laissait à penser que nous allions bientôt avoir des précisions. Si nous avions l’intention de nous maintenir en France pendant longtemps ou de nous assigner une autre tâche, nous n’aurions pas été envoyés dans cette région et nous avons tous attendu patiemment ».4

L'arrivée sur la Sarthe et la dispersion vers les différentes zones de cantonnement va nécessiter d'avoir un réseau routier de bonne qualité. Ainsi, le 105th Regiment of Engineers (30th Division) se verra confier en février 1919 la mission d'entretien du quart nord-est du réseau routier sarthois entre les routes de Saint-Calais et d'Alençon5. La priorité porte sur la route nationale 138 dite route d'Alençon. Les matériaux nécessaires à l'entretien seront pris dans une carrière à Fresnay-sur-Sarthe. Un état des routes est effectué et les camions transportent la pierre pour réparer les mauvaises portions telles que celles au sud de Beaumont-sur-Sarthe ou encore au nord de Oisseau-le-Petit. Les principaux axes routiers sont inspectés un à un et des ordres sont donnés afin que différents groupes interviennent pour effectuer les réparations. En fait, ce régiment avait reçu sa mission dès le début du mois de décembre 1918 afin de faciliter la circulation des troupes américaines en Sarthe6. Début mars, le régiment reçoit l'ordre de se rendre au Forwarding Camp afin de préparer son rapatriement.

1Henry T. Samson et George C. Hull, The war story of C battery, One hundred and third artillery, France 1917-1919, The Plimpton Press, 1920, p. 220

2Colonel Joseph Hyde Pratt, Diary of Colonel Joseph Hyde Pratt, Commanding 105th Engineers, AEF, Edwards and Broughton Company, Raleigh, 1926, p. 244

3Il doit plutôt s'agir de la goutte produite dans les fermes à partir du cidre.

4Lieutenant Edward D. Sirois et caporal William McGinnis, Smashing Throuh « the Word War » with Fighting Battery C., 102nd F. A., « Yankee Division », 1917-1918-1919, The Week Press, Salem, Massachusetts, 1919, p. 139-140

5Willard P. Sullivan et Harry Tucker, The history of the 105th Regiment of Engineers, George H. Doran Company, New-York, 1919, p. 267

6Colonel Joseph Hyde Pratt, Diary of Colonel Joseph Hyde Pratt, Commanding 105th Engineers, AEF, Edwards and Broughton Company, Raleigh, 1926, p. 249

 

Une carte américaine concernant la partie nord-est de la Sarthe

Une carte américaine concernant la partie nord-est de la Sarthe

A SUIVRE Partie 2 « Divers camps en Sarthe »

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17 novembre 2024 7 17 /11 /novembre /2024 14:07

La commune d’Etival-Lès-Le Mans (Sarthe) possède un riche passé ; on ne manquera pas de visiter son église romane qui est, architecturalement parlant, des plus belles du canton de La Suze (Sarthe).

Quelques trouvailles archéologiques ont été faites sur le territoire communal. La plus importante découverte fut un trésor monétaire composé de 3369 pièces romaines. La prospection aérienne a également apporté des informations nouvelles. Un enclos circulaire a été vu en 1998 (il était à nouveau visible en juin 2006) ; en 1990, un petit bâtiment rectangulaire pouvant correspondre à une petite villa est apparu dans les cultures. L’activité sidérurgique est également bien présente dans la commune ; au 19ème siècle, on signale plusieurs amas de scories mais sans localisation. Un toponyme très révélateur attire l’attention : la Ferrière.

Les prospections ont révélé une présence préhistorique avec un certain nombre d’outils en silex. Parmi ces objets qui remontent à la Préhistoire, signalons une armature de flèche longue de 28 mm, large de 21 mm du côté du tranchant et épaisse de 3 mm. Le matériau est un silex orangé fin qui rend cette armature translucide. C’est l’extrémité la plus étroite qui était fixée dans la hampe de la flèche ; la partie la plus large (le tranchant) blessait la victime. On peut dater cet objet du milieu du néolithique, c'est-à-dire vers 4300 à 3300 av. J.-C.

Etival-Lès-Le Mans (Sarthe) - armature néolithique

Etival-Lès-Le Mans (Sarthe) - armature néolithique

Etival-Lès-Le Mans (Sarthe) - armature néolithique

Etival-Lès-Le Mans (Sarthe) - armature néolithique

Rappel de la loi : La prospection archéologique est soumise à autorisation administrative délivrée par le préfet de région. L’utilisation des détecteurs de métaux dans les parcelles qui recèlent des vestiges archéologiques est strictement interdite. Le non respect de la loi est soumis à de lourdes sanctions.

Code du Patrimoine :

Art. L. 531-1 – Nul ne peut effectuer sur un terrain lui appartenant ou appartenant à autrui des fouilles ou des sondages à l'effet de recherches de monuments ou d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans en avoir au préalable obtenu l'autorisation.

La demande d'autorisation doit être adressée à l'autorité administrative ; elle indique l'endroit exact, la portée générale et la durée approximative des travaux à entreprendre.

Dans le délai, fixé par voie réglementaire, qui suit cette demande et après avis de l'organisme scientifique consultatif compétent, l'autorité administrative accorde, s'il y a lieu, l'autorisation de fouiller. Elle fixe en même temps les prescriptions suivant lesquelles les recherches devront être réalisées.

Art. L. 542-1 - Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d'objets métalliques, à l'effet de recherches de monuments et d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche.

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31 octobre 2024 4 31 /10 /octobre /2024 11:09

LE SITE

L’église d’Athenay est une ancienne église paroissiale rattachée aujourd’hui à la commune de Chemiré-le-Gaudin. Elle se situe au centre du hameau et sur le cadastre de 1809, le cimetière occupe la partie sud ouest devant le bâtiment. Il reste d’ailleurs une croix (inscription MH) datée du 16ème siècle comme dernier témoignage.

Vue générale du village d'Athenay

Vue générale du village d'Athenay

Athenay, Cadastre 1809, B

Athenay, Cadastre 1809, B

Croix du cimetière (XVIème siècle)

Croix du cimetière (XVIème siècle)

La mention la plus ancienne remonte à la seconde moitié du 11ème siècle (ecclesia de Attiniaco1) dans une donation à l’abbaye Saint Vincent et l’église est déjà placée sous le vocable de la Vierge Marie. Vers 1330, on parle toujours de l’ « ecclesia de Attenay2 ». En 1405, on utilise l’expression « capella de Athenay3 ». Le statut de la paroisse a changé ; elle était rattachée au doyenné de Vallon jusqu’au 15ème siècle date à laquelle Athenay devient succursale de Chemiré.  En 1768, elle redevient paroisse. Puis elle est rattachée à Chemiré-le-Gaudin le 14 décembre 1809. On profitera de ces quelques lignes pour tordre le cou à une étymologie empirique qui voulait édifier les origines de l’église sur un temple dédié à Athéna.

1Abbé Robert Charles et le Vicomte Menjot d'Elbenne, Cartulaire de l'abbaye de Saint-Vincent du Mans, Société historique et archéologique du Maine. 1886-1913, p. 276

2Auguste Longnon, Pouillés de la province de Tours, Ed. C. Klincksieck, Paris, 1903, p. 72

3La Province du Maine, XXII, 166

Vue de l'église d'Athenay

Vue de l'église d'Athenay

Carte postale ancienne

Carte postale ancienne

LA NEF

La nef est la partie la plus ancienne de l’église. Le mur repose sur des fondations réalisées avec des pierres de différentes natures et de différents modules. A environ un mètre de hauteur commence le petit appareillage de calcaire (les roussards sont très rares) ; trois baies romanes se trouvent au sommet mais semblent appartenir à un état postérieur (peut-être charnière Xè/XIè s.). Le sommet de ces fenêtres est composé d’un linteau échancré sur lequel sont gravées des incisions droites rayonnantes. Ensuite on les a comblées avec du mortier pour donner l’illusion d’un arc composé de claveaux. Cette technique est connue sur plusieurs monuments romans du Maine. C’est le cas des meurtrières du donjon de Sainte Suzanne (Mayenne) et de celles de l’église de Vezot (Sarthe), pour ne citer que deux exemples. L’ouverture du milieu est réalisée entièrement en roussard alors que les deux autres utilisent le roussard et le calcaire ; mais la composition est la même pour ces deux fenêtres : le bas est en roussard et le sommet en calcaire.

Mur nord de l'église

Mur nord de l'église

Fenêtre romane du mur nord

Fenêtre romane du mur nord

Fenêtre romane du mur nord

Fenêtre romane du mur nord

On peut s’interroger sur la construction de ce mur. Il semble que les meurtrières soient construites lors d’une deuxième phase (l’appareillage parait différent, l’angle entre le mur et la façade est chaînée sauf dans la partie haute où on a l’impression de voir un mur). Le mur nord pouvait sans doute être sans ouverture à l’origine. C’est le cas de la chapelle Saint Fraimbault à Saint Georges de la Couée (Sarthe). Selon Alain Valais1, cette partie de l’édifice et le mur ouest pourraient appartenir à un ancien édifice romain.

 

Le mur sud est plus récent. Il montre clairement un appareillage différent (opus incertum) mais qui semble réutiliser les matériaux de l’état antérieur. Deux fenêtres, d’époque différentes, permettent un meilleur éclairage de l’intérieur de la nef et peut-être des fonts baptismaux. La plus haute doit être la plus ancienne. Pourquoi a-t-on refait ce mur sud ? La question reste posée puisqu’on ne peut guère envisager un agrandissement. En effet la lecture de l’appareillage de la façade ne montre pas un élargissement de la nef. Les fondations sont différentes du mur Nord et sont composées de gros blocs de roussard, calcaire et grès. Y a-t-il eut un effondrement ? En regardant les fissures existantes, on peut l’envisager.

1Alain Valais, Les églises rurales du premier Moyen Âge (Ve/XIe siècle) dans l'ancien diocèse du Mans et à ses confins Volume 5 : catalogue des notices des églises de la Sarthe, Thèse Université Paris Nanterre, 2021, p. 20

Mur sud de l'église

Mur sud de l'église

La porte sud qui ouvrait sur le cimetière laisse apparaître une tentative de décor qui joue sur les couleurs des roussards et des calcaires. Le montant droite et l’arc alternent les deux matériaux ; mais le montant gauche est entièrement en calcaire. En comparant le portail ouest et la porte sud, on peut imaginer une construction à la même époque.


 

La façade ouest a connu quelques modifications. La porte actuelle date d’un état postérieur à l’édification de la nef. On observera à environ trois mètres au dessus du sol un lit d’arrêt de la phase de construction. Les éléments les plus remarquables sont un décor en sablier réalisé en roussard (sur 7 rangs) alors que le reste de la façade est composé de calcaire blanc. Un sablier se situe au dessus du portail, les deux autres sont de chaque côté mais il ne semble pas avoir de symétrie dans l’organisation du décor. Cette partie de l’édifice est à priori contemporaine du mur nord.

 

On remarque aussi une augmentation de la pente du toit puisqu’on peut voir une reprise de la maçonnerie mais toujours avec un appareillage cubique ce qui semble indiquer une modification assez rapide après l’édification de la nef.

Les fissures visibles sur la façade et sur la partie ouest du mur nord trahissent une certaine instabilité du terrain.

La façade ouest de l'église

La façade ouest de l'église

Un élément de décor sur la façade ouest

Un élément de décor sur la façade ouest

LES CHAPELLES

Les chapelles ont été ajoutées plus tard. Le mur ouest de la chapelle nord porte une date sur l’enduit au sommet du mur près du chaînage. Il semble que l’on puisse lire 1678. Mais cela permet de dater l’enduit et non la chapelle. L’appareillage est composé de pierres calcaires allongées (jusqu’à environ 40 cm). Le chaînage est dominé pour les 2/3 par les roussards qui sont dans la partie basse alors que les blocs calcaires se situent dans la partie haute. Seule une baie placée au nord assure l’éclairage.

 

La chapelle sud ne semble pas avoir été construite en même temps que la chapelle Nord. Le chaînage d’angle n’est réalisé qu’avec des blocs calcaires. On remarque des traces d’un faux appareillage dessiné sur l’enduit frais. Par contre la technique de construction reste la même ce qui tend à prouver que même si ces chapelles n’ont pas été élevées lors d’un même chantier, elles ont dû se suivre dans un temps relativement proche.

 

Les grilles métalliques des baies ne sont pas datées mais sont toutes réalisées de la même façon (nef, chapelles).

Chapelle nord et sacristie

Chapelle nord et sacristie

Chevet de l'église

Chevet de l'église

LA SACRISTIE

La fenêtre de la sacristie porte une date 1670 ainsi que deux initiales « M » et « MO ».

Inscription sur le linteau de la fenêtre de la sacristie

Inscription sur le linteau de la fenêtre de la sacristie

DATATION DE L’ÉGLISE

La technique des claveaux simulés des meurtrières, le petit appareillage cubique sont dès éléments qui tendent à fournir une datation remontant au 11ème siècle pour la partie la plus ancienne de l’édifice. On sait par les textes que la paroisse existait déjà vers 1050 et une datation autour de cette période parait cohérente.


 

Il est possible qu’au 13ème siècle, il y ait eut la réfection du mur sud et la création des deux portes. C’est sans doute à cette époque qu’il faut rajouter la construction du chevet actuel.

 

Deux dates sont inscrites sur l’église ce qui permet d’établir une chronologie relative entre certains éléments. Il semble qu’au 17ème siècle une campagne importante de travaux ait été réalisée pour remettre en état (ou en valeur ?) le bâtiment. C’est peut être  à cette époque qu’il faut rattacher l’adjonction des chapelles. En tout cas, ces chapelles ne peuvent pas être postérieures à 1670 car la sacristie est collée et non chaînée avec les chapelles

 

Alain Valais dans sa thèse1 propose la chronologie suivante pour l’édifice roman :

1. un édifice romain avec des décors géométriques qui est réemployé pour devenir une église (époque mérovingienne sans doute).

2. une transformation avec un rehaussement des murs au Xème siècle ou au XIème siècle avec la création des fenêtres romanes toujours visibles aujourd’hui sur le mur nord.

3. un portail ouest reconstruit au XIIème siècle.

1Alain Valais, Les églises rurales du premier Moyen Âge (Ve/XIe siècle) dans l'ancien diocèse du Mans et à ses confins Volume 5 : catalogue des notices des églises de la Sarthe, Thèse Université Paris Nanterre, 2021, p. 20

L’INTÉRIEUR DE L’ÉGLISE

L’intérieur de l’église d’Athenay garde un aspect authentique dû à sa moindre fréquentation depuis le début du XIXème siècle.

 

L’ensemble statuaire est assez riche et donne une bonne idée des figures qui étaient adorées dans l’église. La plupart des terres cuites datent du XVIIème siècle. On y trouve entre autre une éducation de la Vierge, un saint Hyacinthe de Cracovie, un saint Joseph, un saint Blaise, un saint Michel, etc. On sait ainsi qu’en juin 1711, trois figures de la Vierge, d’Élisabeth et de Joseph sont offertes à la paroisse pour orner le retable principal1.

Mais d’autres éléments particuliers se trouvent dans l’église : un panneau sculpté en bois représentant l’adoration des rois mages (XVIème siècle) et qui est sans doute le vestige de l’ancien retable, une chaire à précher en bois du XVIIème siècle, un bâton de procession de la confrérie de la Visitation (XVIIIème siècle), des fonts baptismaux du XVIème siècle en calcaire, un tronc ancien (XVIème siècle?), etc.

Il ne faudrait pas non plus oublier une statue polychrome en pierre du XVème siècle représentant une vierge à l’enfant.

On sait aussi qu’une cloche a été baptisée en octobre 17072.

1Registres paroissiaux

2Registres paroissiaux

Vue de l'intérieur de l'église d'Athenay

Vue de l'intérieur de l'église d'Athenay

Adoration des mages, panneau de bois, XVIè siècle

Adoration des mages, panneau de bois, XVIè siècle

Adoration des mages, panneau de bois, XVIè siècle

Adoration des mages, panneau de bois, XVIè siècle

Adoration des mages, panneau de bois, XVIè siècle

Adoration des mages, panneau de bois, XVIè siècle

Bâton de procession (XVIIIè siècle)

Bâton de procession (XVIIIè siècle)

Chaire (XVIIè siècle)

Chaire (XVIIè siècle)

Education de la Vierge (XVIIè siècle)

Education de la Vierge (XVIIè siècle)

Fonts baptismaux (XVIè siècle)

Fonts baptismaux (XVIè siècle)

Retable (XVIIè siècle)

Retable (XVIIè siècle)

Tronc (XVIè siècle)

Tronc (XVIè siècle)

Vierge à l'enfant, XVè siècle

Vierge à l'enfant, XVè siècle

La visitation (XVIIè siècle)

La visitation (XVIIè siècle)

Saint Etienne, saint Michel et saint Blaise (XVIIè siècle)

Saint Etienne, saint Michel et saint Blaise (XVIIè siècle)

L’église d’Athenay est assurément un lieu patrimonial intéressant où il est aisé de se replonger dans le temps.

Eglise d'Athenay (Sarthe)

Eglise d'Athenay (Sarthe)

Eglise d'Athenay (Sarthe)

Eglise d'Athenay (Sarthe)

Eglise d'Athenay (Sarthe)

Eglise d'Athenay (Sarthe)

Eglise d'Athenay (Sarthe)

Eglise d'Athenay (Sarthe)

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12 octobre 2024 6 12 /10 /octobre /2024 17:29

La commune de Fillé est connue pour son moulin que l’on peut dater du Moyen-Age, mais sans pouvoir donner un siècle avec précision. Ce moulin était rattaché à la seigneurie de Buffes. Mais les prospections archéologiques sur le territoire communal ont permis de reculer de quelques milliers d’années l’activité de production de farine dans ce secteur géographique.

Une parcelle, proche du Clos Colin à Fillé, a livré une meule dormante à va-et-vient datant de l’époque néolithique (6000 av. J.-C. jusqu’à 2200 av. J.-C.) ; certaines ont pu être utilisées jusqu’à l’âge du Fer. Il s’agit d’un gros bloc de grès pesant presque 9 kg, mesurant 35 cm sur 28 cm. La face inférieure, naturelle, est bosselée. La face supérieure a été piquetée et aplanie pour la rendre abrasive.

Meule néolithique, face supérieure, Fillé (Sarthe)

Meule néolithique, face supérieure, Fillé (Sarthe)

Meule néolithique, profil, Fillé (Sarthe)

Meule néolithique, profil, Fillé (Sarthe)

Les fouilles menées en 1999 sur le site du Parc à Vivoin avaient amené la découverte d’une meule sur un site d’habitat néolithique moyen. Un autre exemplaire est également signalé en fouille sur la commune de Fyé. Les prospections archéologiques pédestres ont également permis de repérer d’autres meules comme à Conlie ( meule dite à cuvette).

Meule à cuvette, Conlie (Sarthe)

Meule à cuvette, Conlie (Sarthe)

A partir du 2ème siècle av. J.-C., un autre type de meule apparaît : la meule rotative. Elle est composée d’une partie « dormante » (meta) et une partie « mouvante » (catillus). On installe alors un manche en bois dans un trou sur le côté du catillus afin d’exercer un mouvement rotatif qui écrasera les grains entre les deux parties de la meule.

Meule rotative (catillus)  provenant de Oisseau le Petit (72). Son diamètre est de 42 cm.

Meule rotative (catillus) provenant de Oisseau le Petit (72). Son diamètre est de 42 cm.

En haut, le trou par où est versé le grain. Sur le flanc, le trou pour le manche en bois permettant d'actionner la meule.

En haut, le trou par où est versé le grain. Sur le flanc, le trou pour le manche en bois permettant d'actionner la meule.

Les découvertes de meules à va-et-vient sont relativement rares. Elles ont parfois été cassées ou réemployées dans des murs. Celle du Clos Colin à Fillé aurait pu servir de borne pour limiter une parcelle.

Par contre les meules rotatives sont plus fréquentes, mais on trouve surtout des morceaux et rarement la meule entière. C’est le cas par exemple à Voivres où trois morceaux ont été découverts en prospection.

Ces meules servaient à écraser du grain bien sûr mais aussi d’autres produits (légumineuses, glands, chamotte, etc.). A Voivres, un morceau a été découvert sur des vestiges de bas fourneaux et on peut se demander si cette meule n’a pas servi à broyer du minerai de fer.

Voivres Lès Le Mans (Sarthe)

Voivres Lès Le Mans (Sarthe)

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4 septembre 2024 3 04 /09 /septembre /2024 12:47

Des traces anciennes laissées par Rigomer dans le Maine

L’église de Souligné-Flacé (de la seconde moitié du Xème siècle pour sa partie la plus ancienne) est dédiée à Rigomer qui aurait vécu à l’époque du roi mérovingien Childebert Ier (511-558), un des fils de Clovis.

Village de Souligné-Flacé (Sarthe)

Village de Souligné-Flacé (Sarthe)

Représentation de Rigomer dans le bréviaire de Langres

Représentation de Rigomer dans le bréviaire de Langres

Pour approcher cet ermite, il faut sans cesse naviguer entre la légende et ce qui paraît plausible. Mais c’est la caractéristique de ces personnages remontant aux premières heures du Moyen-Âge. Il existe tout de même de très rares mentions anciennes du nom de Rigomer.

 

La plus ancienne est dans le testament de l’évêque Bertrand (616) dans lequel il lègue dix solidi (sous d’or) à la basilique au nom de Rigomer de l’autre coté de la Sarthe1, peut-être dans le quartier du Pré qui est le lieu principal d’inhumation des personnages chrétiens importants dont les premiers évêques comme l’évêque Victeur mort en 490 et personnage très vénéré. On y fait encore mention à la fin du VIIIème siècle sous l’évêque Francon2.

L’évêque Aldric aurait, dans le second quart du IXème siècle, établi une série d’autels dans le chœur de la cathédrale du Mans, dont un dédié à Rigomer3. Il y aurait donc à l’époque carolingienne un abandon des sites religieux mérovingiens et un rapatriement des reliques vers la cathédrale, le tout peut-être lié à un réaménagement de l’espace urbain manceau autour de la cathédrale, pôle religieux et politique.

 

A la fin du Xème siècle, Hugues, comte du Maine, fait don au monastère de la Couture d’une villa « sancti Rigomeri de Plano » (Saint Rémy du Val aujourd’hui) et d’une église « sancti Rigomeri de Silva » (Saint Rigomer des Bois aujourd’hui)4.

 

La vie de Rigomer dans le contexte mérovingien

On connaît la vie de Rigomer par une « vita »5. Cette vie de Rigomer a ensuite été reprise dans des écrits postérieurs et avec des analyses ou ajouts. Il faut bien sûr lire les informations de cette « vita » avec tout le recul nécessaire et ne pas la prendre au premier degré.

1G. BUSSON, A. LEDRU, Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, 1901, p. 137

2G. BUSSON, A. LEDRU, Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, 1901, p. 279

3G. BUSSON, A. LEDRU, Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, 1901, p. 304

4Bénédictins de Solesmes, Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre de la Couture et de Saint-Pierre de Solesmes, Le Mans, 1881, p. 8

Vie de Rigomer (XIè/XIIè s.)

Vie de Rigomer (XIè/XIIè s.)

On trouve aussi la vie de Rigomer racontée par un moine bénédictin, Pierre, de l’abbaye de Maillezais (Vendée) qui vivait au XIème siècle. Ce moine va, à la demande de l’abbé, écrire un récit sur l’origine de l’abbaye ; le document d’origine a disparu mais il existe encore une copie du XIIème siècle.

 

La tradition dit qu’il serait né dans le nord de l’actuel département de la Sarthe, peut-être dans le village de Saint-Rigomer-des-Bois, où existait une fontaine dite de saint Rigomer et vénérée jadis par les fidèles, à l’orée de la forêt de Perseigne, au sein d’une famille aristocratique, peut-être d’origine franque et pas encore christianisée. Il fut éduqué par un religieux auvergnat1, ce qui positionne ce personnage dans un schéma assez classique pour cette époque. Il est possible que ces religieux auvergnats soient en fait des individus qui fuient la conquête de leur région par Thierry au début dans la première moitié des années 5302. D’autres évoquent Saint-Rémy-du-Val comme étant son lieu de naissance. On remarquera la présence classique de la forêt comme dans beaucoup de « vita »3 ; elle symbolise le monde fermé sur lui-même, un désert, où les idées nouvelles n’ont pas encore pénétré. Par contre, cela ne veut pas forcément dire que ce sont des lieux vides d’hommes ; les traces archéologiques sur l’environnement de la forêt de Perseigne sont assez claires là-dessus.

 

1Pour comprendre les peregrinatio de certains religieux, voir C. DELAPLACE, Ermites et ascètes à la fin de l'Antiquité et leur fonction dans la société rurale. L'exemple de la Gaule, Mélanges de l'école française de Rome, 1992, p. 990 et suivantes

2P. LE MAITRE, Évêques et moines dans le Maine : IVe-VIIIe siècles, Revue d’histoire de l’Église de France, 1976, p. 97

3C. LAFON-DELAPLACE, Paysage forestier et littérature hagiographique de l'antiquité tardive : mythes et réalités du paysage érémitique occidental, Hommes et terres du Nord, 1986, p. 168

Saint Rigomer des Bois (carte XVIIè s.)

Saint Rigomer des Bois (carte XVIIè s.)

Saint Rigomer des Bois (Sarthe)

Saint Rigomer des Bois (Sarthe)

Comme beaucoup d’ermites du haut moyen-âge, il réalise un certain nombre de miracles. Au delà du caractère religieux que l’on peut accorder à ce genre d’événement, on peut aussi y voir la volonté d’imposer la force politique des autorités religieuses dans des territoires qui, à cette époque mérovingienne, étaient un peu déconnectés du pouvoir central, c’est à dire le centre épiscopal de la cité. C’est ainsi qu’il intervient dans un lieu nommé Morifanum, parfois transcrit en Marti Fanum, pour ramener à la foi chrétienne des habitants qui, après leur conversion, détruisent le temple et le remplacent par un édifice chrétien. On dit que cela se situait dans l’actuelle ville de Mamers, mais il semble bien difficile de confirmer cette assertion. Cela n’est pas sans rappeler un épisode semblable de la vie de Julien (Vita Sancti Juliani) où il détruit un temple dédié à Jupiter1 (« Erat autem praedictum idolum juxta vicum Artinis situm, ubi et templum Jovis constructum atque ornatum erat »). Ou encore comment Vigor, évêque de Bayeux (513-537), fait détruire, avec l’appui du roi Childebert, le temple et les idoles du Mont-Phaunus pour installer un monastère et s’appropriant au passage les biens de ce temple2. Ou encore Martin de Tours qui fait aussi remplacer des temples païens et les idoles par des édifices chrétiens3. Il faut dire que la destruction des temples apparaît également dans la vie des empereurs romains puisque la vita Constantini relate la destruction de plusieurs temples sur ordre de Constantin (310-337) pour installer des églises4. Cet aspect évangélisateur est un élément caractéristique de certains ermites de cette époque, ce qui montre à la fois le maintien des religions anciennes dans les territoires éloignés des capitales administratives5 mais également l’adoption de la religion chrétienne par les élites aristocratiques qui entendent bien se reconnaître comme l’autorité en place.

On peut tout de même se poser la question de la véracité de la destruction des temples païens dans les « vita ». Une étude publiée en 2017 concernant la Normandie occidentale offre une piste de réflexion6. Les fouilles archéologiques montrent que le paganisme tend à disparaître dès le IVème siècle et de manière progressive, à priori plus par désintérêt lié aux changements provoqués par la crise du IIIème siècle ; ce n’est qu’un peu plus tard que le christianisme remplace l’ancienne religion. Les temples romains fouillés dans cette région ne montrent pas de traces de destruction mais plutôt un abandon. Il est intéressant de comparer cette chronologie avec la première mention d’une cathédrale au Mans qui n’est attestée que dans les actes du premier évêque historiquement attesté7, Victeur, dans la seconde moitié du Vème siècle8. Peut-être faut-il simplement comprendre les images de destruction comme la lutte entre deux courants de pensée. On manque cruellement en Sarthe de fouilles archéologiques qui couvrent cette période. Le temple de Cherré sur le site d’Aubigné-Racan (72) illustre bien ce questionnement. Le temple a servi de nécropole au haut moyen-âge ce qui semble indiquer que le lieu avait gardé une nature religieuse. De plus, il semble également que l’écroulement du bâtiment soit lié à la récupération des blocs en grand appareil à la base des murs et non à une destruction délibérée d’un édifice païen.

La convocation de Rigomer par le roi Childebert à Meaux est sans doute à analyser au-delà de la simple opposition morale et religieuse.

1G. BUSSON, A. LEDRU, Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, 1901, p. 20

2J. DESHAYES, L’église paroissiale de Saint-Marcouf et l’histoire de l’abbaye de Nantus 2017, p. 2

3A.-M. TAISNE, Parcours et vertus de Saint Martin dans la Vita et les Epistulae de Sulpice Sévère, Rursus, 2008, p. 5

4B. CASEAU, La désacralisation des espaces et des objets religieux païens durant l’Antiquité tardive, dans Le sacré et son inscription dans l’espace à Byzance et en Occident : Études comparées, 2001, p. 61-123

5N.-Y. TONNERRE, Deux ermites du pays nantais au VIe siècle : Friard et Secondel, dans Corona Monastica, Moines bretons de Landévennec : histoire et mémoire celtiques. Mélanges offerts au père Marc Simon, R, 2004, p. 65-70

6M. ROUPSARD, Du paganisme au christianisme en Normandie occidentale (IVe-Ve siècles) : premiers éléments de synthèse, Annales de Normandies, 2017

7Présent au premier concile des évêques de Gaule à Angers en 453.

8H. MEUNIER, Le quartier canonial du Mans, dans La cathédrale du Mans du visible à l’invisible, 2015, p. 16

Poncé Sur Le Loir (Sarthe)

Poncé Sur Le Loir (Sarthe)

Aubigné-Racan (Sarthe) - mur écroulé du temple romain

Aubigné-Racan (Sarthe) - mur écroulé du temple romain

De son rôle auprès de l’évêque Innocent

La période est caractérisée par une tentative de stabilisation politique en cette zone géographique récemment prise par Clovis juste avant sa mort au début du VIème siècle. Le christianisme est alors peu implanté en dehors du Mans. Dans la ville épiscopale elle-même, la mise en place de nombreux lieux de culte chrétiens traduit sans doute cette volonté de vouloir bien asseoir la religion chrétienne ; n’oublions pas que le baptême de Clovis ne date que d’il y a quelques décennies seulement1.

L’évêque Innocent (532-543) nous est connu par les Actus Pontficum. Jacques Biarne2 signalait que sa biographie est plutôt développée dans les actus contrairement à ses prédécesseurs ; ceci est surtout dû à ses actions concernant l’organisation urbaine. Innocent va agrandir la cathédrale en faisant édifier deux autels dédiés à Marie, à Pierre et un autel principal dédié à Gervais et Protais. Il fait également venir d’autres ermites tel Saint Fraimbault que l’on retrouve dans le secteur de Saint-Georges-de-la-Couée (72) avant d’aller dans le région de Lassay (53).

Il aurait participé au second concile d’Orléans en 533 et au second en 541 au cours desquels est condamné le culte des idoles. On ne peut s’empêcher de faire le lien entre cette mesure et la destruction du temple de « Morifanum » par Rigomer.

1P. LE MAITRE, Évêques et moines dans le Maine : IVe-VIIIe siècles, Revue d’histoire de l’Église de France, 1976, p. 95-96

2J. BIARNE, Les premiers évêques du Mans, depuis les Fastes épiscopaux de Louis Duchesne, dans La foi dans le siècle, 2009 p. 109-119

Sarcophage de Saint Fraimbault (Sarthe)

Sarcophage de Saint Fraimbault (Sarthe)

Ténestine

L’histoire de Ténestine est liée à Rigomer et n’est pas sans poser certaines questions. La jeune fille est l’enfant d’un aristocrate nommé Haregaire et de sa femme Truda qui semblent être restés fidèles au culte ancien, mais sans doute ouverts au christianisme.

Cela commence par la guérison de Truda grâce aux prières et aux huiles saintes ; ce miracle opéré par Rigomer va fortement influencer la jeune fille qui, bien que promise à un jeune homme de même condition qu’elle, va se vouer corps et âme à la religion chrétienne. Cette relation révèle des conflits d’intérêts entre la sphère politique laïque et la sphère religieuse. Ainsi, le fiancé, Sévère, ira jusqu’à la cour de Childebert à Palaiseau pour demander réparation. C’est là encore le lieu de réalisation d’un miracle puisque Rigomer, sommé d’allumer des flambeaux sans l’utilisation de feu, créé une flamme par la prière. Le roi reconnaît alors que les propos tenus contre eux n’étaient que calomnies.

La tradition dit que Childebert leurs fit don de terrains pour y établir leurs cellules. Ténestine s’installa en contrebas de la muraille, dans le quartier de Gourdaine. Quant à Rigomer, il fonde le prieuré de Saint-Aubin, toujours dans le quartier de Gourdaine mais du côté intérieur de la muraille ; mais aussi un prieuré à Souligné-Flacé sur des terres appartenant aux biens religieux de Ténestine.

Ténestine devint la sainte patronne des blanchisseuses du Mans.

Vitrail en l'église de Saint Rigomer des Bois (Sarthe)

Vitrail en l'église de Saint Rigomer des Bois (Sarthe)

Les ermites à l’époque mérovingienne

Rigomer fait partie de cette cohorte d’ermites qui ont propagé le christianisme, à l’époque mérovingienne, dans les campagnes. Ainsi en Sarthe, certains personnages partent dans des contrées plus ou moins reculées au cours du VIème siècle : citons par exemple Léonard dans les Alpes mancelles, Longis dans la région de Mamers ou encore Carilefus dans le secteur de Saint-Calais. Même si l’acte d’évangélisation est indéniable, il s’agit aussi d’une manœuvre politique des évêques qui tentent d’asseoir leur autorité sur des territoires éloignés du palais épiscopal. Il ne faut pas voir ces ermites comme des personnes qui vivent forcément coupées du monde, mais plutôt comme des agents au service d’une autorité politico-religieuse. Nous sommes dans cette première moitié du VIème siècle à un moment où les rois mérovingiens cherchent à contrôler la Gaule en se battant entre héritiers mais aussi contre des peuples voisins. Dans l’ouest, Le Mans occupe alors une place stratégique importante.

Certains travaux présentent également une autre lecture de l’érémitisme. Les recherches de Thomas Jarry1 sur la Normandie débouchent sur l’organisation suivante : des domaines ruraux de certains aristocrates transformés en cellules pour religieux et qu’ils gèrent toujours en tant que domaine rural, ou alors des sites religieux confiés à des ermites pour asseoir la puissance épiscopale, et enfin des moines solitaires mais qui très souvent sont arrêtés par des habitants qui souhaitent profiter de leur présence pour évangéliser un territoire.

On peut d’ailleurs légitiment se poser la question pour Rigomer à Souligné : s’agit-il réellement d’un ermitage ou plutôt d’une terre sur un domaine géré par une communauté religieuse un peu comme il y aura un peu plus tard à Etival-Lès-Le Mans ?

 

Les reliques de Rigomer

A sa mort, le 24 août et à priori à Souligné-Flacé vers 560, Rigomer est ramené au Mans pour être inhumé à Notre-Dame-de-Gourdaine. Mais la chronologie des événements n’est pas très claire. En 838, l’évêque Aldric fait ramener dans la cathédrale les restes de Rigomer et de Ténestine. D’après les travaux de Georges Pon, les reliques de Rigomer arrivent à l’abbaye de Maillezais (Vendée) entre 1015 et 10252. L’église abbatiale n’étant pas encore terminée, les reliques sont installées dans le bras sud du transept. En fait, il semble que les ossements de Rigomer aient servi de monnaie d’échange, moyennant financement, entre Hugues, comte du Maine, et Guillaume, duc d’Aquitaine. L’abbaye de Maillezais ne possédant pas de saintes reliques, Hugues propose d’offrir celle de Rigomer en espérant en retour recevoir les faveurs de Guillaume.

A noter que les reliques de Rigomer sont évoquées dans l’œuvre de Rabelais : « La trouverez tesmoins vieulx de renom et de la bonne forge, lesquels vous jureront sus le bras sainct Rigomé, que Mellusine leur premiere fondatrice avoyt corps feminin jusques aux boursavits, et que le reste en bas estoyt Andouille serpentine, ou bien serpent andouillicque ».

1T. JARRY, Les débuts du Christianisme dans l'ouest de la Normandie, Annales de Normandie, 1998, p. 124 et suivantes

2G. PON , Y. CHAUVIN, La fondation de l'abbaye de Maillezais. Récit du moine Pierre, Centre vendéen de recherches historiques, 2001, p.

Souligné-Flacé (carte postale ancienne)

Souligné-Flacé (carte postale ancienne)

Le mur roman (seconde moitié Xè s.) de l'église de Souligné-Flacé (Sarthe)

Le mur roman (seconde moitié Xè s.) de l'église de Souligné-Flacé (Sarthe)

Morceaux de sarcophages dans le mur roman de l'église de Souligné-Flacé (Sarthe)

Morceaux de sarcophages dans le mur roman de l'église de Souligné-Flacé (Sarthe)

Statue de Rigomer à Souligné-Flacé (Sarthe)

Statue de Rigomer à Souligné-Flacé (Sarthe)

Rigomer ailleurs

Dans le département de l’Orne, l’église de la commune de Colombiers en périphérie nord d’Alençon, est dédiée à Rigomer. Nous sommes seulement à une quinzaine de kilomètres de Saint-Rigomer-des-Bois (72).

Il existe dans le département de l’Essonne, dans la commune de Vauhallan, une église dédiée à Rigomer et à Ténestine. On y trouve une crypte mais qui serait en réalité une création du XIXème siècle par l’abbé Geoffroy, transformant une cave en chapelle souterraine. L’objectif du religieux aurait été de créer un pèlerinage en s’appuyant sur la création d’une église dédiée à Rigomer à Palaiseau par Childebert selon la Vita Rigomeri1.

1P. GILLON, C. SAPIN, Cryptes médiévales et culte des saints en Île-de-France et en Picardie, Presses Universitaires Septentrion, 2019, p. 440

 

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16 août 2024 5 16 /08 /août /2024 09:53

3. Quelques actes de décès dans les registres d’État-Civil

Bonnétable :

Louis Gouault, soldat du 100ème régiment d’infanterie, né en 1835 est décédé à l’hôpital de Villeneuve-sur-Lot le 13 novembre 1870.

Jean Marie Perche, franc-tireur à la compagnie des Pyrénées, est décédé à l’hospice de Bonnétable à l’âge de 19 ans le 31 décembre 1870.

Henri Oger, chasseur, du Havre, du bataillon des francs-tireurs d’Indre-et-Loire, est décédé le 15 janvier 1871 à l’hospice.

Théodore Vivier, garde-mobile de l’Orne, est décédé le 19 janvier 1871 à l’usine de monsieur Lecomte.

Paul Amable Lebas, garde mobile de la Manche, est décédé le 24 janvier 1871 à l’ambulance du château à l’âge de 23 ans.

Louis Guillaume, garde mobile des Côtes du Nord, âgé d’environ 22 ans dont on dit qu’il semble être né à Pléhérel dans les Côtes du Nord, est décédé à l’ambulance de madame Lambert, marchande de nouveautés à Bonnétable le 15 janvier 1871.

Pierre Morancé, de la commune de Laigné-en-Belin, garde national, est décédé à l’ambulance du château le 30 janvier 1871 à 22 ans.

Benoit Bulliard, franc-tireur de la huitième compagnie de Paris, né à Rossens en Suisse, est décédé à 23 ans le 30 janvier 1871 à l’hospice de Bonnétable.

Pierre Jean Baptiste Frémont, garde mobile du bataillon de l’Orne, est décédé à 22 ans à l’ambulance de l’école communale le 31 janvier 1871.

François Pouchard, garde mobile de l’Orne, est décédé à 24 ans à l’ambulance de l’école communale.

Adolphe Gausy, franc-tireur, qui était entré à l’hospice le 27 décembre 1870 et y meurt le 4 mars 1871 à l’âge de 29 ans.

Un nommé Roger, franc-tireur de Paris dans le corps du colonel Lipowski et dont on suppose qu’il était de Châlons, était âgé de 56 ans ; on nous dit dans l’acte qu’il était à quatre mois de sa retraite. On nous notifie également qu’il était entré à Bonnétable avec son régiment le 8 janvier 1871 et que blessé le lendemain, il est recueilli chez madame Beauné où il est décédé le mercredi suivant « lendemain de l’entrée des troupes allemandes dans la ville ». A noter que l’acte de décès n’est rédigé que le 19 mars 1871.

Narcisse Albert Bunel, garde-mobile de l’Orne, est décédé à l’hospice de Bonnétable âgé de 25 ans.

Eugène Gabriel Jean Vallée, 22 ans, garde mobile de la Sarthe, né à Bonnétable, est décédé le 3 décembre 1870 à l’ambulance du lycée du Mans.

Eugène Deshays, soldat au 39ème de ligne, né à Bonnétable, est décédé à l’hôpital ambulant de Saint Férréol (Besançon) le 5 février 1871 d’une fièvre typhoïde suite à la variole.

Adolphe Pavré, né à Bonnétable, garde mobile de la Sarthe, est entré à l’hôpital civil de Vendôme le 21 janvier 1871 où il décède le 21 février 1871 d’une fluxion de poitrine.

Acte de décès de Louis Gouault

Acte de décès de Louis Gouault

Courcemont

Marie Adalbert d’Argy, lieutenant au 2ème bataillon des gardes mobiles de la Sarthe, âgé de 35 ans demeurant en son château du Chesnay, membre du conseil municipal et président du conseil de fabrique, « a été tué [3 décembre 1870] dans les affaires d’Orléans, à Châteaudun, dont ils nous présentent le corps renfermé dans un cercueil en plomb placé dans une bière en chêne ».

Anselme René Antoine de Mailly, domicilié au château de la Davière, commandant du 2ème bataillon des gardes mobiles de la Sarthe, membre du conseil municipal, est décédé à 43 ans à l’ambulance de Châteaudun le 13 décembre 1870 à la suite d’une blessure reçue à la bataille de Varize (Eure-et-Loir).

Ernest Joseph Ambrois, garde mobile au 2ème bataillon de la Sarthe, est décédé à 21 ans au château du Chesnay le 2 janvier 1871.

Auguste François Aubier, chasseur au 2ème régiment de chasseurs à cheval, est entré à l’hôpital militaire des tabacs à Metz le 15 août 1870 et y décède le 19 suivant d’une plaie pénétrante du crane.

Adolphe Dreux, âgé de 35 ans, engagé dans les francs-tireurs de la Sarthe, est décédé des suites de ses blessures le 12 janvier 1871 à Courcebœufs.

Louis Jean Pavé, soldat des mobiles de la Sarthe, est décédé à l’hôpital de la Mission au Mans le 17 janvier 1871 des suites de la variole.

Ambroise Léon Robinault, 25 ans, soldat des mobiles de la Sarthe, est décédé à l’ambulance de Torcé le 18 janvier 1871.

Emile Loriot, caporal au 39ème régiment de marche, est décédé à l’hôpital de Versailles, le 7 mai 1871 de fièvre typhoïde et angine.

Château du Chesnay à Courcemont

Château du Chesnay à Courcemont

Château de la Davière à Courcemont

Château de la Davière à Courcemont

Courcival

Louis Jean Geneslay, brigadier au 10ème cuirassier, âgé de 27 ans, est décédé le 17 novembre 1870 à l’hospice de Niort.

 

Jauzé

Auguste Louis Besnard, garde national mobile du département de la Sarthe, 24 ans, est décédé à l’ambulance de Ligné (Loire-Atlantique) le 8 février 1871.

François Marchand, âgé de 23 ans, garde mobile de la Sarthe, est décédé à l’hospice civil et militaire de Châtellerault (Vienne) le 6 mars 1871.

Acte de décès de François Marchand

Acte de décès de François Marchand

La Bosse

Hilaire Rousseau, garde mobile de la Sarthe, 25 ans, est décédé de la variole à l’hôpital de Morée (Loir-et-Cher) le 17 novembre 1870.

Louis Pierre François Lesiourd est décédé à Dresde en Allemagne le 16 avril 1871.

 

La Chapelle Saint Rémy

Gustave Aimé Désiré Mittier, 22 ans, garde mobile d’Eure-et-Loir, a été tué dans un combat donné le 10 janvier 1871 près de la gare de Connerré.

Alexis Guilbert, garde mobile de la Sarthe, âgé de 22 ans, est entré à l’hôpital civil du Mans le 10 décembre 1870 et y meurt le 13 de la variole.

Étienne Philippe Lévêque de Villemorin, caporal au 1er régiment d’infanterie de marine, est décédé le 11 janvier 1871 à la Grande Métairie « atteint d’une balle perdue partie des environs du château de Couléon ».

Louis Frédéric Chevalier, soldat au 35ème de ligne, est décédé à Paris à l’hôpital militaire du Gros Caillou à l’ambulance du prince Bibesco le 17 décembre 1870.

Château de Couléon à La Chapelle Saint Rémy

Château de Couléon à La Chapelle Saint Rémy

Nogent le Bernard

François Dormeau, soldat au 100ème de ligne, est entré à l’hôpital de Périgueux le 4 janvier 1871 « et y est décédé le 6 janvier 1871 à une heure du matin des suites de congélation ».

Auguste Moulins, 21 ans, garde mobile, est décédé le 28 novembre 1870 à Saint-Calais.

Louis Aveline, mobile de la Sarthe, est décédé à l’hôpital militaire ambulant d’Arcachon (Gironde) le 13 mars 1871 des suites de la fièvre typhoïde.

Ferdinand Gonet, soldat au 2ème régiment d’artillerie, est décédé à l’ambulance militaire Sainte-Marie à Paris le 12 janvier 1871 des suites de la scarlatine.

Louis Julien Epinette, 28 ans, chasseur au 18ème bataillon de chasseur à pied, est entré à l’ambulance militaire de l’école Colbert à Paris le 26 février 1871 et y décède le 12 avril 1871 des suites de bronchite chronique.

François Sergent, 20 ans, soldat au 92ème régiment de ligne, est décédé à l’hospice de Vierzon (Cher).

François Constant, âgé de 22 ans, soldat au 92ème régiment de ligne, est décédé à l’hôpital de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) le 28 février 1871.

Alexandre Chiquet, soldat au 12ème régiment de ligne, est décédé le 28 mars 1871 à Rendsburg (Allemagne) d’une fracture au crane.

Le bourg de Nogent-le-Bernard

Le bourg de Nogent-le-Bernard

Sillé-le-Philippe

Jean Gaumeton, garde mobile du Lot-et-Garonne, a été enterré dans une fosse commune au lieu de Chanteloup lors des combats des 11 et 12 janvier 1871.

Gabriel Termes, garde mobile du Lot-et-Garonne, a été enterré suite aux combats de Chanteloup les 10, 11 et 12 janvier 1871.

Jean Delpy, garde mobile du Lot-et-Garonne, a été enterré à Chanteloup suite aux combats des 10, 11 et 12 janvier 1871.

Jean Hamelin, garde mobile du Lot-et-Garonne, a été enterré à Chanteloup suite aux combats des 10, 11 et 12 janvier 1871.

Jean Capdeville, garde mobile du Lot-et-Garonne, est décédé et a été enterré à Chanteloup suite aux combats des 10, 11 et 12 janvier 1871.

Jean Lamoureux, garde mobile du Lot-et-Garonne, a été enterré à Chanteloup suite aux combats des 10, 11 et 12 janvier 1871.

Pierre Jouvin, 24 ans, né à La Selle-la-Forge (Orne), est décédé d’un coup au genou survenu lors du combat de Saint-Célerin.

Lucien Lévêque, âgé de 25 ans, natif de Saint-Mars-d’Egrenne (Orne), garde mobile de l’Orne, est décédé des suites d’un coup de feu reçu au combat à Saint-Célerin.

Louis Marie Le Déan, garde mobile du Finistère, est décédé à Chanteloup suite aux combats des 10, 11 et 12 janvier 1871.

Corentin Pierre Lann, garde mobile du Finistère, est décédé à Chanteloup suite aux combats des 10, 11 et 12 janvier 1871.

Louis Pierre Eugène Laval, garde mobile du Lot-et-Garonne, tué à l’ennemi, a été enterré à Chanteloup suite aux combats des 10, 11 et 12 janvier 1871. Sa famille a relevé sa tombe pour l’enterrer à Agen.

Pierre Lebigot, 24 ans, né à Saint Mars d’Egrenne, garde mobile de l’Orne, est décédé des suites d’un coup de feu reçu au combat de Saint-Célerin.

Etienne Froger, soldat au 6ème régiment de ligne, est entré à l’ambulance des sœurs de Montrouge le 30 septembre 1870. Il y meurt du tétanos le 8 octobre 1870.

Louis Cormier, garde mobile de la Sarthe, décédé le 8 janvier 1871 à l’hôpital militaire de La Rochelle des suites de fièvre typhoïde.

Georges Yves Marie Charpentier, 27 ans, sergent major des mobiles du Finistère, mort à Chanteloup le 12 janvier 1871 lors de la rencontre entre les troupes françaises et allemandes.

Jean Edmond Lamartine, 24 ans, garde mobile de la Gironde, est déclaré décédé le 12 janvier 1871 après avoir été retrouvé dans une fosse au lieu de la Connardière.

Prosper Pique, 26 ans, né à Caligny (Orne), garde mobile de l’Orne, est décédé le 2 avril 1871 à l’ambulance de Passay à Sillé-le-Philippe des suites d’un coup de feu qu’il a reçu à Chanteloup.

Joseph Marcellin Auzeral, 21 ans, garde mobile du Lot-et-Garonne, avait été enterré dans une fosse le 12 janvier 1871.

Jean Prevosteau, garde mobile de la Gironde, « blessé grièvement au combat livré ce jour [12 janvier 1871] à l’armée prussienne au hameau de Chanteloup, commune de Sillé le Philippe, a été transporté à l’auberge tenue par la veuve Collet, et qu’il est décédé dans la nuit. Que ce mobile ne portait point de livret, il a été inhumé dans une fosse commune avec trente huit autres victimes. Qu’il a laissé cependant à l’auberge de ladite dame veuve Collet, un mouchoir qui a été reconnu par la dame veuve Prevosteau, née Pinet Jeanne, comme appartenant à son fils unique Prévosteau Jean ».

Jean Baron, garde mobile de la Gironde, a été tué le 12 janvier 1872 lors du combat livré à l’armée prussienne au hameau de Chanteloup.

Jean Ruaux, garde mobile de Gironde, tué le 12 janvier 1871 à Chanteloup, a été inhumé avec trente huit autres victimes dans une fosse commune.

Carte postale ancienne du monument à Chanteloup

Carte postale ancienne du monument à Chanteloup

Terrehault

Jean Simon Jubault, garde mobile, est décédé à l’hôpital du séminaire du Mans le 11 novembre 1870 d’une pneumonie.

Louis François Tenin, soldat du 2éme régiment d’infanterie de ligne, est décédé de la dysenterie à Torgau (Prusse) en décembre 1870.

4. La gestion des événements d’après les délibérations des conseils municipaux

En novembre 1870, le conseil municipal de Bonnétable est sollicité par la Préfecture pour l’habillement, l’équipement, l’armement et la solde des gardes nationaux mobilisés. Les fonds de la commune ne permettant pas ce financement et la souscription d’un emprunt étant irréalisable, il est décidé de passer par un impôt exceptionnel. La question revient en avril 1871, avec en plus les remboursements dus aux différents fournisseurs ; la commune décide de puiser dans les reliquats du budget de 1870 mais aussi dans les fonds qui étaient affectés à la création du chemin de Haute-Folie, projet interrompu par les événements de la guerre.

En octobre 1871, on revient à nouveau sur l’emprunt de 50 000 francs. Une partie de la somme a déjà été réglée par les paiements effectués par l’intendance de l’armée mais aussi par la prise en charge faite par le duc de Bisaccia concernant les ambulances de la ville. Mais il faut rajouter à ces sommes la prise en charge du pain pour les indigents. Après un débat tendu, le conseil municipal décide de faire un emprunt à la caisse des dépôts et consignations, mais aussi de recourir à un impôt. On en reparle à nouveau en novembre car certains habitants voudraient être indemnisés pour les pillages dont ils ont été victimes ; ce à quoi la mairie répond qu’elle a elle-même limité l’impact des vols en mettant en place les réquisitions. Elle indique également qu’il faudrait installer une commission pour vérifier la véracité des sommes demandées quant aux pillages. On verra d’ailleurs encore en août 1872 des habitants contacter la marie pour réclamer des indemnisations. Et en janvier 1872, le conseil municipal est à nouveau convoqué pour évoquer une nouvelle fois l’emprunt et, sous la demande pressante des boulangers, verse une somme pour la paiement du pain aux indigents.

A noter qu’un conflit judiciaire opposât, à la suite de certaines décisions, M. Girard, maire de Bonnétable, au journal L’Union de la Sarthe, ce dernier ayant reçu une longue lettre qui dénonçait les décisions du maire et surtout les choix faits pour la gestion des sommes liées au réquisitions1.

 

L’avancée des troupes allemandes et une certaine désorganisation des structures administratives avaient par ailleurs placé la municipalité dans une situation délicate. On voit ainsi dans une séance du conseil municipal de Bonnétable de juin 1871 que les droits à percevoir sur le droit d’étalage à la halle n’ont pas été versés. Cela est dû au fait que pendant la présence prussienne, une partie des marchandises n’étaient plus autorisées à la vente et que certains vendeurs présents refusaient de payer les taxes, le maire n’ayant plus le personnel nécessaire pour les forcer aux règlements des droits. Les débats entre conseillers sont assez intenses et on en conclu qu’on ne pourra obtenir réparation car la cause du mal était le siège de Paris et que les denrées alimentaires y étaient envoyées au détriment des marchés provinciaux ; l’autre cause avancée sur la difficulté de la gestion des halles est la rigueur de l’hiver 1870/1871.

En mars 1871, la commune de Bonnétable délibère sur la vente du fumier laissé par les troupes allemandes. La préfecture demande également au maire de faire un état des chevaux et voitures laissés par les troupes allemandes.

 

A Courcemont, on trouve l’argent pour la défense nationale et l’équipement des hommes en ponctionnant sur les projets (restauration de l’église, installation d’une horloge, aides aux concessions dans le cimetière).

Dans cette commune on évoque également les réquisitions faites par l’ennemi : 4170kg de pain et 32 vaches. Le conseil municipal anticipe la situation et avance l’idée qu’il faudra rembourser, surtout le boulanger.

Six habitants de la commune en 1872 font transmettre au préfet une pétition pour le paiement de jours de réquisition avec cheval et voiture. Ils obtiennent alors un dédommagement.

 

Dans la commune de Saint-Georges-du-Rosay, le conseil municipal, sachant « qu’il est nécessaire, conformément à la Convention de Genève, que les dits gardes nationaux soient en uniforme pour être compris parmi les belligérants », décide de prélever 200 francs sur le budget de la réparation des cloches de l’église.

 

En octobre 1870, après la défaite de Sedan et avec l’avancée des troupes prussiennes, le conseil municipal de Torcé-en-Vallée prend des décisions. Il commence ses délibérations par un soutien unanime au gouvernement de la Défense Nationale. Il demande également que les gardes nationales de Torcé, Lombron, Saint-Célerin et Sillé-le-Philippe soient organisées en un bataillon dont le siège sera à Torcé. Ensuite le conseil se penche sur les dépenses de la garde nationale en expliquant les différents prélèvements. Le dernier point porte sur la demande de création d’un poste de nuit et de patrouilles dans la commune ; le danger n’étant pas présent, on décide de surseoir à cette demande.

En mars 1871, le maire signale au conseil que le major commandant un bataillon du régiment de Brandebourg lui a fait part de la nécessité de réquisition de l’avoine pour nourrir 15 chevaux par jour. Le maire refuse en justifiant « qu’il n’en existait plus dans la commune par suite de l’occupation qu’elle avait eue à subir précédemment de plusieurs milliers de chevaux de l’armée allemande et des nombreuses réquisitions en nature de ce grain qui lui avaient été faite depuis l’invasion, réquisition dont les quittances avaient été produites aux officiers prussiens. On dit alors au maire qu’à défaut d’avoine, la commune devait en payer la valeur, s’élevant chaque jour à 9 ou 10 thalers ». Puis le maire explique au major commandant que la commune ne pourra payer cette somme ; il avance comme raison que la commune a été envahie le 10 janvier 1871 et que jusqu’au 16, elle a dû loger 12000 à 15000 hommes et 3000 à 4000 chevaux « qui ont consommé la majeure partie des provisions ou vivres, les fourrages et l’avoine ; pendant ce temps des réquisitions continuelles ont été faites en avoine, farine, blé, bestiaux, etc. ; les magasins et aubergistes ont été pillés complètement ; plusieurs voitures et chevaux ont été enlevées et on ne les a pas revus ; enfin un grand nombre de maisons particulières ont été saccagées ». Il explique également que la commune est aussi occupée depuis le 4 février par un détachement de 64 cuirassiers et 66 chevaux, auxquels il faut fournir 640 livres de foin, 640 livres de paille, 96 livres de pain, la viande et le logement. Et le maire justifie son refus de donner ce que demande le major commandant car les cuirassiers n’ont jamais demandé d’avoine ni d’argent.

Puis lors de la séance du 7 août 1871, le conseil municipal dresse la liste des habitants réquisitionnées par les Allemands. On y distingue deux périodes différentes : l’« invasion » du 10 au 15 janvier 1871 au cours de laquelle les habitants ont fourni de l’avoine, du pain dont une partie pour les prisonniers français, et l’« armistice » du 4 février au 6 mars 1871 où la plus grosse dépense concerne la fourniture du pain.

1Émile DURIER, Mémoire pour M. Eugène Girard contre M. Petit, gérant du journal l'Union de la Sarthe, Imprimerie de Ves Renou, Maulde et Cock, Paris, 1874

Extrait du registre des délibérations du conseil municipal de Torcé-en-Vallée

Extrait du registre des délibérations du conseil municipal de Torcé-en-Vallée

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7 août 2024 3 07 /08 /août /2024 06:02

1. Le contexte

La guerre de 1870-1871 oppose les armées prussiennes, auxquelles se joignent des troupes d’autres États allemands, aux forces impériales françaises de Napoléon III.

Très rapidement les Français, assez mal préparés et numériquement inférieurs, vont subir plusieurs défaites. Cela mènera, moins de deux mois après le début du conflit, à la capitulation de l’Empereur des Français le 2 septembre 1870. Le 4 septembre, la IIIème République est proclamée et elle poursuit la guerre dans de bien difficiles conditions. Paris est assiégée pendant cinq mois, les troupes prussiennes avancent en France

Napoléon III et Bismarck après Sedan (Wilhelm Camphausen)

Napoléon III et Bismarck après Sedan (Wilhelm Camphausen)

Pour ce qui est de notre région, Léon Gambetta, ministre de l’Intérieur et de la Guerre du gouvernement de la Défense nationale, organise la lutte contre les Prussiens avec la participation de soldats qui vont former l’Armée de la Loire. Le contact avec l’ennemi se fait en octobre 1870 dans le département du Loiret. Malgré quelques victoires françaises, le Prussiens poursuivent leur avancée.

Début décembre 1870, l’Armée de la Loire est réorganisée et le général Chanzy commande la 2ème Armée de la Loire. C’est alors que le théâtre des opérations va arriver sur le département de la Sarthe en janvier 1871.

Gambetta

Gambetta

Monument au général Chanzy et à la 2è armée de la Loire - Le Mans

Monument au général Chanzy et à la 2è armée de la Loire - Le Mans

Bataille de Coulmiers (9 novembre 1870)

Bataille de Coulmiers (9 novembre 1870)

2. Les événements dans la région de Bonnétable

Le point central des opérations est la bataille du Mans (11 et 12 janvier 1871). La 2ème Armée de la Loire est concentrée sur la région mancelle avec pour objectif de pouvoir un jour faire une avancée sur Paris et vaincre ainsi les Prussiens1. Mais ces derniers vont alors se diriger, en entrant par l’Est du département depuis le secteur de Nogent-Le-Rotrou, sur Le Mans pour affronter la 2ème Armée de la Loire.

 

Le 7 janvier 1871 les troupes françaises, parties à la rencontre des Prussiens, doivent se replier sur La Ferté-Bernard, Saint-Calais et même Connerré plus en arrière. Les armées prussiennes s’installent alors sur un large front allant de la région de La Ferté-Bernard jusqu’à celle de Château-du-Loir. Les jours qui suivent, une série d’affrontements se déroulent dans le Sud-Est de la Sarthe causant des dégâts importants dans l’armée française. Les Prussiens contrôlent le secteur entre Changé et le plateau d’Auvours. La remontée sur Le Mans devient alors rapidement possible.

1Général CHANZY, La deuxième armée de la Loire, Plon et Cie, Paris, 1876, p. 244

Carte de la bataille du Mans (source AD72)

Carte de la bataille du Mans (source AD72)

Yvré L'Evêque (Sarthe) : installé sur la butte d'Auvours, le monument commémore la bataille menée par les troupes de l'armée de Bretagne du général Gougeard.

Yvré L'Evêque (Sarthe) : installé sur la butte d'Auvours, le monument commémore la bataille menée par les troupes de l'armée de Bretagne du général Gougeard.

Pour ce qui est de la région de Bonnétable, la 4ème division de cavalerie prussienne doit assurer le flanc nord de l’avancée et couper la ligne ferroviaire Le Mans-Alençon ; elle doit passer par Bellême et Saint-Cosme-en-Vairais et espérer atteindre Bonnétable1. Le 9 janvier 1870, le colonel de Lipowski quitte Bonnétable pour remonter sur Bellême afin de bloquer les Prussiens et éviter une prise d’Alençon. Les Français se positionnent dans le secteur2. Ainsi la 2ème brigade à cheval s’installe à La Chapelle-Saint-Rémy et les mobiles de la Sarthe restent en arrière dans les fermes de la Méaulerie, la Maison Neuve et l’Aiguionnière3. Le 5ème bataillon des mobiles de la Gironde vient se positionner dans le secteur de Savigné l’Evêque et Saint Corneille4.

1Section historique du grand État-major prussien, La guerre franco-allemande de 1870-71, 1880, p. 784

2Pierre LEHAUTCOURT, Campagne de la Loire en 1870-1871, Berger-Levrault et Cie, Paris, 1895, p. 218

3Lieutenant V. ALWROD, La bataille du Mans, Revue de l’Anjou, Tome 65, 1912, p. 342

4Henri KEHRIG, Le 5e Bataillon des mobiles de la Gironde (1870-71), Feret et fils, Bordeaux, 1889, p. 10

Le 10 janvier 1871, Bonnétable est prise assez facilement1 après quelques échanges de coups de feu avec des francs-tireurs de Marolles; les hommes de von Beckedorff atteignent Bonnétable après en avoir chassés les troupes françaises. Le maire de la ville nous rapporte que les troupes pillèrent les biens des habitants pendant trois jours. Le commandant et son aide de camp sont logés chez M. Girard, maire2. Ils poursuivent ensuite vers Savigné-L’Evêque. C’est alors qu’ils se heurtent aux unités stationnées dans le secteur de Chanteloup sur la commune de Sillé-le-Philippe3. Les combats sont violents et se font parfois à la baïonnette4. La 2ème division du général Colin et la 22ème division allemande du général-major von Wittich s’affrontent également à La Chapelle Saint-Rémy.

1Section historique du grand État-major prussien, La guerre franco-allemande de 1870-71, 1880, p. 812

2Émile DURIER, Mémoire pour M. Eugène Girard contre M. Petit, gérant du journal l'Union de la Sarthe, Imprimerie de Ves Renou, Maulde et Cock, Paris, 1874

3Pierre LEHAUTCOURT, Campagne de la Loire en 1870-1871, Berger-Levrault et Cie, Paris, 1895, p. 245-246

4Général CHANZY, La deuxième armée de la Loire, Plon et Cie, Paris, 1876, p. 335

Le 11 janvier 1871, dans l’après-midi, les Prussiens sont à Torcé, Saint-Célerin et Lombron. Les affrontements sont violents et on se bat pour contrôler les routes. Malgré les difficultés causées par les troupes du général Colin, les Prussiens poursuivent leur avancée vers Le Mans. Le secteur de Pontlieue est âprement défendu par les Français, mais ils ne peuvent tenir la position.

Le 12 janvier 1871, certaines unités prussiennes (17ème et 22ème divisions) font mouvement au nord de l’Huisne malgré la neige, le froid et le brouillard1. L’objectif est d’avancer sur Saint-Corneille et Savigné. La 2ème division du 21èmecorps du général Colin et la 22ème division prussienne s’affrontent dans le secteur de Saint-Corneille et Courcebœufs2. Vers 16 heures, le château de Hyre et Saint-Corneille tombent. La 3ème division du général Villeneuve et la 17ème division prussienne du grand-duc de Mecklembourg combattent au sud de Chanteloup, à la Croix, à Sillé-Le-Philippe. Les troupes prussiennes passeront la nuit à Beaufay, Torcé et Bonnétable. Certains prisonniers sont alors emmenés vers l’église de Bonnétable où ils sont enfermés3 ; puis ils voyageront pendant 17 jours jusqu’à Settin (aujourd’hui Szczecin en Pologne).

1Pierre LEHAUTCOURT, Campagne de la Loire en 1870-1871, Berger-Levrault et Cie, Paris, 1895, p. 279

2Section historique du grand État-major prussien, La guerre franco-allemande de 1870-71, 1880, p. 837

3Henri KEHRIG, Le 5e Bataillon des mobiles de la Gironde (1870-71), Feret et fils, Bordeaux, 1889, p. 15

Les Prussiens s’installent dans la zone, aux portes du Mans, et les troupes françaises franchissent la rivière Sarthe pour battre en retraite. La 22ème division prussienne va contrôler les passages sur la Sarthe dans la région de Beaumont, même si certains soldats restent en cantonnement à Beaufay pour assurer les arrières, et la 17ème division s’occupe de la même tâche dans la région de Neuville. Quant à la 4ème division de cavalerie, elle aura pour mission de poursuivre les troupes françaises1. Puis les soldats quittent la région de Bonnétable pour remonter vers Ballon ; les soldats croisent des trains de prisonniers français dont un certain nombre de Bretons2. Dès lors la 2ème Armée de la Loire de Chanzy se replie sur l’Ouest du département de la Sarthe et sur celui de la Mayenne.

1O. FRANCKE, Das 5. thüringsche Infanterie-Regiment Nr 94 (Grossherzog von Sachsen): 22. Div. im Feldzuge gegen Frankreich 1870 u. 1871 ; Ein Beitr. zur Rgts-Geschichte, 1872, p. 302

2O. FRANCKE, Das 5. thüringsche Infanterie-Regiment Nr 94 (Grossherzog von Sachsen): 22. Div. im Feldzuge gegen Frankreich 1870 u. 1871 ; Ein Beitr. zur Rgts-Geschichte, 1872, p. 303

Cependant, la bataille laissait derrière elle son lot de victimes. Ainsi, le 17 janvier 1871 les Frères des écoles chrétiennes de Bonnétable ouvrent une ambulance pour y soigner les blessés du conflit1. Il y avait une vingtaine de soldats avec diverses blessures mais aussi avec des membres gelés. Il se dit que les religieux faisaient la tournée des maisons pour trouver de quoi nourrir les blessés. Cette ambulance fonctionna jusqu’au 22 février 1871 et on y soigna plus de 600 victimes.

Ces frères avaient également dû gérer des arrivées de prisonniers : 3000 le 12 janvier 1871 dont 1500 enfermés dans l’église. Ils durent aussi s’occuper de 1200 autres le 14 janvier 1871 en apportant soin et nourriture.

1J. d’ARSAC, Les Frères des écoles chrétiennes pendant la guerre de 1870-1871, Paris, 1872, p. 500

Sillé le Philippe (Sarthe)

Sillé le Philippe (Sarthe)

Sillé le Philippe (Sarthe)

Sillé le Philippe (Sarthe)

Sillé le Philippe (Sarthe)

Sillé le Philippe (Sarthe)

Sillé le Philippe (Sarthe)

Sillé le Philippe (Sarthe)

Sillé le Philippe (Sarthe)

Sillé le Philippe (Sarthe)

La Chapelle Saint Rémy (Sarthe)

La Chapelle Saint Rémy (Sarthe)

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