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22 janvier 2025 3 22 /01 /janvier /2025 20:53

F. Lutter contre l'oisiveté

Le combat avec ses exigences quotidiennes étant terminé, l'oisiveté envahi très rapidement les hommes de troupe. Et l'oisiveté militaire étant source de certains débordements, le sport permettait d'occuper les soldats.

 

Le rédacteur du New England in France, 1917-1919, A history of Twenty-Sixth Division USA1, décrit en quelques pages les problèmes liés aux camps d’attente. Pour lui, deux soucis majeurs se présentent : comment garder les hommes occupés et éviter les débordements ? Comment maintenir un bon moral ? D’autant plus que certains régiments se sont retrouvés sans leur matériel de guerre. La crainte principale est que l’oisiveté amène des problèmes de délinquance.

Une partie du temps sera consacrée à l’éducation : écriture, lecture, calcul et histoire. Même si l’intention était louable, l’accueil n’a pas toujours été à la hauteur ; les fournitures scolaires manquaient et l’enthousiasme n’était pas universellement répandu. Pour les officiers et certains hommes, on propose des cours dans certaines universités : Rennes, Lyon, Toulouse, la Sorbonne, universités anglaises, etc. Et le YMCA ouvre sa propre université à Beaune.

Parallèlement les hautes autorités militaires préconisent la création d’activités de loisir : sport, théâtre, bibliothèque, cinéma, danse, concerts, etc. Ces choses devant être encadrées par les chefs de groupe. Toute l’organisation d’une division fonctionne en grande partie sur la mise en place de ces activités : gérer l’organisation des épreuves sportives, préparer des activités avec le YMCA, organiser les photographies officielles, etc.

D’ailleurs la 26th Division2 se trouve très vite confrontée à la réalité du terrain. Il était prévu des exercices de tir à Mayet et à Saint-Biez-en-Belin. Mais le manque de matériel et les pluies hivernales continues ayant rendu les lieux impraticables font que les hommes n’ont pas pu s’occuper aux exercices militaires. C’est la revue du général Pershing prévue pour le 19 février qui permet aux hommes d’avoir une activité régulière. Il faut se rendre entre Écommoy et Mayet sur un terrain en creux au milieu des pinèdes afin de bien préparer l’exercice.

1 Emerson Gifford Taylor, New England in France, 1917-1919, A history of Twenty-Sixth Division USA, Houghton Mifflin Company, 1920

2 Emerson Gifford Taylor, New England in France, 1917-1919, A history of Twenty-Sixth Division USA, Houghton Mifflin Company, 1920, p. 296-297

 

Bibliothèque de l'American Library Association au Mans 1919 (source NARA)

Bibliothèque de l'American Library Association au Mans 1919 (source NARA)

Bibliothèque de l'American Library Association au Mans Avril 1919 (source NARA)

Bibliothèque de l'American Library Association au Mans Avril 1919 (source NARA)

American Library Association au Mans 1919 (source NARA)

American Library Association au Mans 1919 (source NARA)

Dans les camps, il faut attendre le printemps et le retour des beaux jours pour que les activités sportives puissent se développer. Au Forwarding Camp, les joueurs de base-ball vont organiser de nombreuses parties ; l'arène pour la boxe peut accueillir jusqu'à 25 000 spectateurs. Le YMCA estime que dans ce camp, environ 500 000 hommes ont pratiqué football américain, football, piscine, volley-ball, lutte, tennis, athlétisme, etc. pendant les mois de mai et juin 19191. Des championnats de boxe sont organisés sur différents sites sarthois.

En mars 1919, se déroule au Mans une compétition d'athlétisme mais aussi dans d'autres camps tel celui de Parcé2. Cela permet à la compagnie E du 308th Infantry, installée à Avessé, de consacrer les après-midi à la préparation sportive3. Entre les 10 et 12 mars 1919, avec un temps magnifique et en présence du général Summerall, un grand rassemblement sportif se tient à Écommoy. On y mélange des sports classiques (boxe, football, football américain, etc.) et des exercices militaires (marche de dix kilomètres sur route, courses avec des masques à gaz, etc.). Quelques jours plus tard, les 15 et 16 mars 1919, la 77th Division organise ses jeux à Sablé en présence du général Alexander. D'autres compétitions sont également organisées au Classification Camp les 2 et 3 mai 19194 dans un stade d'athlétisme tout neuf.

1Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 26

2History of the 306th Field Artillery, The Knickerbocker press, New York, 1920, p. 69

3The history of company E 308th Infantry, The Knickerbocker press, New York, 1919, p. 97

4Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 40

Dans la première quinzaine de mai 19191, une grande rencontre de tir est organisée au camp d'Auvours (Belgian Camp)2 et rassemble 3500 participants. Le général Pershing viendra remettre les récompenses aux vainqueurs. Entre les 27 et 29 mai 1919, une rencontre sportive va réunir plus de 2000 athlètes au Mans3 et attirer plusieurs milliers de personnes y compris des français. Ces rencontres sportives vont en quelque sorte être la répétition des Jeux Interalliés qui vont se dérouler en région parisienne dans ce que les Américains nommeront le « Pershing Stadium » et dureront du 22 juin au 6 juillet 1919, clôturant ainsi la présence américaine sur le sol français4.

Mais ces pratiques sportives se font aussi lors de manifestations plus restreintes. Ainsi à Avessé, le samedi 1er mars 1919 se déroulent des matchs de base-ball entre différentes compagnies. C'était pour la population locale une nouveauté et l'occasion pour les américains de faire découvrir leur sport national5.

A Malicorne, le 305th monte également son équipe de base-ball : « Dans la soirée du 11 février [1919], le 305th est entré dans Malicorne, une ville de poterie sur la belle Sarthe. Les gens étaient assez différents de ceux d'Arc, mais après un certain temps ils ont appris à aimer les Américains. Là nous sommes restés jusqu'au 17 avril, faisant des manœuvres, étant examinés et inspectés, et chassant les poux insaisissables, attendant impatiemment le départ pour Brest. Le temps était suffisamment agréable pour nous permettre de monter une équipe de base-ball qui a achevé victorieusement la saison en étant invaincue6»

1 United States Army in the World War, 1917-1919, bulletins, GHQ, AEF, volume 17, Center of military history, United States Army, Washington, D.C., 1992, p. 241

2Johnson et Brown, Official athletic almanac of the American Expeditionary Forces, 1919, p. 86-87

3Johnson et Brown, Official athletic almanac of the American Expeditionary Forces, 1919, p. 85

4Thierry Terret, The military « Olympics » of 1919, Journal of Olympic History 14, août 2006.

5The history of company E 308 Infantry, The Knickerbocker press, New York, 1919, p. 99

6Charles Wadsworth Camp, History of the 305th field artillery, The Country Life Press, New-York, 1919, p. 288

Concours de tir à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Concours de tir à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Combat de boxe à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Combat de boxe à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Lecture des scores à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Lecture des scores à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Tournoi de football au Mans, 35th Division, mars 1919 (source NARA)

Tournoi de football au Mans, 35th Division, mars 1919 (source NARA)

Tournoi de football au Mans, mars 1919 (source NARA)

Tournoi de football au Mans, mars 1919 (source NARA)

Concours d'athlétisme au Mans, mars 1919 (source NARA)

Concours d'athlétisme au Mans, mars 1919 (source NARA)

Des bibliothèques sont aménagées sur les sites qui accueillent des soldats américains. Une fut construite au Mans et l'autre sur le Forwarding Camp1. Des films sont diffusés quotidiennement et des soldats se produisent sur scène. Il faut absolument que les hommes soient occupés en attendant l'embarquement. Ainsi environ 450 000 hommes vont fréquenter l’auditorium du Forwarding Camp2.

 

Des spectacles permettent de tromper l'ennui. Le 13 mars 1919, la compagnie E du 308th Infantry quitte Avessé pour occuper un nouveau cantonnement à Saint-Ouen-en-Champagne. Le lendemain, la compagnie assiste à une représentation au château de la Roche (commune de Chevillé). Comme souvent, c'est un homme déguisé en « demoiselle parisienne » qui présentait divers titres dont la célèbre « The rose of no man'land » qui fut écrite en hommage aux infirmières de la Croix-Rouge. Et le rédacteur de préciser que les costumes avaient été achetés à Paris et offraient un fort contraste avec la couleur kaki de l'assemblée3. Noël 1918 a été l’occasion pour les soldats américains d’offrir un spectacle aux populations locales. A Écommoy, le YMCA et les soldats du 329th Infantry présentent un spectacle montrant un Noël traditionnel à la cour anglaise. Puis 600 enfants de la région reçoivent devant un énorme sapin de Noël des cadeaux de la part des américains : argent, cadeaux achetés à Paris, bonbons, cigarettes et tabac4.

Les spectacles du Mans organisés par le YMCA sont connus et très attendus. Les soldats de la compagnie G du 317th Infantry, qui sont en stationnement à Requeil, font état de leur impatience ; ils espèrent pouvoir se rendre prochainement au Mans. Pour beaucoup d’entre eux, c’est une chose qu’ils ne connaissent même pas aux États-Unis car venant de zones rurales5.

1US Army in the World War, vol. 15, 1991, p. 499

2Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 23

3The history of company E 308 Infantry, The Knickerbocker press, New York, 1919, p. 101

4Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 166

5Overseas diary company « G » 317th Infantry, France June 1918 – June 1919, p. 17

Dîner à l'Hôtel de Paris au Mans, 102nd Field Signal, janvier 1919 (source NARA)

Dîner à l'Hôtel de Paris au Mans, 102nd Field Signal, janvier 1919 (source NARA)

Tir à la corde dans la région de Sablé, 77th Division 308th Infantry, mars 1919 (source NARA)

Tir à la corde dans la région de Sablé, 77th Division 308th Infantry, mars 1919 (source NARA)

Athlétisme dans la région de Sablé, mars 1919 (source NARA)

Athlétisme dans la région de Sablé, mars 1919 (source NARA)

Pour d'autres ce sont les études. Ainsi neuf hommes du 103rd Field Artillery basé à Pontvallain sont envoyés à l'Université de Poitiers pour une période quatre mois.

Il y avait également au Mans rue de la Paille un édifice appartenant à une communauté religieuse qui accueillait dans des salles de lecture et de repos des soldats. Il y avait également un autre lieu qui avait un certain succès rue Saint-Dominique (actuelle rue Claude Blondeau). C’est là « que les militaires ont trouvé un petit coin de paradis. Un grand bâtiment spacieux, merveilleusement meublé avec de lourds tapis moelleux dans lesquels vous perdez vos pieds, des fenêtres ombragées de jolis rideaux et des murs recouverts de miroirs et des études d'art. C'était comme à la maison … Un grand piano à queue aux tons fins était à la disposition des hommes. Des petites tables servaient aux soldats pour écrire et il y avait toujours des fournitures de qualité. Le fait est que les salles de bien-être et de secours de la Science chrétienne au 13 rue Saint Dominique étaient l'un de ces endroits où un soldat voulait nettoyer ses chaussures à l'extérieur et retirer son chapeau en entrant dans la porte.

L'une des choses délicieuses de cet endroit, qui était si populaire auprès des garçons, était le calme qui y régnait. Il n'y avait pas de bruit, pas de brouhaha et on pouvait passer quelques heures dans la salle de lecture sans être dérangé …  »1.

1The Christian Science War Relief Committee, Christian Science war time activities, Boston, 1922, p. 198

Les accidents sont assez fréquents. Par exemple, le 140th Infantry Regiment arrive au Belgian Camp en mars 1919. On y souligne encore une fois les agréables conditions de vie ; mais les soldats s’occupent comme ils peuvent. Ainsi le 21 mars 1919, le soldat Michal démonte le détonateur d’un obus afin de fabriquer un souvenir comme il avait l’habitude de faire. Mais le détonateur explose, John Michal est transporté à l’hôpital où il décède quelques heures plus tard1.

En avril 1919, plusieurs baraques brûlent au Belgian Camp et les couleurs du 138th Infantry ne peuvent être sauvées2.

1Edwards (Evan Alexander), From Doniphan to Verdun: the Official History of the 140th Infantry, Lawrence, Kansas : The World Company, 1920, p. 139

2Fels (Daniel M.), History of "A" Company, 138th Infantry, St. Louis, Woodward & Tiernan Printing Co., 1919, p. 77

Concours de tir à Auvours, juin 1919 (source NARA)

Concours de tir à Auvours, juin 1919 (source NARA)

Réparation d'une route à Parcé, mars 1919 (source NARA)

Réparation d'une route à Parcé, mars 1919 (source NARA)

Source YMCA

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Source YMCA

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Source YMCA

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 A SUIVRE Partie 5 Inspections et revues

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10 janvier 2025 5 10 /01 /janvier /2025 21:19

E. Les conditions de vie

La durée de passage dans ces camps de transit dépend également des conditions sanitaires des soldats. Ainsi le 113th Field Artillery quitte Evron (Mayenne) le 5 février 1919 pour se rendre au Forwarding Camp1 au Mans. Mais le régiment est confronté aux maladies et huit hommes vont mourir de la grippe alors que des dizaines d'autres en sont affectées. Le régiment est mis en quarantaine en attendant des jours meilleurs2. Le 113th F.A. restera ainsi un mois au Mans en attendant de pouvoir rejoindre les ports d'embarquement. Cette attente dans un camp où « la boue vaseuse, collante et gluante » a accompagné les soldats pendant tout un mois, faisait dire qu'ils avaient vécu là le mois le plus déprimant de leur carrière militaire3. Le 113th F.A. quittera Le Mans début mars 1919 deux mois après être parti du nord-est de la France ; il rejoint Saint-Nazaire pour s'embarquer sur le Santa Teresa et arriver à Newport News (Virginie) le 18 mars 1919.

1Le Forwarding Camp se situe à l'emplacement de l'actuel aéroport du Mans.

2History of the 113th Field Artilley 30th Division, The History Committe of 113th F. A., Raleigh, N.-C., 1920, p. 133

3History of the 113th Field Artilley 30th Division, The History Committe of 113th F. A., Raleigh, N.-C., 1920, p. 136

Ce mois de février 1919 a fortement marqué les soldats américains comme le rapportent d'autres témoignages. Ainsi le 117th Infantry de la 30th Division se plaint en ce « rude mois de février », du manque de carburant, du froid, de la pluie et de l'épidémie de grippe1. Le 3 février 1919, le soldat Amyx S. Riley meurt près du Mans de la grippe2.

On peut avoir une vue de ces jours passés en Sarthe au travers des journaux de soldats. C'est le cas de Charles G. Sellers3 du 113th Field Artillery qui tient un petit journal entre janvier 1918 et mars 1919. Il a embarqué le 7 mai 1918, est arrivé en France le 18 du même mois. Après quelques semaines de formation en Bretagne, son régiment monte vers le front dans la région de Toul. Après l'armistice, le 113th F.A. fait partie de l'armée d'occupation et se dirige vers le Luxembourg. Au début de l'année 1919, le régiment revient sur Toul avant de recevoir l'ordre de se replier sur Le Mans qu'il atteint le 23 janvier au matin avant de poursuivre sur Sillé-le-Guillaume et Evron (Mayenne) ; de là les hommes se rendent à Mézangers (Mayenne). Bien que le cantonnement soit assez médiocre, Charles G. Sellers dit de ce premier jour en Mayenne qu'il était un «  des meilleurs jours qu'il ait vu ». Son journal se concentre surtout sur les conditions météorologiques du moment (froid, neige et pluie) ainsi que sur les activités quotidiennes (prières, promenades et courrier). Le 30 janvier, l'inspection et revue du Général Pershing à Evron vient rompre la monotonie de l'attente. Début février, il passe un week-end à Paris où il assiste aux « Zig-zag follies », célèbre revue anglaise présentée aux Folies Bergères, puis visite Versailles et fait les boutiques. Au retour, il s'arrête au Mans pour y passer la nuit après avoir fait un tour en ville et être allé au cinéma. C'est là qu'il retrouve son régiment qui est arrivé au Forwarding Camp. Le logement se fait sous tente et notre soldat se plaint du manque de carburant. Les hommes passent une bonne partie du temps dans les tentes et au lit sous les couvertures, essayant de se maintenir dans une relative chaleur, et une autre partie du temps à l'épouillage. Il faut également conduire plusieurs fois à l'hôpital les hommes touchés par la grippe qu'il nomme « Flu » pour « influenza ». D'ailleurs, le 9 février il est mis en quarantaine. Et les jours qui suivent voient se poursuivre l'incessant ballet des hommes qui partent vers l'hôpital. Notre homme est aussi amené à transporter des rails et des traverses, pour la gare de triage, en se plaignant du froid. En fait, il attend avec impatience son départ vers le port d'embarquement ; cette attente étant d'autant plus difficile à supporter que les hommes n'ont à rien à faire sinon subir des inspections qui leurs donnent l'espoir qu'ils quitteront prochainement la France. Les rumeurs circulent quotidiennement dans le camp sur le futur départ. Puis le 23 février, l'information tombe : la division va commencer son déplacement le mercredi ; puis on parle du lundi suivant. Et c'est le mardi 4 mars que Charles G. Sellers quitte Le Mans pour Saint-Nazaire ; il débarque aux États-Unis le 19 mars 1919.

 

1Knox County in the World War, 1917-1918-1919, Knoxville Lithographing Company, 1919, p.107

2Knox County in the World War, 1917-1918-1919, Knoxville Lithographing Company, 1919, p. 54

3nature.berkeley.edu/~c-merchant/Sellers/wardiary.pdf

4Katherine Mayo, The damn Y, Houghton Mifflin Co, Boston et New-York, 1920

Officiers du 113rd FA au Mans (collection particulière)

Officiers du 113rd FA au Mans (collection particulière)

Camp hospital n°52 au Mans (source NARA)

Camp hospital n°52 au Mans (source NARA)

Ces conditions de vie difficiles sont bien décrites dans l'ouvrage de Katherine Mayo1 publié en 1920. Les trains de nuit arrivent avec leurs flots de soldats qui emplissent une gare trop exiguë, des hommes qui doivent rejoindre dans le froid des camps à la périphérie de la ville. Elle décrit le Forwarding Camp comme étant « une mer de boue épaisse et profonde ». Quant au Classification Camp, les hommes le nomment « Madhouse » ; en novembre ils mangent leur repas debout dans la boue jusqu'aux chevilles2. Elle ajoute que dans les camps isolés dans la campagne, les soldats ne pouvant plus supporter les autres errent sur les routes. En ville, Central Hut est d'une saleté répugnante.

Au Forwarding Camp, les soldats suivent le rite de la préparation au départ. Par exemple le 105th Regiment of Engineers arrive au camp par vagues successives de bataillons. Le premier lieu où se rendent les soldats est la zone d'épouillage. Ensuite seulement ils peuvent intégrer les baraquements. Puis vient le temps des inspections et de la remise en état du régiment. Une autre partie du temps consiste à de petits travaux dans le camp mais aussi des remises de décorations régimentaires. Une dizaine de jours plus tard, certaines compagnies migrent vers Spur Camp d'où elles embarquement vers Saint-Nazaire.

1Katherine Mayo, The damn Y, Houghton Mifflin Co, Boston et New-York, 1920

2Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 40

Pour avoir une idée de l'installation dans la campagne sarthoise, on peut s'appuyer sur la description faite dans la publication de la 307th Ambulance Company1. Elle arrive à Sablé par le train en février 1919 puis se dirige vers le château de la Verdière à Solesmes. Là, les soldats reçoivent de la paille pour les sacs de couchage, le matériel nécessaire pour installer un terrain de base-ball et, « le meilleur de tout », des douches. Très rapidement arrive une laverie ce qui est suffisamment important pour que le rédacteur se réjouisse à l'avance de la disparition des poux avec de telles conditions d'hygiène. Les jours qui suivent sont occupés par des exercices, du sport et la préparation pour la revue du général Pershing le 24 février 1919. Ces revues semblent être attendues avec impatience par les soldats ; en effet la 307th Ambulance Company n'est pas conviée à la dite revue mais reçoit à huit heures l'ordre de s'y rendre. Les soldats se préparent à la hâte, passent à Solesmes, traversent le pont afin de rejoindre Sablé non s'en s'être égarés car la multitude de régiments qui se rendent à la cérémonie provoque un certain désordre. Mais ils n'arrivent pas à trouver le lieu de la revue et reviennent à leur campement de Solesmes où ils apprennent que l'événement se déroulait à moins d'un kilomètre de leur base ! Il faut bien comprendre que pour les soldats, la revue par le général Pershing est le signe d'un très proche retour au pays. Les revues et inspections des troupes se poursuivent afin d'occuper les soldats, le narrateur évoquant dans son texte que c'était là le passe-temps favori des officiers. Le 14 avril, la compagnie peut enfin quitter Solesmes afin de rejoindre Brest d'où on embarque pour les États-Unis.

1Collectif, 307 at home and in France, The Country Life Press, New-York, 1919, p. 167

A Champagné au Belgian Camp, on réutilise l'ancienne cantine belge. Mais elle est trop petite et mal éclairée ; les hommes attendent dehors et sous le grésil1. Il faut attendre le printemps pour que le camp s'améliore avec l’adjonction de nouvelles baraques.

Ce mois de février difficile est vécu différemment selon l'endroit où on se situe. Une partie du 306th F.A. de la 77th Division arrive à Noyen après deux jours et demi d'un voyage inconfortable en train dans le froid. Là les soldats trouveront un certain réconfort auprès de la population locale qui prépare un bon dîner pour les hommes affamés et qui va même jusqu'à accueillir des soldats dans ses murs2. Ils quitteront le village le 17 avril 1919 en prenant le train à la gare de Noyen pour se rendre à Brest.

1Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 33

2History of the 306th Field Artillery, The Knickerbocker press, New York, 1920, p. 111

Tentes au Mans en février 1919 (source NARA)

Tentes au Mans en février 1919 (source NARA)

Revue du général Pershing à Solesmes (Sarthe) en février 1919

Revue du général Pershing à Solesmes (Sarthe) en février 1919

Réparation d'une route en Sarthe en mars 1919 (source NARA)

Réparation d'une route en Sarthe en mars 1919 (source NARA)

Mess au Belgian Camp en février (1919 (source NARA)

Mess au Belgian Camp en février (1919 (source NARA)

Pour d’autres régiments les souvenirs sont moins bons. La batterie D du 304th Field Artillery s’installe dans la région de La Suze le 11 février 1919 après un voyage éprouvant à cause des conditions de transport et de l’épidémie de grippe espagnole1. Les soldats sont accueillis par le YMCA qui offre une tasse de café et quelques biscuits. Puis ensuite ils poursuivent à pied pendant environ quatre kilomètres pour être logés au château de la Bussonnière à Fercé. Ils occupent les greniers alors que vaches, cochons, ânes sont au rez-de-chaussée. Le rédacteur de l’ouvrage écrit qu’ils passeront ici six semaines inintéressantes, ternes et ennuyeuses. La principale activité tourne autour de la préparation des revues, de l’entretien du matériel et d’informations sur le retour à la vie civile. L’après-midi est consacré aux activités sportives à condition que la météo soit favorable, ce qui est très rare selon le rédacteur. Ensuite ils rejoignent la structure du YMCA au village où certains soldats montent sur scène pour amuser les autres.

Le 17 mars 1919, jour de la Saint Patrick, les soldats se retrouvent autour du château dans leurs plus habits militaires pour un séance avec un photographe de La Suze. Puis le 21, ils se dirigent vers le « Holding Camp » à La Suze se préparant à quitter la France début avril. Mais l’annonce du report de départ possible fin avril démoralise les soldats qui passent une partie de leur temps à boire, à tel point que la Police Militaire américaine doit intervenir et mettre en cellule quelques individus trop éméchés. Cependant, le départ vers Brest s’effectuera le 17 avril.

1Glaas (J.), Miller (Henry L.), O’Brien (Osmund), The story of battery D 304th Field Artillery, september 1917 to may 1919, 1919, p. 90

YMCA à Spay en mars 1919 (collection particulière)

YMCA à Spay en mars 1919 (collection particulière)

Camp de La Suze en mai 1919 (collection particulière)

Camp de La Suze en mai 1919 (collection particulière)

Pour d’autres encore, les quelques jours vécus en Sarthe se déroulent relativement bien. Le 130th Field Artillery loge à Bonnétable1. Les soldats disent des habitants qu’ils sont « radieux et hospitaliers ». Certains occupent un cabanon chez le vieil homme Ledru qui leurs parle pendant des heures autour de bouteilles de cidre. Ils vont également au café Bellevue tenu par Mme Fort et parlent avec M. Fort qui connaît un peu l’anglais. On y mange parfois du poulet accompagné de pommes de terre frites. On danse également.

 

On le voit dans les témoignages des soldats mais aussi dans le rapport du YMCA, les infrastructures dans ces camps sont très importantes pour le moral des soldats. C'est ce qui fait le lien avec le pays en y recréant un univers américain.

Le YMCA nous dit qu'il construisait trois sortes de baraquement : le type A (9 m. X 43 m.), le type B (27 m. X 50 m.) et le type C (9 m. X 30 m.). Il installe aussi des tentes de taille imposante (6 m. X 18 m. et 25 m. X 50 m.).

Les équipements pour les soldats sont essentiels : « De telles vies malheureuses ne convenaient guère aux Américains. Souvent, les hommes devaient marcher un mile ou plus pour rejoindre la cantine la plus proche [...]. Après notre long séjour dans la région, nous avons laissé des cantines et de bâtiments d'amusement complètement équipés pour les divisions suivantes. L'endroit le plus proche pour la lumière et la chaleur, de la boue et du froid, était habituellement le café français, et ce n'était disponible que lorsque les hommes avaient de l'argent.2 »

1MacLean (W. P.), My story of the 130th F.A., A.E.F., Topeka, Kans., Printed by the Boy's chronicle at the Boy's Industrial School, 1920, p. 145-146

2Lee J. Levinger, A jewish chaplain in France, The MacMillan Company, New-York, 1921, p. 60

Travaux en forêt de Bonnétable par le 320th Labor Battalion en avril 1919 (source NARA)

Travaux en forêt de Bonnétable par le 320th Labor Battalion en avril 1919 (source NARA)

Noël 1918 à Bonnétable (source NARA)

Noël 1918 à Bonnétable (source NARA)

Noël 1918 à Bonnétable (source NARA)

Noël 1918 à Bonnétable (source NARA)

A suivre : 4ème partie

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25 décembre 2024 3 25 /12 /décembre /2024 09:52
  1. D. Divers camps en Sarthe

    1. Le Mans

Le Mans concentre plusieurs camps. Les plus importants sont dans la zone sud de la ville à proximité de la gare de triage, point d'arrivée et de départ des différentes divisions vers les ports d'embarquement. En effet, de là on peut se connecter sur Tours, et donc sur Bordeaux, sur Saint-Nazaire et Brest.

Le plus important d'entre eux est le Forwarding Camp (le camp de renvoi) installé au niveau de l'actuel aéroport du Mans et qui servait déjà à loger les soldats avant leur montée sur le front. Cependant les structures étaient assez minimalistes et les hommes dormaient sous leurs petites tentes individuelles (pup tents).

Après l'armistice il deviendra le plus grand camp de France. C’est l’ultime passage avant d’aller à destination de sports. Le Jewish Welfare Board rapporte que les hommes y montrent des signes d’impatience liés au retour vers les Etats-Unis1.

Les soldats se plaignent du terrain sableux qui rend l'installation pénible. Y étaient logées de petites unités et les divisions qui s’apprêtaient à partir vers les ports d'embarquement. La vie y était plutôt compliquée comme le rapportent les témoignages américains. Le YMCA s'y est trouvé dans une situation difficile, devant gérer dans l'urgence l'afflux de soldats2 avec un personnel et du matériel trop rares. Début octobre 1918 est érigée la première baraque surnommée « Hurrah hut » et mesurant environ 20 m. X 60 m. Ce fut pendant quelques mois la seule structure en dur du camp, donc ce fut aussi le seul endroit chauffé et il n'y a rien de surprenant à ce qu'elle soit qualifiée de sanctuaire tant le réconfort qu'elle apportait était grand. Les animations consistent en la diffusion trois fois par semaine de films ou alors de petits spectacles présentés par les soldats. Gros succès pour ces activités où les places assises sont occupées longtemps à l'avance. L’approvisionnement en eau , en plus de puits, se fait depuis une installation à Pontlieue qui puise l’eau dans l’Huisne3.

1The Reform Advocate, 15 février 1919, p. 451

2Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 20

3Jack J. Hinman Jr, A water supply of the service of supplies, A.E.F., Journal (American Water Works Association), Vol. 7, No. 2,1920, p. 180

On peut se faire une idée de l'arrivée au camp grâce au journal du 105th Regiment of Engineers qui après avoir remis en état une partie du réseau routier sarthois migre en mars 1919 vers le Forwarding Camp pour préparer son départ1. Le 4 mars, le bataillon quitte ses quartiers généraux (Souligné-sous-Ballon et Montbizot) en camion mais également à pied. En arrivant, les soldats sont logés sous les tentes. Le lendemain, alors que le 1er bataillon en a terminé avec l'épouillage, c'est le 2ème bataillon qui arrive et prend la place du 1er bataillon qui passe vers les baraques alors que les nouveaux arrivants prennent les places vacantes sous les tentes.

En janvier 1919, une deuxième baraque voit le jour. Ce ne fut pas un luxe alors qu'environ 30 000 soldats fréquentaient le camp. Puis le YMCA fit construire Georgia Hut avec une cantine, une bibliothèque, un piano et une scène qui a accueilli entre janvier et juillet 3000 soldats quotidiennement. Le YMCA a aussi construit un immense hangar ainsi qu'un auditorium que l'on disait être une des plus belles salles de France. On y jouait chaque jour des représentations et on estime qu'environ 450 000 hommes sont passés par cette salle. Les hommes de la 28th Division construiront également la « Keystone Hut », érigée en un temps record de 17,5 heures et fort appréciée des hommes car étant juste à côté de la zone d'épouillage. Les hommes disent d'ailleurs de cette baraque que c'est « un oasis dans le désert ».

Il y a même des cas où les soldats qui attendent au camp leur départ vers les ports doivent retourner ailleurs. Le capitaine Sylvester Benjamin Butler écrit une lettre à sa mère le 3 juin 1919 et lui dit qu'il était au Forwarding Camp mais a dû être transporté vers le Belgian Camp car les transports n'étaient pas prêts et que les troupes en attente étaient beaucoup trop nombreuses2.

1Willard P. Sullivan et Harry Tucker, The history of the 105th Regiment of Engineers, George H. Doran Company, New-York, 1919, p. 273

2http://www.cromwellbutlers.com/sbb_0619.htm

Construction du Forwarding Camp en janvier 1919 (source NARA)

Construction du Forwarding Camp en janvier 1919 (source NARA)

Construction du Forwarding Camp en janvier 1919 (source NARA)

Construction du Forwarding Camp en janvier 1919 (source NARA)

La zone d'épouillage au Forwarding Camp en janvier 1919 (source NARA)

La zone d'épouillage au Forwarding Camp en janvier 1919 (source NARA)

Camp Etat, dans le quartier du Maroc, tient son nom de la cité « Camp État » où logeaient les cheminots de la compagnie de l’État à proximité de la gare de triage. Il sera doté d'une baraque nommée « Texas » en l'honneur du major Maxwell officier commandant Le Mans Division. Bénéficiant de l’électricité et décorée en bleu et gris, elle servira de salle de spectacle, de salle d'écriture, de cuisine et de bibliothèque1.

1Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 43

Quartier du Maroc (carte postale collection particulière)

Quartier du Maroc (carte postale collection particulière)

Toujours dans la zone sud du Mans et à proximité de la gare de triage se trouvait le Spur Camp. C'était un camp bien équipé avec 25 entrepôts métalliques, 85 baraques, 8 écuries avec une capacité de 100 chevaux chacune et des corrals pour des milliers d'autres chevaux, une centrale électrique et de gaz, une boulangerie pouvant cuire 62 000 pains par jour. Le YMCA y a installé des structures pour le quotidien et le confort des soldats1. Il semble que ce soit de cet endroit que les troupes stationnées au Forwarding Camp partent vers les ports d'embarquement2.

1Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 48

2Willard P. Sullivan et Harry Tucker, The history of the 105th Regiment of Engineers, George H. Doran Company, New-York, 1919, p. 273

Spur Camp (collection particulière)

Spur Camp (collection particulière)

Classification Camp est installé sur le lieu de la caserne Chanzy, endroit où se situe aujourd'hui le Parc Monod et connu anciennement sous le nom de « 117ème ». La caserne avait servi aux troupes américaines avant l’armistice et on y trouvait déjà le YMCA dès le mois d'août 1918. Mais à partir de novembre 1918, le nombre de soldats est si important qu'ils sont obligés de coucher dans leurs tentes individuelles sur le terrain de sport devenu une véritable pataugeoire. On a alors compté 60 000 hommes en attente de partir au front.

Classification Camp (source NARA)

Classification Camp (source NARA)

Salvage Camp (littéralement le camp de récupération) s'occupait des effets des soldats américains. Le YMCA y a installé une baraque pour apporter un peu de réconfort aux soldats qui travaillaient dans un environnement pas facile. Il est situé dans le secteur de Pontlieue et puise l’eau nécessaire aux laveries dans l’Huisne1.

1Jack J. Hinman Jr, A water supply of the service of supplies, A.E.F., Journal (American Water Works Association), Vol. 7, No. 2,1920, p. 180

Salvage Camp (source NARA)

Salvage Camp (source NARA)

Overhaul Park était le parc de révision pour le matériel. Y sont stockés divers véhicules militaires : camions, voitures, camionnettes dont les fameuses Tin Lizzies. C'était une véritable ruche où plus d'un millier d'hommes s'affairaient autour des engins.

Overhaul Park en avril 1919 (source NARA)

Overhaul Park en avril 1919 (source NARA)

Overhaul Park atelier en avril 1919 (source NARA)

Overhaul Park atelier en avril 1919 (source NARA)

Overhaul Park hangar en avril 1919 (source NARA)

Overhaul Park hangar en avril 1919 (source NARA)

Overhaul Park camions en avril 1919 (source NARA)

Overhaul Park camions en avril 1919 (source NARA)

Une du journal du Overhaul Park en avril 1919 (collection particulière)

Une du journal du Overhaul Park en avril 1919 (collection particulière)

En ville, plusieurs lieux servent aux soldats américains. Il y avait sur la place des Jacobins un campement dont la figure emblématique était la YD (Yankee Division) Hut installée par le YMCA non loin de la cathédrale. Cette baraque, inaugurée le 17 mars 1919, était différente de celles qui existaient dans les camps. Elle était recouverte d'un treillis de bois vert sur fond blanc lui donnant l'aspect d'une folie dans un jardin et l'intérieur avait été décoré par un artiste manceau. On voulait reconstituer l’image d’une demeure de Nouvelle-Angleterre. Ajoutez à cela des jardinières ainsi qu'une vigne grimpante et vous donnerez une excellente image des troupes américaines en ville. Ce foyer pour les soldats avait été financé par des habitants de York Harbor dans le Maine et qui avaient envoyé en France Grace Thompson pour superviser sa construction. Ce sont les soldats du 101st Engineers (26th Division) qui l’ont monté en une trentaine d’heures1. Il y avait aussi Central Hut dans la vieille ville ou encore Kansas Hut dans les jardins des Jacobins.

1 Emerson Gifford Taylor, New England in France, 1917-1919, A history of Twenty-Sixth Division USA, Houghton Mifflin Company, 1920, p. 300

Baraquements place des Jacobins (source YMCA)

Baraquements place des Jacobins (source YMCA)

A la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Sarthe se trouvait le quartier général de l'armée américaine. On trouvait aussi sur la route d’Yvré-L’Evêque un camp d’ingénieurs américains.

  1. En dehors du Mans

La zone « American Embarkation Center » est divisée en huit secteurs : Montfort-le-Rotrou1, La Ferté-Bernard, Ballon, Conlie, La Suze, Sablé, Château-Gontier et Écommoy. Ce sont les sièges des quartiers généraux des divisions de passage. A l’intérieur de ces secteurs, les petites villes ou villages sont les bases des brigades et régiments2. La Suze est signalé comme étant un camp important en dehors de la zone mancelle, alors que les sept autres villes ne semblent accueillir les troupes américaines que dans des châteaux ou maisons particulières.

1Aujourd’hui Montfort-le-Gesnois.

2Jack J. Hinman Jr, A water supply of the service of supplies, A.E.F., Journal (American Water Works Association), Vol. 7, No. 2,1920, p. 180

Camp de La Suze (collection particulière)

Camp de La Suze (collection particulière)

Les cantonnements dans la région d'Ecommoy (source History of Richardson Light Guard)

Les cantonnements dans la région d'Ecommoy (source History of Richardson Light Guard)

Les divisions sont souvent éclatées comme le précise le rabbin Lee J. Levinger1 : « La division [...] était logée dans quarante villages [autour de Montfort le Rotrou], largement dispersés dans les campagnes, et notre artillerie, qui avait combattu dans le secteur américain, était contenue par dix autres, situées près de Laval, à environ cinquante milles de distance. »

Certains camps militaires vont accueillir ces troupes. C'est le cas du camp d'Auvours à Champagné qui avait accueilli auparavant des soldats belges et britanniques. D'ailleurs pour les Américains, c'est le « Belgian Camp » dont ils réutilisent les infrastructures. Là encore, le YMCA va prendre en charge une partie de l'occupation des soldats. Ainsi à Noël 1918, les soldats aideront à la décoration de sapins pour les enfants de réfugiés. Les conditions ne sont pas très agréables (cantine et théâtre trop petits). On comptait environ entre 3000 et 4000 hommes dans ce camp2. Il faut attendre le mois de février et l'annonce des premiers transferts vers les États-Unis pour que le moral remonte. Neuf nouvelles baraques seront édifiées et au mois de juin l'installation sous les arbres donne l'illusion d'un camp d'été. Il faut dire que la grande rencontre de tir en mai ne pouvait pas se dérouler dans un endroit trop sordide.

En avril 1919, le sergent Daniel Fels3 qui rédige l’histoire de la compagnie A du 138th Infantry, raconte l’arrivée et l’installation du régiment après avoir passé environ deux semaines à Tuffé. La première chose qu’il évoque est la présence de couchettes, rudes certes, mais cela faisait bien longtemps qu’il n’avait dormi dans une chose qui ressemblait vraiment à un lit. Ensuite il évoque le rôle efficace des associations d’aide au bien-être des soldats ; en particulier il apprécie le réfectoire qui peut faire passer environ mille hommes en une vingtaine de minutes. Puis les hommes se retrouvent sous un vaste hangar équipé de tables permettant de manger debout.

Le capitaine Butler en juin 1919 trouve que le camp d'Auvours est beaucoup plus agréable que le terrain sableux et mal organisé du Forwarding Camp4. On a là le ressenti d'un soldat qui dans une lettre à sa mère fait apparaître très clairement la différence entre les camps de passage et cette énorme usine de préparation à l'embarquement qu'était le Forwarding Camp. Pour lui, le Belgian Camp est un modèle de propreté et d'ordre où on a laissé les arbres ; il est sous le charme des robiniers blancs en pleine floraison et qui bordent les routes.

1Lee J. Levinger, A jewish chaplain in France, The MacMillan Company, New-York, 1921, p. 59

2The Newark Unin-Gazette, volume XLVII, n°49, 6 décembre 1919

3Fels (Daniel M.), History of "A" Company, 138th Infantry, St. Louis, Woodward & Tiernan Printing Co., 1919, p. 77

4http://www.cromwellbutlers.com/sbb_0619.htm

Belgian camp (collection particulière)

Belgian camp (collection particulière)

Américains à Auvours (carte postale collection particulière)

Américains à Auvours (carte postale collection particulière)

Mais la place disponible au sein des infrastructures militaires est largement insuffisante1 et il faudra créer des camps temporaires pour les troupes américaines.

Ces camps sont souvent installés dans les chefs-lieux de canton et une partie des troupes de passage logeaient dans les villages voisins.

Le camp de Parigné-l'Evêque est la réutilisation de l'ancien camp belge installé dans la commune lorsque le camp d'Auvours s'est avéré être trop petit. Il accueillera peu de temps après l'armistice les troupes du 3rd Provisional Transport Regiment dépendant de la 86th Division Blackhawk. Puis le site deviendra l'école de police militaire. Là encore le YMCA va installer une structure d'accueil permettant aux soldats de profiter d'une cantine et d'une baraque pour les activités2.

Par exemple, la 30th Division s'installe à Ballon3 en novembre 1918. D'autres régiments de cette division sont basés à Beaumont avec une répartition des bataillons4 sur les communes de Ségrie, Vernie, Mézières, Assé le Riboul, Saint-Christophe, Sainte-Sabine, etc. La vie n'est pas toujours facile comme le montre une lettre du soldat Skinner5, écrite depuis Ballon, à ses parents en janvier 1919 ; comme souvent la revue des troupes par le général Pershing est un signe d'espoir. Il relate aussi dans sa missive la joie de prendre un premier vrai bain depuis son arrivée en France.

 

La 35th Division était dans la région de Montfort-le-Gesnois au mois de mars 19196 et la 80th Division était à Ecommoy en avril 19197. A noter qu'on trouvait dans la 35th Division le 129th Field Artillery dont un des capitaines était un certain Harry S. Truman8, futur Président des États-Unis, qui logea au château du Chesnay à Courcemont9. Le 129th F.A. était descendu à la gare de Connerré pour ensuite répartir ses soldats sur Courcemont et Beaufay10. Les soldats ont gardé une bonne image de la région mettant en avant les beautés de la nature préservée des ravages de la guerre. Il faut dire aussi qu'on était alors aux portes du printemps et que la situation était plus enviable que ce qu'avaient vécu leurs camarades au cours de l'hiver dans les grands camps autour du Mans. Le 128th Field Artillery, quant à lui, loge au château de Mortrie à Savigné L’Évêque où on apprécie le cadre et la place disponible pour le cantonnement11 ; ce régiment y restera jusqu’au 30 mars 1919 date où il quitte les lieux sous une tempête de neige afin de rejoindre Connerré avant de s’embarquer pour Brest.

La 36th Division arrivée en Sarthe au printemps 1919 est basée à Montfort-le-Gesnois et une partie de ses troupes est répartie sur les communes de Torcé-en-Vallée et Thorigné sur Dué12. Ce temps d'attente avant le départ vers les ports d'embarquement permet de vérifier les états de service, de procéder aux visites médicales, de refaire le paquetage ou encore d'épouiller les soldats.

1Stéphane Tison avance le chiffre de 1 650 000 soldats et 127 000 véhicules entre décembre 1918 et juillet 1919. Stéphane Tison, Avant le retour des soldats américains at home. Le Mans area, 1919, Maine-Découvertes, septembre-novembre 2011, n°70, p. 27 à 32.

2Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 45

3"Lest We Forget" The Record of North Carolina's Own, North Carolina World War History 112 , s.d., p. 17

Operations Thirtieth Division Old Hickory, s. d., p. 10

4Major John O. Walker, Major William A. Graham, Captain Thomas Fauntleroy, Official History of the 120th Infantry "3rd North Carolina" 30th Division, From August 5, 1917, to April 17, 1919. Canal Sector Ypres-Lys Offensive Somme Offensive, 1919, p. 31

6Brief Histories of Divisions, U.S. Army, 1917-1918, juin 1921, p. 45

7Brief Histories of Divisions, U.S. Army, 1917-1918, juin 1921, p. 65

8http://www.trumanlibrary.org/whistlestop/study_collections/ww1/129roster.shtml

9David McCullough, Truman, Simon and Schuster, 2003, p. 139

10Jay M. Lee, The artilleryman; the experiences and impressions of an American artillery regiment in the world war. 129th F.A., 1917-1919, Kansas City, Mo., Press of Spencer Printing Company, 1920, p. 243-244

11The "Orphan Battery" and operations, 128th U.S. Field Artillery (1st Missouri F.A.), Cleveland, O., H.M. White, 1921, p. 110-111

12Lonnie J. White, Panthers to Arrowheads : the 36th (Texas-Oklahoma) Division in World War I, 1984, p. 208

Pont de Gennes 54th Inf poste de commandement (source NARA)

Pont de Gennes 54th Inf poste de commandement (source NARA)

Le rabbin Lee J. Levinger était chapelain au front, puis après l'Armistice il est envoyé au Mans travaillant pour le Jewish Welfare Board. Il s'installe à Montfort le Rotrou (le Gesnois aujourd'hui) où « les minuscules maisons grises semblaient toutes datées de l'époque d'Henri de Navarre ». Il explique comment sont logés les soldats : « Les hommes vivaient principalement dans des granges, comme les maisons étaient occupées par les paysans, qui avaient besoin de leurs propres pièces. [...] Parce que nous étions dans une région peuplée, seules des unités plus petites pouvaient être logées dans un seul village, ce qui signifiait moins d'accès aux lieux de divertissement. Le village typiquement français n'a pas de salle assez grande pour le cinéma, à l'exception du seul lieu d'assemblée, l'église; apparemment, les agriculteurs et les villageois n'ont pas d'amusements sauf boire, danser (dans les petites salles bondées) et la fréquentation de l'église1» Et d'ajouter que « le soldat moyen ne rencontrait pas la meilleure classe de Français, seuls les paysans et les prostituées des villes. Il avait peu de goût pour les merveilleux trésors architecturaux et historiques du pays. Il ne pouvait parler la langue au-delà de ses besoins élémentaires. »

 

Certains éléments de 81st Division sont installés au nord du Mans2. Le 321st Infantry arrive en Sarthe en mai 1919, installe son quartier général à La Guerche et réparti ses bataillons sur les communes de Souligné-sous-Ballon, La Bazoge, Joué l'Abbé, Neuville. Comme ailleurs, on occupe le temps par des inspections et des revues. Début juin, les soldats partent vers Saint-Nazaire afin d'embarquer vers les États-Unis.

La 83rd Division occupe des villages du sud et de l'ouest de la Sarthe : le 49ème d'infanterie à Conlie, le 329ème d'infanterie à Ecommoy, le 330ème d'infanterie à Laigné-en-Belin, le 331ème d'infanterie à La Suze, et un régiment d'artillerie à Mayet.

1Lee J. Levinger, A jewish chaplain in France, The MacMillan Company, New-York, 1921, p. 59

2Clarence Walton Johnson, The History of the 321st Infantry, The R. L. Bryan Company, Columbia S. C., 1919, p. 102

A SUIVRE Partie 3 Les conditions de vie

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27 novembre 2024 3 27 /11 /novembre /2024 15:42

En avril 1917, le Président Wilson engage les États-Unis dans la Première Guerre Mondiale. Un système de conscription est créé. Dès lors, des troupes américaines vont débarquer pour rallier le front et on comptera au moment de l'armistice environ deux millions de soldats américains en France. La Sarthe et Le Mans sont, de par l'organisation du réseau de transport, une plaque tournante pour la redistribution des troupes vers les ports du retour.

Le Président américain Woodrow Wilson

Le Président américain Woodrow Wilson

A. Avant l'armistice

Des troupes américaines s'arrêtaient déjà au Mans après leur arrivée en France. La zone de transit est nommée 2nd Depot Division. La 83th Division du général Glenn arrive en France au cours du mois de juin 1918 et va gérer la dite zone en formant plus de 195 000 militaires1. Certaines unités restent là quelques jours pour suivre des formations comme par exemple une formation aux gaz2. Ou encore les dernières unités de la 34th Division qui débarquent en France le 24 octobre 1918 ; elles sont ensuite cantonnées dans la zone mancelle3. En fait certaines divisions américaines arrivées au cours de l'automne 1918 restent au Mans comme troupes de réserve. D'ailleurs elles quitteront la France dès décembre 1918 sans être montées au combat. Le témoignage d'un soldat américain explique assez bien ce parcours en France à partir de l'automne 1918 : « Nous avons pris la mer le 29 septembre et sommes arrivés à Brest, France, le 8 octobre 1918. Nous sommes restés à Brest pendant 3 jours et nuits. Nous étions stationnés à Cremay pendant 2 semaines et de là nous sommes allés au Mans. Nous sommes arrivés là le 30 octobre, nous sommes restés un jour, et avons ensuite été transférés par camion à Cérans-Foulletourte, en France [...] et de là nous sommes allés à Saint-Ouen [...]. Nous étions sur le champ de tir le 11 novembre, jour de l'armistice. De là, nous sommes allés à Écommoy [...]. Nous quittâmes Écommoy le 1er janvier 1919, retournâmes à Brest et arrivâmes aux États-Unis le 23 janvier 1919.4 » 

La région mancelle est organisée par les autorités américaines en zones administratives : La Suze, Ecommoy, Mayet, Conlie et Laigné en Belin5. Des clichés montrent des exercices de tirs dans les communes de La Suze et de Mayet en octobre 1918.

183rd Division Association, 83rd division record of events, Thunderbolt, vol. 43, n°2, 1988, p. 6

2Joseph W.A. Whitehorn, The inspectors general of the United States Army 1903-1939, 1998, p. 227

3http://www.newrivernotes.com/topical_history_ww1_oob_american_forces.htm

4https://etvma.org/veterans/arl-b-kelly-6676/

5Order of battle of the United States land forces in the world war, American Expeditionary Forces : Divisions, volume 2, Center of military history, United States Army, Washinton, D.C., 1988, p. 363

 

Le stand de tir de Guécélard

Le stand de tir de Guécélard

Entrainement de la 83ème Division, région de La Suze

Entrainement de la 83ème Division, région de La Suze

En juillet 1918, des cérémonies se déroulent au Mans à l'occasion des fêtes nationales américaine et française. Des troupes américaines défilent alors sur la place des Jacobins.

En octobre 1918, l'AEF chaplain school s'était installée au château d'Aux (Villaines) à Louplande. La question des chapelains était rapidement devenue une question d'importance avec plus de deux millions de soldats envoyés en Europe. De plus, ces hommes devaient avoir une formation propre aux activités en zone de combat. En France, une école a été ouverte à Neuilly-sur-Suize (Haute-Marne) permettant aux religieux d'avoir une préparation militaire ; elle sera ensuite déplacée à Louplande1.

En décembre 1918, se déroulent les fêtes franco-américaines autour des personnages de La Fayette, qui fut député de la Sarthe, et du monument Wilbur Wright en présences des hautes autorités françaises et américaines2.

1On trouvera des renseignements plus complets dans Michael Snape, God and Uncle Sam, Religion and America's Armed Forces in World War II, The Boydell Press, 2015

2Stéphane Tison, Une fête pour promouvoir une certaine idée de la paix. Le Mans, 22 décembre 1918, Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2018/3 N° 129-130, p. 22-27

 

Défilé du 14 juillet 1918 au Mans

Défilé du 14 juillet 1918 au Mans

22 décembre 1918, Place de la République au Mans

22 décembre 1918, Place de la République au Mans

Mémorial de Haute-Loire, 23 décembre 1918

Mémorial de Haute-Loire, 23 décembre 1918

Chateau de Villaines, Louplande (Sarthe)

Chateau de Villaines, Louplande (Sarthe)

B. Les camps de transit au Mans et en Sarthe en attendant le retour vers les États-Unis1

L'armistice étant signé le 11 novembre 1918, une armée d'occupation reste sur les zones de combat. Mais l'idée du rapatriement des troupes américaines vers leur pays va logiquement prendre place chez l'état-major, surtout que pour beaucoup de soldats américains le fait de rester en Europe n'a aucun sens. Le Mans area n'est alors qu'un élément du Service of Supply (Service d'Approvisionnement). Cependant, l'abondance de soldats fera qu'il va falloir prendre le temps d'organiser ce rapatriement et d'étaler les départs depuis la France. En attendant le départ, il faudra implanter des camps de transit en arrière des ports d'embarquement sur la façade atlantique face aux États-Unis2 (Bordeaux, Saint-Nazaire et Brest). De plus Le Mans bénéficie d'une toute récente gare de triage mise en service en 1914 dans la zone sud du Mans entre la route d'Angers et la Sarthe3. La zone mancelle permet ainsi de desservir rapidement les ports de Bordeaux, Saint-Nazaire, Brest et Le Havre en profitant d'un réseau ferré qui permet de se connecter directement sur ces zones4. Par ailleurs, le réseau départemental de tramways à vapeur sur voie étroite est bien réparti sur le territoire et permet d’accéder au Mans dans de bonnes conditions. Également, les services d’hygiène de l’armée américaine sont intéressés par la qualité du réseau d’eau. En effet, dès 1906, une usine des eaux moderne permet de bénéficier d’une ressource assez facile à traiter et à distribuer vers les camps manceaux en utilisant également le réservoir de Gazonfier5. Le Mans area devient à partir de la mi-décembre 1918 une unité particulière nommée American Embarkation Center. Auparavant c’est à Écommoy que se faisait l’organisation des retours vers les États-Unis6. C'est ainsi que la Sarthe s'est retrouvée avec une arrivée massive de doughboys du corps expéditionnaire américain (American Expeditionary Force). Cette zone couvre une surface au delà des limites du département et dont Le Mans est le centre. Le capitaine Hinman nous décrit cet espace comme un territoire d’environ 150 km sur 100 km, limité par des villes telles que Nogent-le-Rotrou, Alençon, Laval, Château-Gontier, La Flèche, Vendôme et Saint-Calais7. Elle va accueillir jusqu'à plus de 200 000 hommes simultanément8. Cette immense zone a été divisée en secteurs pouvant accueillir les quartiers généraux de dix divisions9.

1Une excellente étude concernant la Sarthe pendant la Première Guerre Mondiale a été publiée en 1991 : André Ligné, Les Sarthois au temps de la Première Guerre Mondiale, Editions Bordessoules, 1991

2Lors de l'arrivée des troupes américaines, les ports de la Manche servent surtout pour les troupes anglaises et ceux de la Méditerranée sont tournées vers l'arrivée des hommes et des matières des colonies. Cependant selon les besoins, des navires américains ont également débarqués dans ces ports.

3Capitaine J. Marty, Le Mans, nœud de voies ferrées, Annales de Bretagne, tome 46, N° 3-4, 1939, p. 217

4Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 4

5Jack J. Hinman Jr, A water supply of the service of supplies, A.E.F., Journal (American Water Works Association), Vol. 7, No. 2,1920, p. 182-183

6Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 166

7Jack J. Hinman Jr, A water supply of the service of supplies, A.E.F., Journal (American Water Works Association), Vol. 7, No. 2,1920, p. 179

8Johnson et Brown, Official athletic almanac of the American Expeditionary Forces, 1919, p. 25

9The Evening Record, 13 mars 1919

 

Carte publiée dans CMH vol. 15

Carte publiée dans CMH vol. 15

Une liste des camps est donnée par le YMCA1 : Le Mans Depot Division (Classification Camp, Spur Camp, Camp Etat, Overhaul Park, Salvage Camp, Parigné-l'Évêque et plusieurs camps annexes dans et autour de la ville), Forwarding Camp (aussi appelé « camp d’Arnage » par les locaux), Belgian Camp (dit aussi « camp d’Auvours »), Écommoy, La Suze, Sablé, Conlie, Ballon, Montfort, La Ferté-Bernard, Mayenne, Laval, Château-Gontier, Alençon et Rennes.

1YMCA (Young Men's Christian Association) : mouvement de jeunesse religieux spirituel puis d'assistance né au Royaume-Uni dans la première moitié du XIXème siècle. Cette organisation se diffuse en Amérique du Nord et c'est tout naturellement que le mouvement va s'impliquer dans l'aide aux soldats américains.

 

C. L'arrivée

A partir de la fin des hostilités, et selon les ordres des différents régiments, les troupes américaines migrent vers l'ouest de la France. Les premières troupes arrivent au Mans dès le mois de novembre 1918 comme l'indiquent les ordres du 2ème Corps d'Armée US. Ainsi la 30th Division est cantonnée au Mans à partir du 24 novembre 19181. Les consignes sont strictes quant au comportement à avoir : les soldats représentent l'armée et le peuple des États-Unis ; ils doivent donc avoir une attitude digne2.

Après parfois de longues marches au travers des anciens champs de bataille, les soldats embarquent dans des trains. Chaque convoi devait être composé de 17 wagons plats, de 30 wagons fermés et d'une voiture pour les officiers3. Le voyage dure quelques jours4 et se fait souvent dans des wagons à bestiaux abritant une soixantaine d'hommes. L'intendance doit gérer les difficultés d’approvisionnement. Des accidents se produisent parfois et certains soldats meurent lors du retour vers Le Mans. Ce fut le cas par exemple pour les soldats Walter A. Mankins et SC Siquerious du 113th F.A. décédés en janvier 1919 à Trondes (Meurthe et Moselle)5. Le Norwich Bulletin (Connecticut) rapporte dans son édition du 18 avril 1919 que 14 soldats américains et 6 soldats français, essentiellement des Bretons, furent tués près du Mans dans un accident ferroviaire. Il s'agit de l'accident de Sillé-le-Guillaume dont un compte-rendu fut publié dans le quotidien l'Ouest-Eclair des 18 et 19 avril 1919. Quatre trains se suivaient à moins de 20 minutes d’intervalle ; le premier train rencontrant des problèmes mécaniques entre Conlie et Sillé est obligé de s'arrêter. Une mauvaise interception de l'information a fait que le train suivant n'a pu éviter la collision, provoquant un très lourd bilan humain. L'article parle de soldats américains permissionnaires mais on peut penser qu'ils rejoignaient plutôt Brest afin d'embarquer vers les États-Unis.

1http://www.newrivernotes.com/topical_history_ww1_oob_american_forces.htm

2Colonel Joseph Hyde Pratt, Diary of Colonel Joseph Hyde Pratt, Commanding 105th Engineers, AEF, Edwards and Broughton Company, Raleigh, 1926, p. 245

3Colonel Joseph Hyde Pratt, Diary of Colonel Joseph Hyde Pratt, Commanding 105th Engineers, AEF, Edwards and Broughton Company, Raleigh, 1926, p. 236

4Le 113th F .A. met cinq jours à atteindre Le Mans dans de difficiles conditions de voyage. History of the 113th Field Artilley 30th Division, The History Committe of 113th F. A., Raleigh, N.-C., 1920, p. 189

5History of the 113th Field Artilley 30th Division, The History Committe of 113th F. A., Raleigh, N.-C., 1920, p. 130

 

La Une du Ouest-Eclair du 19 avril 1919

La Une du Ouest-Eclair du 19 avril 1919

Au Forwarding Camp, les troupes entrantes passent par le R.T.O. (Railroad Transportation Office) où le YMCA propose un chocolat aux arrivants, jusqu'à 10 000 certains jours1. L'efficacité de ce service surprend d'ailleurs certains hauts gradés.

En arrivant au camp, il faut passer par la zone d'épouillage où l'on reste entre trois et dix jours2. C'est un moment assez difficile pour les hommes qui doivent pendant ce temps rester isolés des autres. Cette désinfection est décrite par le 1er lieutenant William Holmes Dyer du 317th Ammunition Train. Les hommes enlèvent leurs vêtements et les déposent en tas sur le sol ; puis plus loin ils ôtent leurs sous-vêtements. Alors ils entrent dans une pièce chauffée et ont droit à un bain avec savon et désinfectant. Ensuite, ils reçoivent un nouveau lot de vêtements propres, mais pas toujours avec les bonnes tailles. Dès lors, ils intègrent de nouvelles baraques pour éviter toute nouvelle contamination3.

1Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 29

2Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 24

3http://home.earthlink.net/~gskwink/InHonor.html

 

Des aménagements au Forwarding Camp (source YMCA)

Des aménagements au Forwarding Camp (source YMCA)

Pour ceux qui arrivent dans les villes ou villages, il faut loger chez l’habitant. Les officiers sont dans les châteaux et maisons, alors que les soldats trouvent abri dans les granges1. C'est ce que se passe pour le 103rd Field Artillery (26th Division) lorsqu'il arrive à Pontvallain. On cherche les meilleures cuisinières capables de cuisiner les French fried potatoes et aussi les élevages de lapins.

Le journal du colonel Joseph Hyde Pratt relate l'arrivée des troupes à Marolles en novembre 19182. Le premier soucis est lié à la consommation d'alcool dont sont friands un certain nombre de soldats ; cependant, et à leur décharge, il faut bien reconnaître que les sarthois ont trouvé dans cette consommation une bonne occasion de se faire de l'argent. Les cafés sont bien sûr en cause dans cette histoire mais le colonel rapporte que les habitants en profitent également en vendant aux soldats du « cognac3 ». Le rappel à l'ordre passe par des sanctions telles que la perte de leur grade pour les caporaux et les sergents, mais aussi par un travail avec le maire et le curé.

La Fighting Battery C du 102nd Field Artillery (26th Division) arrive en Sarthe au cours du mois de janvier 1919 pour prendre ses quartiers dans la région de Mayet. Un passage du journal de guerre écrit lors du retour aux États-Unis reflète assez bien le sentiment qui habitait alors les soldats : « Vers le 26 janvier, nous sommes arrivés à Mayet dans la zone d’embarquement du Mans, au milieu de la neige qui tombait. En une demi-heure, nous avions achevé la tâche de déchargement et nous étions en route pour le cantonnement en ville.
Mayet était plutôt une grande ville, en fait la plus grande où nous ayons jamais été hébergés et nous avons commencé à douter sur notre présence à Mayet ou de notre déménagement dans un village plus petit, mais pour une fois la chance était avec nous et nous sommes restés ici.

Jusqu'à présent, nous n'avions reçu aucun ordre précis concernant le départ de France pour la maison. Les rumeurs étaient nombreuses comme toujours. Nous avons entendu des histoires d'autres divisions qui partaient pour la maison. Le fait que nous soyons dans un centre d’embarquement nous laissait à penser que nous allions bientôt avoir des précisions. Si nous avions l’intention de nous maintenir en France pendant longtemps ou de nous assigner une autre tâche, nous n’aurions pas été envoyés dans cette région et nous avons tous attendu patiemment ».4

L'arrivée sur la Sarthe et la dispersion vers les différentes zones de cantonnement va nécessiter d'avoir un réseau routier de bonne qualité. Ainsi, le 105th Regiment of Engineers (30th Division) se verra confier en février 1919 la mission d'entretien du quart nord-est du réseau routier sarthois entre les routes de Saint-Calais et d'Alençon5. La priorité porte sur la route nationale 138 dite route d'Alençon. Les matériaux nécessaires à l'entretien seront pris dans une carrière à Fresnay-sur-Sarthe. Un état des routes est effectué et les camions transportent la pierre pour réparer les mauvaises portions telles que celles au sud de Beaumont-sur-Sarthe ou encore au nord de Oisseau-le-Petit. Les principaux axes routiers sont inspectés un à un et des ordres sont donnés afin que différents groupes interviennent pour effectuer les réparations. En fait, ce régiment avait reçu sa mission dès le début du mois de décembre 1918 afin de faciliter la circulation des troupes américaines en Sarthe6. Début mars, le régiment reçoit l'ordre de se rendre au Forwarding Camp afin de préparer son rapatriement.

1Henry T. Samson et George C. Hull, The war story of C battery, One hundred and third artillery, France 1917-1919, The Plimpton Press, 1920, p. 220

2Colonel Joseph Hyde Pratt, Diary of Colonel Joseph Hyde Pratt, Commanding 105th Engineers, AEF, Edwards and Broughton Company, Raleigh, 1926, p. 244

3Il doit plutôt s'agir de la goutte produite dans les fermes à partir du cidre.

4Lieutenant Edward D. Sirois et caporal William McGinnis, Smashing Throuh « the Word War » with Fighting Battery C., 102nd F. A., « Yankee Division », 1917-1918-1919, The Week Press, Salem, Massachusetts, 1919, p. 139-140

5Willard P. Sullivan et Harry Tucker, The history of the 105th Regiment of Engineers, George H. Doran Company, New-York, 1919, p. 267

6Colonel Joseph Hyde Pratt, Diary of Colonel Joseph Hyde Pratt, Commanding 105th Engineers, AEF, Edwards and Broughton Company, Raleigh, 1926, p. 249

 

Une carte américaine concernant la partie nord-est de la Sarthe

Une carte américaine concernant la partie nord-est de la Sarthe

A SUIVRE Partie 2 « Divers camps en Sarthe »

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15 juillet 2024 1 15 /07 /juillet /2024 10:42

La rivière Sarthe naît dans le département de l’Orne en la commune de Soligny-la-Trappe au lieu-dit Somsarthe à l’altitude de 205 m. Elle entre dans le département auquel elle donne son nom, au niveau de la commune de Roullée ; puis ensuite elle sert pendant de nombreux kilomètres de limite départementale entre l’Orne et la Sarthe. Elle entre alors pleinement dans le département sarthois au niveau de Saint Léonard des Bois pour en ressortir à Précigné en ayant, là encore, servi de limite départementale. Le cours d’eau poursuit alors son cheminement dans le Maine-et-Loire où, rejoignant la Mayenne, il formera la Maine. La Sarthe aura alors parcouru un peu plus de 300 km.

Carte de Jaillot (1706)

Carte de Jaillot (1706)

Fontaine Saint Clair à Saint-Aquilin (AD61)

Fontaine Saint Clair à Saint-Aquilin (AD61)

La vallée de la Sarthe à La Fresnaye sur Chédouet

La vallée de la Sarthe à La Fresnaye sur Chédouet

La Sarthe à Pincé

La Sarthe à Pincé

La première partie de son parcours la fait longer la partie orientale du Massif Armoricain en traversant les Alpes Mancelles ; elle a alors un aspect torrentueux. Puis après Fresnay-sur-Sarthe, elle atteint les zones plus planes et serpente au travers de la campagne au milieu des prés. La rivière s’élargit et prend un aspect plus calme. Elle est rejointe au Mans par l’Huisne ; en voici d’ailleurs une description dans un ouvrage de 1620 : « Huine donc ainsi grossie et accreuë descend à Seaux, Pont de Genne, Champigny,Yvré, et à Pontleue prés du Mans, au dessous duquel elle se descharge dedans Sarthe sa sœur aisnée, à laquelle elle est contrainte de ceder son nom, et dedespit qu'elle en a, marche plus de deux grandes lieuës coste à coste, sansse vouloir mesler avec elle, et se faisant recognoistre en ses eaux claires et blanches d'avec celles de Sarthe noirastres et sombres1 ».

1BRY DE LA CLERGERIE (Gilles), Histoire des pays et comté du Perche et duché d'Alençon, 1620, p.13

La Sarthe à Saint Léonard des Bois

La Sarthe à Saint Léonard des Bois

Fresnay sur Sarthe

Fresnay sur Sarthe

Neuville sur Sarthe

Neuville sur Sarthe

Solesmes

Solesmes

Un nom stable dans le temps

Son nom a peu évolué dans le temps, ce qui laisse à penser qu’il s’agit d’un toponyme très proche de son nom originel. Il apparaît de très nombreuses fois dans les Actus pontficum cenomannis in urbe degentium. Si l’on considère que les Gesta Innocentii, qui racontent les actes de l’évêque manceau Innocent (533-558), s’appuient sur des documents connus au moment de la rédaction des dits Actus1 (vers 835-855), il y est dit que l’évêque Victeur avait fait construire une église où reposent ses successeurs « ultra fluvium Sartae » ; il pourrait donc s’agir du nom connu au VIème siècle. Au VIIème siècle, les Gesta Domni Bertichramni (testament de Saint Bertrand) donnent aussi la forme « Sartae » (Antedictus namque domnus Bertichramnus fecit quandam cellulam ultra fluvium Sartae).

Un diplôme de 676 de Thierry III, roi des Francs, fait mention de l’installation au Mans du monastère Sainte Marie « infra Sartam fluvium »2. Les Actus Pontificum, dans un texte des environs de 835 relatant la translation de la dépouille de Julien depuis le quartier du Pré vers la cathédrale nouvellement édifiée par l’évêque Aldric, citent également « ultra fluvium Sartae ». Le Livre Noir de l’abbaye Saint Florent de Saumur en Anjou rapporte pour l’année 848 l’expression « Sartam fluvium » dans un diplôme concernant un don à ladite abbaye.

On pourrait ainsi multiplier les exemples à l’envi.

1BIARNE (Jacques), Les premiers évêques du Mans, depuis les Fastes épiscopaux de Louis Duchesne, in La foi dans le siècle, PUR, 2009, p. 109-119

2BREQUIGNY (Louis George Oudard Feudrix de), PORTE DU THEIL (François Jean Gabriel de La ), Diplomata, chartae, epistolae, leges, Tome II, Paris, 1849, p. 172

Le Livre Noir (IXème siècle)

Le Livre Noir (IXème siècle)

Qu’en est-il du « h » dans la Sarthe ?

On lit parfois que c’est au moment de la Révolution que la lettre « h » est apparue pour transformer définitivement « Sarte » en « Sarthe ». Mais il semble que ce soit au cours du XVIIIème siècle que l’orthographe du nom de la rivière mute et s’oriente lors vers sa forme actuelle. Des documents du XVIIème siècle indiquent également « Sarthe » ; c’est le cas par exemple de la carte de Cloppenbourg (1630) sur le comté du Perche. Ou encore le pouillé de l’archevêché de Tours1 qui cite en 1648 «  la cure de Sainct Benoist sur Sarthe ».

Au XVIème siècle également on retrouve « Sarthe ». Ainsi Sébastien Münster2 dans sa description du pays du Maine évoque la présence des Cénomans et la fondation du Mans. Dans ce récit légendaire, il évoque Leman, fils de Paris, qui réédifie une ville qu’il nomme Le Mans et qu’il donne le nom de « Sarthe » à la rivière qui l’avoisine.

Même aux époques plus lointaines, il y a des exemples avec la lettre « h » telle la charte de fondation de l’abbaye de Perseigne au milieu du XIIème siècle (« In dedicatione autem ecclesie et in dotis nomine dedi eis apud Rolers prata que sunt a fosseio sicut rivulus qui vocatur Rugemmar circuit usquequo recipitur in Sartham et eamdem Sartham in proprio dominio ad piscandum, ab illo scilicet loco quo predictus rivulus in ea descendit usque ad predictum fosseium et sicut dicta prata extenduntur in longum et latum. »3).

1Pouillé général contenant les bénéfices de l'archevêché de Tours, Paris, 1648, p. 52-53

2MÜNSTER (Sébastien), La cosmographie universelle de toute le Monde, Paris, 1575, p. 45

3FLEURY (Gabriel), Cartulaire de l’abbaye cistercienne de Perseigne, Mamers 1880, p. 3-4

Carte de Cloppenbourg (1630)

Carte de Cloppenbourg (1630)

Extrait des poèmes de Théodulfe d'Orléans (IXème siècle)

Extrait des poèmes de Théodulfe d'Orléans (IXème siècle)

Extrait du testament de Jean de Lexille (XIVème siècle)

Extrait du testament de Jean de Lexille (XIVème siècle)

Alors, quelle est l’origine du nom « Sarthe » ?

L’hydronyme « Sarthe » s’appuie sur une racine très ancienne, peut-être pré-celtique ; c’est sans doute la même étymologie que « Saar » en Allemagne ou encore que «Serre» dans les Ardennes ou même « Cère » qui naît dans le Cantal. L’origine en serait « sar/ser/sor » voulant dire « cours d’eau », « écoulement ».

Notons que la source à Somsarthe peut se traduire par point haut (source) de la Sarthe.

Une rivière vivante

Il ne s’agit pas ici de montrer tous les éléments qui se sont développés sur et autour du cours d’eau, mais juste d’évoquer l’importance de la rivière dans les activités humaines au travers des âges.

 

La vallée de la Sarthe est fréquentée depuis longtemps puisque diverses découvertes archéologiques indiquent une présence très ancienne. Les interventions de l’INRAP, par exemple, ont ainsi révélé un site moustérien à Fontenay-sur-Vègre (72) qui a été placé entre -60 000 et – 50 000 ans1. Les fouilles menées par Paléotime à la fin de l’année 2012 au Bois de Sirion sur la commune d’Auvers-Le-Hamon (72) proposent une occupation dans la même fourchette chronologique2. Sur la commune du Mans, la découverte du site de «Château-Gaillard », en limite avec Rouillon, a livré du matériel lithique qui pourrait remonter à environ 75 000 ans3. Mais d’autres pièces archéologiques trouvées dans la région de Sablé (72) en prospection permettent de remonter plus loin dans le temps vers -400 000/-300 000.

On verra également s’installer dans les zones très proches de la rivière des ouvrages fortifiés à l’époque protohistorique : Narbonne à Saint-Léonard-des-Bois ou le Chatelier à Saint-Jean-d’Assé.

13 Voivres

Outil paléolithique (Voivres Lès Le Mans)

Outil paléolithique (Voivres Lès Le Mans)

Outil paléolithique (Voivres Lès Le Mans)

Outil paléolithique (Voivres Lès Le Mans)

Outil paléolithique (Voivres Lès Le Mans)

Outil paléolithique (Voivres Lès Le Mans)

La butte de Narbonne à Saint Léonard des Bois

La butte de Narbonne à Saint Léonard des Bois

Le rempart protohistorique de la butte de Narbonne à Saint Léonard des Bois

Le rempart protohistorique de la butte de Narbonne à Saint Léonard des Bois

On ne connaît quasiment rien de l’utilisation de la rivière à l’époque antique, si ce n’est d’hypothétiques passages. Au moyen-âge, la Sarthe permet de contrôler la circulation et on verra des fortifications s’élever aux points stratégiques pour surveiller les divers mouvements. On citera par exemple les châteaux de Fresnay, Beaumont, La Guierche, La Suze, Malicorne ou encore Sablé. Certains seigneurs disposent des droits de pêche sur la rivière et ce jusqu’à l’abolition des privilèges en 1790. On sait aussi par les les miracula d’Ermentaire (IXème siècle) qu’une femme, accompagnant son fils malade, prend le bateau près du Mans pour se rendre en pèlerinage à Saint-Philbert de Grandlieu ; descendant la Sarthe et la Loire, son navire vient aborder au portus de Rezé.

Le site du château de Fresnay sur Sarthe (Xème siècle)

Le site du château de Fresnay sur Sarthe (Xème siècle)

Le site du château de Beaumont sur Sarthe (XIème siècle)

Le site du château de Beaumont sur Sarthe (XIème siècle)

La Suze sur Sarthe en 1695 (implantation d'un château début XIème siècle)

La Suze sur Sarthe en 1695 (implantation d'un château début XIème siècle)

Le site castral de Sablé sur Sarthe (Xème siècle)

Le site castral de Sablé sur Sarthe (Xème siècle)

Ensuite la rivière perd sa fonction stratégique mais reste toujours difficile à franchir. Les ponts sont rares et on passe soit à gué soit par des bacs. De plus la plupart des bateaux de marchandises ne remontent que jusqu’à Malicorne ; là il faut soit continuer le transport par route ou soit décharger pour recharger sur de plus petites embarcations. Jusqu’à la fin du XIXème siècle, entre Le Mans et Sablé seule la ville de La Suze permet de passer le cours d’eau sur un pont. On voit, avec les progrès de la Révolution industrielle, certaines communes faire des demandes pour pourvoir franchir la rivière en sûreté. C’est le cas à Spay à partir de 1880, date à laquelle la commune émet une demande ; elle fut renouvelée lors de la séance du conseil municipal le 14 décembre 1886 et l’agent voyer émet un avis favorable. Dès lors, la construction d’un pont à voie unique pourra commencer. Elle est confiée à l’entreprise Fonteix, rue du Marché aux Porcs au Mans. Les parties métalliques seront sous-traitées à la société Baudet, Donon et Cie de Paris. Les travaux s’achèvent en 1890.

Le site du château de Malicorne et son barrage (dessin de 1695)

Le site du château de Malicorne et son barrage (dessin de 1695)

Le vieux pont de la Suze à la fin du XIXème siècle

Le vieux pont de la Suze à la fin du XIXème siècle

Plan du pont de Spay (fin XIXème siècle)

Plan du pont de Spay (fin XIXème siècle)

On circule depuis longtemps sur la rivière. Mais l’installation des moulins sur la rivière va perturber la circulation à cause de la mise en place des barrages. Vers le milieu du XIXème siècle, des canaux permettront de contourner les difficultés au sud du Mans. Par exemple en 1846 est lancée l’idée d’une construction, entre Fillé et Roézé, qui permettra de contourner les moulins de Fillé et de la Beunêche. Les travaux sont achevés en 1860. Mais le train connaît sa phase de développement et la navigation va commencer à décliner.

L'entrée du canal à Fillé (carte postale ancienne)

L'entrée du canal à Fillé (carte postale ancienne)

Le canal à Roézé

Le canal à Roézé

Canal de Spay (cadastre ancien)

Canal de Spay (cadastre ancien)

L’eau de la rivière sert aussi pour certaines industries comme les tanneries ou encore pour le rouissage du chanvre. Cela n’est pas sans certains désagréments. Ainsi Victor Eugène Ardouin Dumazet (1852-1940), journaliste qui rédige des guides touristiques (Voyage en France), rapporte en 1898 : « Le rouissage est une cause puissante d’insalubrité. Pendant deux mois, la Sarthe et ses affluents roulent une eau noire et nauséabonde ; l’infection est telle que, dans la traversée de la ville du Mans, les quais sont désertés par les promeneurs. Depuis la fin d’août jusqu’au milieu de septembre, le rouissage est en pleine activité, mais l’infection des eaux se prolonge bien souvent pendant les premiers jours d’octobre ».

On pourrait aussi citer les marbreries de Solesmes qui vont connaître un développement important au cours du XIXème siècle. On utilise la rivière à la fois pour la force hydraulique mais aussi pour le transport des blocs de marbre.

Rouissage du chanvre à Juillé

Rouissage du chanvre à Juillé

Moulin à chanvre au Mans

Moulin à chanvre au Mans

Marbrerie de Solesmes

Marbrerie de Solesmes

Tanneries de La Suze

Tanneries de La Suze

Grands moulins de Saint Georges au Mans

Grands moulins de Saint Georges au Mans

Au cours du XXème siècle, le tourisme se développe également. Les Alpes Mancelles commencent à accueillir les touristes. Au Mans, les bains Boulay proposent de se baigner dans la rivière. Les plages apparaissent comme à Noyen par exemple. A Fillé, le moulin devient une zone attractive.

La plage de Fresnay sur Sarthe

La plage de Fresnay sur Sarthe

La plage de Noyen sur Sarthe

La plage de Noyen sur Sarthe

L'hôtel pour touristes à Saint Léonard des Bois

L'hôtel pour touristes à Saint Léonard des Bois

L'hôtel pour touristes à Saint Léonard des Bois

L'hôtel pour touristes à Saint Léonard des Bois

La Sarthe à Moulins le Carbonnel

La Sarthe à Moulins le Carbonnel

La Sarthe à Sougé le Ganelon

La Sarthe à Sougé le Ganelon

La Sarthe à Saint Aubin de Locquenay

La Sarthe à Saint Aubin de Locquenay

La Sarthe à Vivoin

La Sarthe à Vivoin

La Sarthe à Saint Marceau

La Sarthe à Saint Marceau

La Sarthe à Teillé

La Sarthe à Teillé

La Sarthe à Montbizot

La Sarthe à Montbizot

La Sarthe à Sainte Jamme sur Sarthe

La Sarthe à Sainte Jamme sur Sarthe

La Sarthe à Chemiré le Gaudin

La Sarthe à Chemiré le Gaudin

La Sarthe à Fercé sur Sarthe

La Sarthe à Fercé sur Sarthe

La Sarthe à Dureil

La Sarthe à Dureil

La Sarthe à Avoise

La Sarthe à Avoise

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25 avril 2024 4 25 /04 /avril /2024 12:49

La tradition populaire locale veut que Gilles de Rais ait résidé à La Suze. On appelle d’ailleurs le château de La Suze « château de Barbe Bleue » ; la tradition dit également que des crânes et des instruments de torture y auraient été découverts. Qu’en est-il réellement ?

Carte postale ancienne

Carte postale ancienne

Voyons d’abord qui était Gilles de Rais. Né en 1404 ou 1405 de Guy II de Laval et de Marie de Craon, il devient orphelin à dix ans et est élevé avec son frère René par son grand-père, Jean de Craon, seigneur de La Suze. Il se dit d’ailleurs que c’est l’éducation malsaine inculquée par ce grand-père à ses petits-fils qui aurait joué sur le comportement de Gilles.

Portrait imaginaire peint par Eloi Firmin Féron en 1834

Portrait imaginaire peint par Eloi Firmin Féron en 1834

En 1422, il épouse Catherine de Thouars, sa cousine. Puis il participe activement à la guerre de Cent-Ans en combattant les Anglais aux côtés de Jeanne d’Arc. Après la mort de celle-ci en 1431, Gilles de Rais se retire sur ses terres. Très vite il s’endette pour assouvir ses goûts mégalomaniaques et se renferme sur lui-même. Il mène diverses actions pour récupérer certains de ses biens. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il s’attire les foudres du clergé en n’hésitant pas à entrer dans les églises les armes à la main et en menaçant les curés. C’est à la suite de l’enquête de 1440 par l’évêque de Nantes sur ce sacrilège qu’apparaissent les premiers témoignages sur les actes commis par Gilles de Rais.

Témoignage recueilli lors du procès

Témoignage recueilli lors du procès

Témoignage recueilli lors du procès

Témoignage recueilli lors du procès

On l’accuse d’avoir fait disparaître une centaine d’enfants et d’adolescents, mais aussi de pratiquer la magie et de pactiser avec le diable. Il est arrêté le 15 septembre 1440, jugé en procès ecclésiastique entre les 8 et 25 octobre 1440. Le 26 octobre, il est exécuté avec certains de ses complices.

Exécution de Gilles de Rais (source BNF)

Exécution de Gilles de Rais (source BNF)

Pour comprendre le comportement de Gilles de Rais, on peut lire l’article de Nicolas Brémaud, Les crimes de Gilles de Rais. Le sadisme dans la psychose, L’en-je lacanien, 2007 (https://www.cairn.info/revue-l-en-je-lacanien-2007-1-page-53.htm)

L’ouvrage, certes ancien (1886), de l’abbé Eugène Bossard, Gilles de Rais, maréchal de France dit Barbe-Bleue, est consultable en ligne : https://fr.m.wikisource.org/wiki/Gilles_de_Rais_dit_Barbe-Bleue

D’où vient cette tradition sur la présence de Gilles de Rais à La Suze ?

Tout d’abord, nous l’avons vu, les seigneurs de La Suze sont de la même famille que celle de Gilles de Rais. En 1432, Jean de Craon meurt. Il était seigneur de La Suze ; la seigneurie passe alors à René de Rais, frère de Gilles. On dit parfois que Gilles eut une partie de la seigneurie de La Suze, mais nous n’en avons pas trouvé de preuves.

Il est vrai cependant que Gilles de Rais est passé en notre région lors de la guerre de Cent-Ans. Ainsi il fait le siège de diverses garnisons au Lude ou encore à Malicorne, sans doute en 1427.

 

Le deuxième point est la clé de l’énigme. Selon les pièces du dossier du procès de Gilles de Rais, il existe un hôtel de La Suze appartenant à Jean de Craon puis légué Gilles  en 1432 et dans lequel furent trouvés des ossements humains. Mais cet hôtel particulier se situe à Nantes, paroisse Notre-Dame. C’était un bâtiment richement décoré qui n’était pas sans faire de l’ombre au château des ducs de Bretagne. On y trouvait également une riche chapelle dotée d’une vingtaine de clercs. En 1495, la duchesse Anne de Bretagne en fit le siège de la Chambre des Comptes ; mais il ne servira jamais à cet effet et restera à l’abandon. Il ne sera vendu qu’en 1543 à la famille Le Frère puis de la Tuillaye (voir l’article de Héloïse Ménard paru en 2001 : https://journals.openedition.org/abpo/1690?file=1).

C’est au 19ème siècle que semble s’établir la confusion entre La Suze (72) et l’hôtel de La Suze à Nantes. On trouvera ainsi cette explication dans la célèbre « Histoire de France » de Jules Michelet publiée en 1841, ouvrage dans lequel il signale la présence d’ossements au château de La Suze. Il n’en fallait pas plus pour que certains comprennent qu’il s’agissait du château de La Suze dans le département de la Sarthe.

 

Le temps, la légende, les confusions et la vox populi ont fait un amalgame dont s’est emparée la ville de La Suze en Sarthe.

On peut lire sur plusieurs sites Internet, mais également dans divers articles, cette histoire des restes humains découverts au château de La Suze (72). On sait maintenant que ce n’est qu’une légende issue d’une mauvaise lecture des documents.

Carte postale ancienne

Carte postale ancienne

Voici une liste d'extraits de documents qui permet de visualiser la confusion entre l'hôtel de La Suze à Nantes et La Suze (72) :


 

Avant 1440, Archives Départementales de la Loire-Atlantique

Vente par Gilles de Retz au chapitre de Notre-Dame, de Nantes, d'une rente de 40 livres à prendre sur l'hôtel de la Suze, pour 424 écus

 

1768, Expilly, Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, Volume 5, p.33

Le palais de la cour-souveraine de la chambre des comptes de Bretagne. Après diverses variations, cette cour fut fixée à Nantes, dans la maison de Montfort, autrement dite de la Suze, qui avoit été confisquée au profit du duc François II par l'arrêt rendu le 25 octobre 1440 contre le maréchal Gilles de Retz, st dont ce dernier avoit hérité, quelques années auparavant par le décès de son oncle, le sire de la Suze.

 

1825, Le Lycée Armoricain, Cinquième volume, p. 610

Suivez-moi maintenant dans la rue Notre-Dame, et visitons l’hôtel de La Suze. Quoi ! vous ne frémissez pas ? Songez-donc que ce fut la demeure de ce fameux Gilles de Retz, de ce grand coupable, qui, sous le nom de Barbe-Bleue, vous a tant fait trembler dans votre enfance.


 

1841, Jules Michelet, Histoire de France jusqu’au XVIème siècle, Nouvelle Edition, Tome 5, p. 211

On trouva dans la tour de Chantocé une pleine tonne d’ossements calcinés, des os d’enfants en tel nombre qu’on présuma qu’il pouvait y en avoir une quarantaine. On en trouva également dans les latrines du château de La Suze, dans d’autres lieux, partout où il avait passé. Partout il fallait qu’il tuât … On porte à cent quarante le nombre d’enfants qu’avait égorgés la bête d’extermination.

Gilles de Rais et le château de "Barbe-Bleue" à La Suze (72)

1844, La Bretagne ancienne et moderne, p. 481

On trouva dans les souterrains de Tiffauges, dans la tour de Chantocé, dans les latrines du château de la Suze, les cadavres ou les squelettes de cent quarante enfants massacrés et flétris

 

1844, Aristide Mathieu Guilbert Histoire des Villes de France, p. 267

Ses châteaux de Machecoul, de Tiffauges, son hôtel de La Suze, à Nantes, étaient devenus d’infernales officines dont personne n’osait s’approcher …

 

1846, Leitch Ritchie, The magician, The parlour Novelist, p. 278

My lord” said Andrew, who could no longer whitold, “after taking your instructions regarding certain bales, furnished by Jacquin Houpelande, the arrival of which at the Hôtel de La Suze I am come to announce, the young man, if so please you, can proceed to Nantes with me”. Gilles de retz stood all this while glaring at the scholar, with a mixture of surprise and indignation in his feelings to which he thought it beneath his dignity to give vent.

 

1846, Antoine Eugene de Genoude, Histoire de France, Tome X,  p. 33

On trouva dans la tour de Chantocé une pleine tonne d’ossements calcinés, des os d’enfants en tel nombre qu’on présuma qu’il pouvait y en avoir une quarantaine. On en trouva également dans les latrines du château de La Suze, dans d’autres lieux, partout où il avait passé. Partout il fallait qu’il tuât … On porte à cent quarante le nombre d’enfants qu’avait égorgés la bête d’extermination.


 

 

1853, Pierre Dufour, Histoire de la prostitution chez tous les peuples du Monde, p. 325

On trouva , dans les souterrains de Chantocé, de La Suze, d’Ingrandes, etc. les ossements calcinés et les cendres des enfants que le maréchal de Retz avait assassinés, après avoir abusé d’eux.

 

1854, Stendhal, Mémoire d’un touriste, p. 336

Ces sacrifices humains avaient eu lieu dans les châteaux de Machecoul, de Chantocé, de Tiffauges, appartenant au maréchal ; dans son hôtel de La Suze à Nantes, et dans la plupart des villes où il promenait sa cour.

 

1855, Victor Adolfe Malte-Brun, Auguste-Henri Dufour, La France illustrée: geographie, histoire, administration et statistique, p. ?

On en trouva également dans les latrines du château de la Suze, dans d'autres lieux, partout où il avait passé. Partout il fallait qu'il

 

1857, Henri Martin, Histoire de France, Tome VI, Quatrième Edition, p. 397

On trouva les ossements de cent quarante enfants dans les tours et dans les puits de Chantocé, de La Suze et dans d’autres châteaux du maréchal de Retz.

 

1858, Revue Archéologique, p. 731

On trouva dans les souterrains de Tiffauges, dans les châteaux de Machecoul, de Chantocé, de la Suze, les cadavres ou les squelettes de cent quarante enfants, massacrés après avoir été honteusement flétris

 

1861, Jules Michelet, Histoire de France, Nouvelle Édition, Tome 5, p. 196-197

On trouva dans la tour de Chantocé une pleine tonne d’ossements calcinés, des os d’enfants en tel nombre qu’on présuma qu’il pouvait y en avoir une quarantaine. On en trouva également dans les latrines du château de La Suze, dans d’autres lieux, partout où il avait passé. Partout il fallait qu’il tuât … On porte à cent quarante le nombre d’enfants qu’avait égorgés la bête d’extermination.

Carte postale ancienne

Carte postale ancienne

1862, Bulletin de la Société Archéologique de Nantes, Tome second, p. 224

C’est aussi le 30 mai suivant [1434] que le chapitre de N.-D. acquit de Gilles de Rays, chevalier, seigneur de Rays et de Pouzauges, maréchal de France, quarante livres de rente sur la maison de La Suze, paroisse de N.-D et de Saint-Vincent, pour la somme de cent vingt-quatre écus d’or, en paiement desquels furent comptés deux cent quarante-trois écus d’or vieux et de bon poids, pesant ensemble trois marcs six onces et demi d’or, et deux cent vingt-cinq livres monnaie courante.

 

1881, Paul Le Coustour, Ballades et légendes Bretonnes: accompagnées de notices historique, p. 243

dans les latrines du château de la Suze (Sarthe), les cadavres ou les squelettes de cent quarante enfants massacrés et flétris

 

1886, Eugène Bossard, Gilles de Rais, maréchal de France: dit Barbe-Bleue (1404-1440), p. 211

On trouva dans les souterrains de Tiffauges, dans la tour de Chantocé, dans les latrines de La Suze, les cadavres ou les squelettes de cent quarante enfants, massacrés ou flétris.

 

1886, Revue de l’Anjou, p. 31

Sur les bords de l'Erdre, à Nantes, on montre encore une maison qu'on appelle le château de Barbe-Bleue. C'est l'emplacement de son ancien hôtel de la Suze.

 

1908, Bulletins et mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, p. 490

Quand Gilles de Rais fut condamné par la Religion catholique, comme pour sa compagne Jeanne d'Arc , il se fit autour de son nom des Légendes ...
On en trouva également dans les latrines du château de la Suze, à Nantes, à Rais, à Tiffauges, à Machecoul, partout où Gilles de Rais avait passé. On évalue à 149 les enfants égorgés, sans compter un nombre illimité de femmes, dont cent,

 

Carte postale ancienne

Carte postale ancienne


 

1908, Francesco Protonotari, Nuova antologia, p. 676

Egli si chiamava Gilles de Retz, della casa di Lavai, della stirpe dei duchi ...  il suo palazzo de la Suze, a Nantes, superava di molto, per il suo fasto

 

1911, Ernest Lavisse, Histoire de France illustrée depuis les origines jusqu'à la révolution, p. 183

Au moins cent quarante enfants des deux sexes furent ainsi introduits dans les  châteaux de Tiffauges, de Machecoul, de la Suze,

 

1994, Michèle Brocard, Catherine Marçais, Anne de Chypre, duchesse de Savoie 1418-1462, p. 122

A Champtocé fut trouvée une quantité prodigieuse d’ossements calcinés, l’équivalent de quarante enfants. D’autres débris gisaient également dans les latrines du château de La Suze.

Sceau de Gilles de Rais (source AD44)

Sceau de Gilles de Rais (source AD44)

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26 février 2024 1 26 /02 /février /2024 18:53

Le même jour [21] de juillet 1592, maître François Champion lui vivant
Lieutenant de La Flèche a été inhumé dans l’église de céans
Présents Jacques Mallemouche, Maurice Desforges et plusieurs autres
Et a été amené mort de la ville du Mans

Le 2ème jour dudit mois et an susdit [janvier 1593] mourut noble
Pierre de Hardy sieur du Bois de Saint Perre et fut ensépulturé
Dans l’église de ladite Suze présents Monsieur le Marquis et autres

L'église de La Suze sur Sarthe

L'église de La Suze sur Sarthe

Le 20ème jour de juin 1593 mourut et fut
Inhumé dans le grand cimetière de ladite Suze Denis Hervé lequel
Etait de la paroisse de Fercé s’étant venu réfugier à ladite Suze
Et ne peut on le porter inhumer audit Fercé pour le trouble
Des gens d’armes, présents Jacques Mallemouche et autres

Le 29ème jour de juin audit an que dessus [1593] mourut et fut
Inhumée dans le grand cimetière de La Suze Anne Bousseau
Femme de Marin Loriot demeurant en la paroisse de Chemiré le Gaudin
Et étant réfugiés a ladite Suze à cause des Anglais qui étaient
Logés à Vallon, Maigné et Chemiré et autres paroisses circonvoisines

Les guerres de religion dans la région mancelle ont commencé en 1561 par l’assassinat du protestant Jacques Bouju. En 1562, les protestants pillent le mobilier liturgique de la cathédrale du Mans. La mort du roi de France Henri III (1589) et l’arrivée au pouvoir d’Henri IV troublent les esprits.
L’opposition grandit entre les « royaux » (favorables à Henri IV qui n’abjurera le protestantisme qu’en 1593) et les « ligueurs » (les partisans du catholicisme regroupés derrière le duc de Guise, puis derrière Charles de Lorraine, duc de Mayenne).
Le début des années 1590 est marqué par une intense activité des Ligueurs dans le Maine. Ils s’opposent aux armées du prince de Conti dans lesquelles sont des soldats Anglais et Allemands. Il faut attendre l’Édit de Nantes en 1598 pour voir le calme revenir.

Extrait des registres paroissiaux de La Suze (AD72)

Extrait des registres paroissiaux de La Suze (AD72)

Jeanne Buin mourut et fut inhumée dans l’église
A cause que l’on ne pouvait ouvrir le Grand Cimetière
Pour les gelées le vingt troisième jour de décembre
Audit an [1594], présents Mathurin Vallin et Jean Belin

Hélaine Esnault femme de maître Louis Regnard greffier au siège du
Comté de La Suze mourut à onze heures du soir le seizième jour
De mai mil cinq cent quatre vingt seize et fut inhumée dans
Le grand cimetière dudit La Suze le dix septième jour desdits mois et
An que dessus en présence de maître Simon Allix, Guillaume Bellanger,
Jean Pivron, Pierre Esnault et plusieurs autres.


Marin Gaupuceau fut inhumé et ensépulturé au grand cimetière
De La Suze et fut avec la permission et assentiment de la
Justice de cette ville de La Suze d’autant qu’il avait été
Exécuté pour ses fautes le quatrième jour de juin 1597.

Le gibet de La Suze sur la carte de Cassini (1765)

Le gibet de La Suze sur la carte de Cassini (1765)

Jeanne Grassin fille de Guillaume Grassin fut semblablement inhumée derrière l’église
De La Suze, laquelle avait été étranglée par les loups le 24
Octobre 1600.

Maître Jacques Boyton prêtre dit et célébra
Sa première messe dedans l’église de La
Suze la 21ème jour du mois de mai 1602 en
Présence de vénérables et discrets maîtres
Pierre Basourdy prêtre curé dudit lieu,
Michel Huard, Jacques Bruneau prêtres,
Et de Jean Boyton père dudit maître Jacques
Boyton, Joachim Belin, maître Mathieu
Veau, Gaspard Pivron, Michel Boyton
Et plusieurs autres en grand nombre.

Inscription funéraire dans l'église de La Suze

Inscription funéraire dans l'église de La Suze

Maître François Roullin prêtre curé de La Suze fut inhumé
Et ensépulturé le même jour 12 mai audit an [1602]

Maître Jean Corvaisier en son vivant lieutenant du comté
De La Suze fut inhumé et ensépulturé dedans
L’église dudit lieu par Monsieur le curé susdit le ?
De mai an susdit [1604] en présence de maître Mathieu Veau
Et maître Simon Allix et plusieurs autres

Le jeudi 26 février 1615 sur le soleil couchant
Maître Jean Berault prêtre sacriste de cette église
Alla de vie à trépas et son corps fut ensépulturé
En l’église le lendemain 27ème au matin par maître
Pierre Bassourdy curé dudit lieu en présence de maître
Michel Huard, François Miret, René Leporcher,
François Frenauts prêtres et plusieurs autres. Il était
Confrère de la confrérie du Saint Sacrement.

Le 15ème dudit mois et an [janvier 1616] fut ensépulturé le
Corps de défunt René Grignard en son vivant de
La paroisse de Noyen, lequel étant réfugié
En cette paroisse à cause de la guerre et fut inhumé
Au grand cimetière par maître Michel Huard.

Le 29ème dudit mois et an [janvier 1616] que dessus fut ensépulturé le corps de défunte
Françoise Belot femme de défunt Gilles Bruneau et fut
Ensépulturée devant la grande porte de cette église
A cause des gens d’armes qui étaient en cette ville, elle
Etait de la paroisse de Noyen et s’était réfugiée
Ici à cause des gens d’armes.

Implantation de l'église de La Suze sur le cadastre de 1810

Implantation de l'église de La Suze sur le cadastre de 1810

Le 5ème jour susdit mois [février 1616] fut inhumé le corps de défunt
Jacques Malmouche secrétain de céans au grand
Cimetière

Le 18ème février 1616 a été ensépulturé le corps de
Défunt Etienne Mauboussin de la paroisse de Roezé
Lequel est mort à La Suze qui était réfugié à cause
Des gens d’armes et son corps a été inhumé au grand
Cimetière par moi curé de ce lieu


En 1610, Henri IV est assassiné. Son fils Louis est mineur ; la régence est alors assurée par Marie de Médicis. En 1613, Louis XIII devient majeur mais Marie de Médicis garde le pouvoir. Certains grands du royaume, regroupés derrière Condé, se révoltent.
En décembre 1615, les troupes du duc de Vendôme (fils d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées) menacent d’attaquer Le Mans ; en janvier 1616, la ville accepte de verser la somme de 12000 livres pour le ravitaillement des troupes du duc.


Le huitième jour de décembre [1616] jour de la conception
De Notre Dame fut inhumé en la chapelle du grand
Cimetière le corps de défunt Marguerit Lerouye
En son vivant serviteur de monsieur de
Lyvory habitants de
La Ferté Bernard, et a été données quatre livres pour
Ayder à construire ladite chapelle

Le grand cimetière de La Suze sur la route du Mans (cadastre 1810)

Le grand cimetière de La Suze sur la route du Mans (cadastre 1810)

Le 20ème jour de décembre audit an [1616] fut inhumé le
Corps de défunt maître Mathieu Veau en la ville de
Ravigny (?) en Champagne faisant le voyage
Au service de messire le comte de La Suze
Se demeur(ant) à Sedan ou estoit lors led(it) seig(neu)r ledit
Veau tomba malade en ladite ville et y décéda


 

Les de Champagne obtiennent La Suze à la fin du XVème siècle avec Brandélis de Champagne par sa cousine Anne de Champagne, épouse de René de Laval et donc belle-sœur de Gilles de Rais. La famille de Champagne occupe alors une place importante dans le royaume de France, contrôlant de très nombreuses terres, et accédant à des postes importants. Ainsi Baudouin de Champagne devient chambellan de Louis XII puis de François Ier. Puis ce dernier l’envoie traiter avec le Saint Empire de Charles Quint. Son fils Nicolas de Champagne adopte le protestantisme et meurt à la bataille de Saint Denis en 1567. Louis Ier, fils du précédent, poursuit l’engagement familial auprès du Roi de France et termine sa vie âgé d’une trentaine d’années sur le champ de bataille à Coutras. Son fils, Louis II de Champagne, est celui évoqué dans l’acte paroissial ci-dessus. Sa carrière militaire est également bien remplie, en particulier vers les frontières Est du Royaume de France ; il meurt en 1636 et fut inhumé à Berne où on éleva à sa mémoire un mausolée.

Portrait de Louis de Champagne

Portrait de Louis de Champagne

Le vingt et deuxième jour du mois d’avril [1631] fut ensépulturé dans
Le cimetière de La Suze un pauvre homme appelé Rivière

La femme de Julian Leguicheux décéda
Dans le mois d’octobre an [1639] que dessus laquelle
Fut inhumée dans le grand cimetière de céans
Par le curé dudit lieu et peu de temps après
Furent inhumés dans ledit grand cimetière deux
De ses enfants par maître Jean Sauquere
Vicaire dudit La Suze

Le premier jour d’août an que dessus [1640] décéda
Vénérable et discret maître Pierre Bassourdy
Vivant curé de cette ville lequel fut
Inhumé en l’église de Roezé par discret maître
Jacques Bassourdy son neveu à présent curé
De cette dite ville

Inscription funéraire dans l'église de La Suze

Inscription funéraire dans l'église de La Suze

Jean Bodereau meunier de cette ville décéda
Le vingt septième de mai an [1641] comme dessus
Lequel fut inhumé le même jour dans le grand
Cimetière de cette ville par monsieur notre curé

Le moulin de La Suze sur un dessin de 1695

Le moulin de La Suze sur un dessin de 1695

Renée Coiffé veuve messire François Belin vivant sieur
De la Touchettière décéda en la ville du Mans le
Dix huitième jour desdits mois et an [novembre 1642] comme dessus, le corps
De laquelle fut apporté en cette ville le même jour
Mis en repos dans l’église jusqu’au lendemain auquel jour il
Fut ensépulturé dans le grand cimetière par discret
Maître Jacques Bassourdy curé de cette ville.

Guillemine Faifeu veuve Michel Davy décéda
Le second jour des mois et an [mars 1643] comme dessus, le corps de laquelle
Fut inhumé dans la chapelle du grand cimetière de
Cette ville par vénérable et discret maître Jacques
Bassourdy curé de cette ville.

Pierre Moreau épousa Anne Grassin en la chapelle de Notre Dame
Des Bois le samedi 26 aout 1645

Notre Dame des Bois - intérieur de la chapelle au début du XXè siècle

Notre Dame des Bois - intérieur de la chapelle au début du XXè siècle

Notre Dame des Bois

Notre Dame des Bois

Vénérable et discret maître Robert Roussel prêtre
Décéda le seizième jour de février [1646] dans le presbytère
De Crosmière pays d’Anjou, le corps duquel fut
Apporté le jour suivant en cette ville, lequel fut le
Lendemain dix huitième ensépulturé dans cette église par
Maître Jean Sauquere prêtre vicaire avec très grande
Affluence du peuple.

Premier maître Louis Piveron notaire royal mourut le
Quinzième jour de janvier [1647], le corps duquel fut inhumé dans
Le grand cimetière de céans par monsieur le curé de Saint
Nicolas de la ville du Mans.

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1 novembre 2023 3 01 /11 /novembre /2023 14:30

Longtemps oublié, l’édifice de la Perrière à Voivres-Lès-Le Mans a été redécouvert il y a quelques années1 ; c’est aujourd’hui une une ferme. Adossé au plateau de Louplande, il domine la vallée de l’Orne Champenoise, ancien lit de la Sarthe, où passait un cheminement ancien. Aujourd’hui, c’est la route reliant Le Mans à La Suze qui passe à cet endroit.

Cet espace géographique est occupé depuis la Préhistoire puisqu’on y a découvert des outils que l’on peut rattacher à l’époque néandertalienne. Par la suite, une villa romaine est implantée. Au Moyen-Age, le bourg de Saint-Léonard devient le siège d’une importante seigneurie dont le personnage le plus connu est sans doute Guillaume des Roches.

1 BOUTON Philippe,  Le logis de la Perrière à Voivres lès Le Mans, Bulletin de la Société d’Agriculture Sciences et Arts de La Sarthe, 1996, p.3-14

 

 

Carte de Cassini (1765)

Carte de Cassini (1765)

UN BÂTIMENT AU PLAN SIMPLE

Un grand rectangle de 16,50 m. sur 8,90 m., voilà à quoi pourrait se résumer le bâtiment de la Perrière. Une sorte de longère améliorée à laquelle on aurait adjoint deux constructions agricoles de part et d’autre. L’entrée se fait par une haute façade en roussard soutenue par trois contreforts et orientée au sud-est. Une fois passée la porte ogivale chanfreinée, on pénètre dans une grande salle éclairée par quatre fenêtres. C’est du moins la première approche que l’on peut avoir du bâtiment.

Façade sud de la Perrière

Façade sud de la Perrière

L'IMPORTANCE DES DÉCORS

Devant cette imposante façade, on devine tout de suite que ce bâtiment n’est pas ordinaire malgré sa rusticité. On a joué avec les décors, modestes certes, mais voulus. Au dessus de la porte d’entrée, entre l’arc ogival et l’arc de décharge tous deux en roussard, on a inclus un arc de pierres en calcaire. Au sommet du pignon, une fenêtre à remplage géminé surmonté d’un oculus trifolié assure l’éclairage mais montre aussi l’importance du lieu. Cette ouverture ouvragée rappelle fortement une autre fenêtre de ce type visible à Asnières-sur-Vègre (72).

Le logis médiéval de la Perrière à Voivres Lès Le Mans (Sarthe)
La Perrière (Voivres-Lès-Le Mans)

La Perrière (Voivres-Lès-Le Mans)

Asnières-sur-Vègre (Sarthe)

Asnières-sur-Vègre (Sarthe)

En entrant dans la grande salle, la cheminée placée sur le mur ouest, et montant à plus de 6 m. de hauteur, devait marquer le visiteur. Son contrecœur est d’ailleurs décoré de pierres en calcaire alternant des lits horizontaux et des lits en arrêtes de poisson.

Une grande et haute fenêtre à coussièges, preuve d’une certaine aisance, perce le mur sud. Malheureusement la partie haute de cette ouverture a été détruite pour permettre un meilleur accès pour l’activité agricole. En face, sur le pignon nord, la grande fenêtre du haut est composée d’une alternance de pierres de roussard et de calcaire, alors que sur la partie extérieure seul le roussard a été utilisé.

La Perrière (Voivres-Lès-Le Mans)

La Perrière (Voivres-Lès-Le Mans)

La Perrière (Voivres-Lès-Le Mans)

La Perrière (Voivres-Lès-Le Mans)

La Perrière (Voivres-Lès-Le Mans)

La Perrière (Voivres-Lès-Le Mans)

La Perrière (Voivres-Lès-Le Mans)

La Perrière (Voivres-Lès-Le Mans)

UN ÉDIFICE PLUS COMPLEXE QU'IL N'Y PARAIT

Cela semble évident, cette grande salle servait aux réceptions. C’est donc qu’il existait d’autres pièces. Effectivement, une porte sur le mur ouest ouvre aujourd’hui sur une étable. Arrivé dans cette pièce, on voit sur le mur deux piédroits en roussard correspondant à une cheminée adossée à celle de la grande pièce. D’ailleurs en haut le conduit est commun.

 

Pareillement, au fond de la grande pièce sur le mur Est, une porte correspondant aujourd’hui à l’accès de la cave, ouvrait sur une troisième pièce. Dans cette pièce, on voit encore les restes d’une autre cheminée. C’est également de ce côté que se trouve le puits laissant à penser que l’on pourrait être du côté des cuisines.

De même deux rangées de corbeaux en crochet sur les façades avant et arrière montrent qu’il y avait sur les pignons des auvents. On peut justement imaginer sur la façade sud, c’est à dire celle par où on accède à la grande salle de réception, une structure de type large perron ou estrade protégée par une avancée charpentée.

La Perrière (Voivres-Lès-Le Mans)

La Perrière (Voivres-Lès-Le Mans)

La Perrière (Voivres-Lès-Le Mans)

La Perrière (Voivres-Lès-Le Mans)

DE QUEL TYPE DE BÂTIMENT S'AGIT-IL ?

Pour certains, cet édifice était une chapelle. Ils étaient influencés par la haute fenêtre sud qui évoque l’architecture des constructions religieuses. Mais ni l’orientation, et encore moins la cheminée ne favorisent cette idée.

Pour d’autres, nous serions en présence d’une grange. Là encore, la cheminée tord le cou à cette hypothèse.

On parle aussi d’une maladrerie mais les documents des différentes époques ne parlent jamais d’une présence religieuse sur le site de la Perrière.

Reste donc la solution de l’habitat, mais un habitat pour qui ?

 

Toujours est-il qu’au XVIIIème siècle, l’édifice est à usage agricole comme le montrent les visites et montrées faites sur le lieu de la Perrière.

1790 : « Sont comparus le s(ieu)r Marin Joubert m(archan)d fermier du lieu de la métairie de la Perrière p(aroi)sse de Voivres de laquelle il est sorty du jour de St Marc dernier lad(ite) métairie apartenante à mons(ieu)r le Marquis d’Aux+, d’une part +dem(euran)t p(aroi)sse de Moncé en Belin Et François Cosnilleau lab(oureu)r fermier actuel d’icelle métairie dans laquelle il a entré led(it) jour de St Marc dernier d’autre part,

Que le ventail de la porte de la grange est garny de pentes et gonds et se ferme de clef et celuy d’entre lad(ite) grange et l’écurie se ferme avec un verrouil seulement, l’aire de lad(ite) grange est en état mais il n’y a point de seuil à la porte, sy trouve une fenestre sans ventail ny aparance dy en avoir eû, Qu’à la porte de l’étable aux bœufs il se trouve deux ventaux de porte garnis de pentes et se ferment avec un valet de fert un loquet poussier et une serrure avec sa clef, les creiches sont construites de vieux bouts de charpentes sans rateliers, le sinas est construit de onze soliveaux de vieilles charpentes et de sept morceaux du bois rond et enfoncés de quelques rameaux pour le soutien des fourages les murs sont en état ainsy que l’aire ; le ventail de la porte d’entre lad(ite) étable et la grange se ferme avec un verrouil lequel est attaché à une vieille plaque de serrure pour mémoire »

DES TEXTES RARES MAIS PRÉCIEUX

Des actes notariés des 17ème et 18ème siècles nous précisent qu’à cette époque la Perrière est une métairie appartenant aux seigneurs de Villaines à Louplande. L’édifice qui nous intéresse est qualifié de grange, fonction qu’il remplissait encore il y a quelques années. Vu le volume qu’il représente, on comprend aisément que telle fut sa fonction pendant de nombreux siècles. Mais la cheminée et les décors montrent bien que ce n’était pas sa vocation originelle.

Une deuxième catégorie de documents apporte des éléments intéressants. Ils appartiennent au cartulaire de Château du Loir[2]. Quel lien y a t-il entre Château du Loir et Voivres ? Il se trouve simplement qu’à un certain moment du moyen age, les seigneuries de Château du Loir et La Suze (ainsi que Louplande) appartiennent à la même famille.

Plusieurs textes de ce cartulaire citent le toponyme « Perrière » mais sans jamais préciser sur quelle paroisse ! Il y est question entre le 12ème et le milieu du 13ème de vassaux des seigneurs de Louplande nommés Guérin et Raoul de la Perrière. Le 29 avril 1288 Béatrix « comtesse de Dreux et de Montfort, dame de Château du Loir », baille à Jean Le Bordier l’hébergement de la Borderie à Roezé. Dans ce texte, la Borderie est dite voisine de la métairie de Guérin de la Perrière. Or, 800 mètres séparent les deux lieux.

29 avril 1288 – Contrat par lequel Béatrix de Monfort baille à Jean Le Bordier, paroissien de Roezé, l’hébergement de la Borderie, en la châtellenie de La Suze.

 

Sçachent tous presens et advenir que en nostre présence en dreit establi, Jehan Le Bordier, de la paroisse de Roezé, requenut et confessa que noble dame Béatrix, comtesse de Dreux et de Montfort, dame dou Chatiau dou Leir, li a baillié a tousjourmes et que il a prins et grantement reeu a soy et a ses heirs de ladicte comtesse, pour ung muy de seigle, a la mesure de La Suze, de anuel et perpetuel rente, le hebergement de la Borderie, si comme il se poursiet, et toutes les terres, tous les prés, toutes les pastures, tous les arbres, tous les fossez et toutes les haies appatenans audict hebergement, lequel hebergement, o toutes les appartenances devantdictes, est assis en la chastellerie de Lassuze, ez fiez à ladicte comtesse, entre la métoierie Guarin de la Perrière et la métoierie au prieur d’Oezé, en ladicte parroisse, sus l’eve que l’en appelle l’Orne si com l’en dit ; lequel blé de rente à ladicte mesure, de autressi bon blé et d’autressi bel come le meillour et le plus bel qui ou temps de checune souste seroit treuvé amendre et vendre ou pais à dous deniers manseis delasche de chacun septier, ledict Jehan promet, pour soy et pour ses hoirs, et est tenu rendre à ladicte comtesse et à ses heirs, ou chastel de Lassuse, au jour de la Toussains chacun an doresnavant, et est tenu rendre et restorer tous cous et tous dommages à ladicte comtesse et à ses heirs, se aucuns en soustenoient par defaute d’aucune souste doudict bled. Desquiex cous et dommages le baillif dou Chatiau dou Leir qui seroit au temps seroit creu tout a son plein dict sans autre preuve. Et a rendre ledict blé audict terme chacun an et les cous et les dommages, si comme dessus est dict et devisé, oblige ledict Jehan à ladicte comtesse et à ses heirs et à lor allouez sey ou ses heirs et à tous ses biens meubles et immeubles présens et avenir à prendre et à vendre. Et est tenu ledict Jehan, par la foy de son corps, que contre lesdictes chouses ne vendre, renunciant en cet faict à toute exception de fraude et de décevance et à toutes autres resons et allégations de faict et de dreit qui li porroient valoir à venir contre la tenor de cestes présentes lettres.

Et nous toutes lesdictes chouses, à la requeste doudict Jehan, sentenciaument adjugeons à tenir et entérigner par le jugement de nostre court dou Mans.

Ce fut donné le jour de joedy après le Sainct Marc l’Evangéliste, en l’an de grâce mil dous cens quatre vingt et oict.

 

Cartulaire de Château du Loir

 

OÙ L'ON AVANCE L’HYPOTHÈSE D'UN PETIT HABITAT SEIGNEURIAL

Nous serions en présence d’un rare vestige d’habitat seigneurial des 13ème et 14ème siècles du type manoir-halle. La puissance n’apparaît plus dans l’importance d’une fortification mais par une construction, certes toujours imposante, où apparaissent de nouveaux éléments tel que les décors. Le bâtiment de la Perrière pourrait être une forme primitive des manoirs qui vont se répandre après la guerre de Cent Ans. 

Il existe en Sarthe d’autres bâtiments laïcs de cette époque : Chenu, Fontenay-sur-Vègre, Les Mées, Saint-Marceau, Saint-Rémy-du-Val, Souligné-Flacé, Vezot, Vivoin, etc.

 

A noter que l’édifice a pu servir au XVIème de temple protestant ; c’est du moins ce que laisse entendre une montrée de 1740. Il faut sans doute appuyer cette idée sur le fait que Nicolas de Champagne, comte de La Suze, mort en 1567, était membre du consistoire du Mans.

Le logis médiéval de la Perrière à Voivres Lès Le Mans (Sarthe)
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7 septembre 2022 3 07 /09 /septembre /2022 14:56

Des prospections archéologiques menées dans une parcelle de la commune de La Suze-sur-Sarthe ont livré des vestiges d'époque romaine. On trouve évidement ces fameuses tuiles à rebord (dites tegulae) caractéristiques d'un habitat romain. Accompagnent ces tuiles, de la céramique (céramique commune bleutée de type La Bosse, céramique sigillée, anse d'amphore, etc.), des fragments de verre dont du verre à vitre, des morceaux d'enduit peint rouge, des morceaux de scories (métallurgie mais sans doute autre activité artisanale), une monnaie (illisible), un palet en terre cuite, une dalle de calcaire (pavage ?), etc.

Palet (?), bouchon (?)

Palet (?), bouchon (?)

Verre à vitre

Verre à vitre

Mortier

Mortier

Couvercle

Couvercle

Céramique commune

Céramique commune

Enduit peint

Enduit peint

Dallage

Dallage

Tuile à rebord

Tuile à rebord

Céramique sigillée

Céramique sigillée

A priori, c'est le premier site archéologique romain découvert sur cette commune puisque la Carte Archéologique de la Gaule 72 ne signale que quelques monnaies romaines découvertes à La Suze mais sans autre précision. D’autres indices permettent de confirmer l’hypothèse de la présence d’une villa romaine. Ce n’est pas la seule dans ce secteur à l’ouest du Mans : sans doute la Tétardière à Chemiré-le-Gaudin, une ou deux autres à Souligné-Flacé, une à Voivres, une autre encore à Vallon-sur-Gée. Et on connaît grâce aux prospections archéologiques d’autres lieux de présence romaine mais sans qu’il soit possible de dire s’il s’agit bien de villas.

Plan partiel

Plan partiel

On peut, en l’état actuel des éléments à disposition, se poser la question de savoir si cette villa est l’ancêtre du bourg de La Suze où, pour l’instant aucun élément romain n’a été mis au jour. Il reste autour du site de la villa de La Suze un certain nombre de cheminements en lien avec des sites romains voisins.

Rappel de la loi : La prospection archéologique est soumise à autorisation administrative délivrée par le préfet de région. L'utilisation des détecteurs de métaux dans les parcelles qui recèlent des vestiges archéologiques est strictement interdite. Le non respect de la loi est soumis à de lourdes sanctions.

 

Code du Patrimoine :

Art. L. 531-1 – Nul ne peut effectuer sur un terrain lui appartenant ou appartenant à autrui des fouilles ou des sondages à l'effet de recherches de monuments ou d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans en avoir au préalable obtenu l'autorisation.
La demande d'autorisation doit être adressée à l'autorité administrative ; elle indique l'endroit exact, la portée générale et la durée approximative des travaux à entreprendre.
Dans le délai, fixé par voie réglementaire, qui suit cette demande et après avis de l'organisme scientifique consultatif compétent, l'autorité administrative accorde, s'il y a lieu, l'autorisation de fouiller. Elle fixe en même temps les prescriptions suivant lesquelles les recherches devront être réalisées.

Art. L. 542-1 - Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d'objets métalliques, à l'effet de recherches de monuments et d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche.

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