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27 novembre 2024 3 27 /11 /novembre /2024 15:42

En avril 1917, le Président Wilson engage les États-Unis dans la Première Guerre Mondiale. Un système de conscription est créé. Dès lors, des troupes américaines vont débarquer pour rallier le front et on comptera au moment de l'armistice environ deux millions de soldats américains en France. La Sarthe et Le Mans sont, de par l'organisation du réseau de transport, une plaque tournante pour la redistribution des troupes vers les ports du retour.

Le Président américain Woodrow Wilson

Le Président américain Woodrow Wilson

A. Avant l'armistice

Des troupes américaines s'arrêtaient déjà au Mans après leur arrivée en France. La zone de transit est nommée 2nd Depot Division. La 83th Division du général Glenn arrive en France au cours du mois de juin 1918 et va gérer la dite zone en formant plus de 195 000 militaires1. Certaines unités restent là quelques jours pour suivre des formations comme par exemple une formation aux gaz2. Ou encore les dernières unités de la 34th Division qui débarquent en France le 24 octobre 1918 ; elles sont ensuite cantonnées dans la zone mancelle3. En fait certaines divisions américaines arrivées au cours de l'automne 1918 restent au Mans comme troupes de réserve. D'ailleurs elles quitteront la France dès décembre 1918 sans être montées au combat. Le témoignage d'un soldat américain explique assez bien ce parcours en France à partir de l'automne 1918 : « Nous avons pris la mer le 29 septembre et sommes arrivés à Brest, France, le 8 octobre 1918. Nous sommes restés à Brest pendant 3 jours et nuits. Nous étions stationnés à Cremay pendant 2 semaines et de là nous sommes allés au Mans. Nous sommes arrivés là le 30 octobre, nous sommes restés un jour, et avons ensuite été transférés par camion à Cérans-Foulletourte, en France [...] et de là nous sommes allés à Saint-Ouen [...]. Nous étions sur le champ de tir le 11 novembre, jour de l'armistice. De là, nous sommes allés à Écommoy [...]. Nous quittâmes Écommoy le 1er janvier 1919, retournâmes à Brest et arrivâmes aux États-Unis le 23 janvier 1919.4 » 

La région mancelle est organisée par les autorités américaines en zones administratives : La Suze, Ecommoy, Mayet, Conlie et Laigné en Belin5. Des clichés montrent des exercices de tirs dans les communes de La Suze et de Mayet en octobre 1918.

183rd Division Association, 83rd division record of events, Thunderbolt, vol. 43, n°2, 1988, p. 6

2Joseph W.A. Whitehorn, The inspectors general of the United States Army 1903-1939, 1998, p. 227

3http://www.newrivernotes.com/topical_history_ww1_oob_american_forces.htm

4https://etvma.org/veterans/arl-b-kelly-6676/

5Order of battle of the United States land forces in the world war, American Expeditionary Forces : Divisions, volume 2, Center of military history, United States Army, Washinton, D.C., 1988, p. 363

 

Le stand de tir de Guécélard

Le stand de tir de Guécélard

Entrainement de la 83ème Division, région de La Suze

Entrainement de la 83ème Division, région de La Suze

En juillet 1918, des cérémonies se déroulent au Mans à l'occasion des fêtes nationales américaine et française. Des troupes américaines défilent alors sur la place des Jacobins.

En octobre 1918, l'AEF chaplain school s'était installée au château d'Aux (Villaines) à Louplande. La question des chapelains était rapidement devenue une question d'importance avec plus de deux millions de soldats envoyés en Europe. De plus, ces hommes devaient avoir une formation propre aux activités en zone de combat. En France, une école a été ouverte à Neuilly-sur-Suize (Haute-Marne) permettant aux religieux d'avoir une préparation militaire ; elle sera ensuite déplacée à Louplande1.

En décembre 1918, se déroulent les fêtes franco-américaines autour des personnages de La Fayette, qui fut député de la Sarthe, et du monument Wilbur Wright en présences des hautes autorités françaises et américaines2.

1On trouvera des renseignements plus complets dans Michael Snape, God and Uncle Sam, Religion and America's Armed Forces in World War II, The Boydell Press, 2015

2Stéphane Tison, Une fête pour promouvoir une certaine idée de la paix. Le Mans, 22 décembre 1918, Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2018/3 N° 129-130, p. 22-27

 

Défilé du 14 juillet 1918 au Mans

Défilé du 14 juillet 1918 au Mans

22 décembre 1918, Place de la République au Mans

22 décembre 1918, Place de la République au Mans

Mémorial de Haute-Loire, 23 décembre 1918

Mémorial de Haute-Loire, 23 décembre 1918

Chateau de Villaines, Louplande (Sarthe)

Chateau de Villaines, Louplande (Sarthe)

B. Les camps de transit au Mans et en Sarthe en attendant le retour vers les États-Unis1

L'armistice étant signé le 11 novembre 1918, une armée d'occupation reste sur les zones de combat. Mais l'idée du rapatriement des troupes américaines vers leur pays va logiquement prendre place chez l'état-major, surtout que pour beaucoup de soldats américains le fait de rester en Europe n'a aucun sens. Le Mans area n'est alors qu'un élément du Service of Supply (Service d'Approvisionnement). Cependant, l'abondance de soldats fera qu'il va falloir prendre le temps d'organiser ce rapatriement et d'étaler les départs depuis la France. En attendant le départ, il faudra implanter des camps de transit en arrière des ports d'embarquement sur la façade atlantique face aux États-Unis2 (Bordeaux, Saint-Nazaire et Brest). De plus Le Mans bénéficie d'une toute récente gare de triage mise en service en 1914 dans la zone sud du Mans entre la route d'Angers et la Sarthe3. La zone mancelle permet ainsi de desservir rapidement les ports de Bordeaux, Saint-Nazaire, Brest et Le Havre en profitant d'un réseau ferré qui permet de se connecter directement sur ces zones4. Par ailleurs, le réseau départemental de tramways à vapeur sur voie étroite est bien réparti sur le territoire et permet d’accéder au Mans dans de bonnes conditions. Également, les services d’hygiène de l’armée américaine sont intéressés par la qualité du réseau d’eau. En effet, dès 1906, une usine des eaux moderne permet de bénéficier d’une ressource assez facile à traiter et à distribuer vers les camps manceaux en utilisant également le réservoir de Gazonfier5. Le Mans area devient à partir de la mi-décembre 1918 une unité particulière nommée American Embarkation Center. Auparavant c’est à Écommoy que se faisait l’organisation des retours vers les États-Unis6. C'est ainsi que la Sarthe s'est retrouvée avec une arrivée massive de doughboys du corps expéditionnaire américain (American Expeditionary Force). Cette zone couvre une surface au delà des limites du département et dont Le Mans est le centre. Le capitaine Hinman nous décrit cet espace comme un territoire d’environ 150 km sur 100 km, limité par des villes telles que Nogent-le-Rotrou, Alençon, Laval, Château-Gontier, La Flèche, Vendôme et Saint-Calais7. Elle va accueillir jusqu'à plus de 200 000 hommes simultanément8. Cette immense zone a été divisée en secteurs pouvant accueillir les quartiers généraux de dix divisions9.

1Une excellente étude concernant la Sarthe pendant la Première Guerre Mondiale a été publiée en 1991 : André Ligné, Les Sarthois au temps de la Première Guerre Mondiale, Editions Bordessoules, 1991

2Lors de l'arrivée des troupes américaines, les ports de la Manche servent surtout pour les troupes anglaises et ceux de la Méditerranée sont tournées vers l'arrivée des hommes et des matières des colonies. Cependant selon les besoins, des navires américains ont également débarqués dans ces ports.

3Capitaine J. Marty, Le Mans, nœud de voies ferrées, Annales de Bretagne, tome 46, N° 3-4, 1939, p. 217

4Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 4

5Jack J. Hinman Jr, A water supply of the service of supplies, A.E.F., Journal (American Water Works Association), Vol. 7, No. 2,1920, p. 182-183

6Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 166

7Jack J. Hinman Jr, A water supply of the service of supplies, A.E.F., Journal (American Water Works Association), Vol. 7, No. 2,1920, p. 179

8Johnson et Brown, Official athletic almanac of the American Expeditionary Forces, 1919, p. 25

9The Evening Record, 13 mars 1919

 

Carte publiée dans CMH vol. 15

Carte publiée dans CMH vol. 15

Une liste des camps est donnée par le YMCA1 : Le Mans Depot Division (Classification Camp, Spur Camp, Camp Etat, Overhaul Park, Salvage Camp, Parigné-l'Évêque et plusieurs camps annexes dans et autour de la ville), Forwarding Camp (aussi appelé « camp d’Arnage » par les locaux), Belgian Camp (dit aussi « camp d’Auvours »), Écommoy, La Suze, Sablé, Conlie, Ballon, Montfort, La Ferté-Bernard, Mayenne, Laval, Château-Gontier, Alençon et Rennes.

1YMCA (Young Men's Christian Association) : mouvement de jeunesse religieux spirituel puis d'assistance né au Royaume-Uni dans la première moitié du XIXème siècle. Cette organisation se diffuse en Amérique du Nord et c'est tout naturellement que le mouvement va s'impliquer dans l'aide aux soldats américains.

 

C. L'arrivée

A partir de la fin des hostilités, et selon les ordres des différents régiments, les troupes américaines migrent vers l'ouest de la France. Les premières troupes arrivent au Mans dès le mois de novembre 1918 comme l'indiquent les ordres du 2ème Corps d'Armée US. Ainsi la 30th Division est cantonnée au Mans à partir du 24 novembre 19181. Les consignes sont strictes quant au comportement à avoir : les soldats représentent l'armée et le peuple des États-Unis ; ils doivent donc avoir une attitude digne2.

Après parfois de longues marches au travers des anciens champs de bataille, les soldats embarquent dans des trains. Chaque convoi devait être composé de 17 wagons plats, de 30 wagons fermés et d'une voiture pour les officiers3. Le voyage dure quelques jours4 et se fait souvent dans des wagons à bestiaux abritant une soixantaine d'hommes. L'intendance doit gérer les difficultés d’approvisionnement. Des accidents se produisent parfois et certains soldats meurent lors du retour vers Le Mans. Ce fut le cas par exemple pour les soldats Walter A. Mankins et SC Siquerious du 113th F.A. décédés en janvier 1919 à Trondes (Meurthe et Moselle)5. Le Norwich Bulletin (Connecticut) rapporte dans son édition du 18 avril 1919 que 14 soldats américains et 6 soldats français, essentiellement des Bretons, furent tués près du Mans dans un accident ferroviaire. Il s'agit de l'accident de Sillé-le-Guillaume dont un compte-rendu fut publié dans le quotidien l'Ouest-Eclair des 18 et 19 avril 1919. Quatre trains se suivaient à moins de 20 minutes d’intervalle ; le premier train rencontrant des problèmes mécaniques entre Conlie et Sillé est obligé de s'arrêter. Une mauvaise interception de l'information a fait que le train suivant n'a pu éviter la collision, provoquant un très lourd bilan humain. L'article parle de soldats américains permissionnaires mais on peut penser qu'ils rejoignaient plutôt Brest afin d'embarquer vers les États-Unis.

1http://www.newrivernotes.com/topical_history_ww1_oob_american_forces.htm

2Colonel Joseph Hyde Pratt, Diary of Colonel Joseph Hyde Pratt, Commanding 105th Engineers, AEF, Edwards and Broughton Company, Raleigh, 1926, p. 245

3Colonel Joseph Hyde Pratt, Diary of Colonel Joseph Hyde Pratt, Commanding 105th Engineers, AEF, Edwards and Broughton Company, Raleigh, 1926, p. 236

4Le 113th F .A. met cinq jours à atteindre Le Mans dans de difficiles conditions de voyage. History of the 113th Field Artilley 30th Division, The History Committe of 113th F. A., Raleigh, N.-C., 1920, p. 189

5History of the 113th Field Artilley 30th Division, The History Committe of 113th F. A., Raleigh, N.-C., 1920, p. 130

 

La Une du Ouest-Eclair du 19 avril 1919

La Une du Ouest-Eclair du 19 avril 1919

Au Forwarding Camp, les troupes entrantes passent par le R.T.O. (Railroad Transportation Office) où le YMCA propose un chocolat aux arrivants, jusqu'à 10 000 certains jours1. L'efficacité de ce service surprend d'ailleurs certains hauts gradés.

En arrivant au camp, il faut passer par la zone d'épouillage où l'on reste entre trois et dix jours2. C'est un moment assez difficile pour les hommes qui doivent pendant ce temps rester isolés des autres. Cette désinfection est décrite par le 1er lieutenant William Holmes Dyer du 317th Ammunition Train. Les hommes enlèvent leurs vêtements et les déposent en tas sur le sol ; puis plus loin ils ôtent leurs sous-vêtements. Alors ils entrent dans une pièce chauffée et ont droit à un bain avec savon et désinfectant. Ensuite, ils reçoivent un nouveau lot de vêtements propres, mais pas toujours avec les bonnes tailles. Dès lors, ils intègrent de nouvelles baraques pour éviter toute nouvelle contamination3.

1Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 29

2Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 24

3http://home.earthlink.net/~gskwink/InHonor.html

 

Des aménagements au Forwarding Camp (source YMCA)

Des aménagements au Forwarding Camp (source YMCA)

Pour ceux qui arrivent dans les villes ou villages, il faut loger chez l’habitant. Les officiers sont dans les châteaux et maisons, alors que les soldats trouvent abri dans les granges1. C'est ce que se passe pour le 103rd Field Artillery (26th Division) lorsqu'il arrive à Pontvallain. On cherche les meilleures cuisinières capables de cuisiner les French fried potatoes et aussi les élevages de lapins.

Le journal du colonel Joseph Hyde Pratt relate l'arrivée des troupes à Marolles en novembre 19182. Le premier soucis est lié à la consommation d'alcool dont sont friands un certain nombre de soldats ; cependant, et à leur décharge, il faut bien reconnaître que les sarthois ont trouvé dans cette consommation une bonne occasion de se faire de l'argent. Les cafés sont bien sûr en cause dans cette histoire mais le colonel rapporte que les habitants en profitent également en vendant aux soldats du « cognac3 ». Le rappel à l'ordre passe par des sanctions telles que la perte de leur grade pour les caporaux et les sergents, mais aussi par un travail avec le maire et le curé.

La Fighting Battery C du 102nd Field Artillery (26th Division) arrive en Sarthe au cours du mois de janvier 1919 pour prendre ses quartiers dans la région de Mayet. Un passage du journal de guerre écrit lors du retour aux États-Unis reflète assez bien le sentiment qui habitait alors les soldats : « Vers le 26 janvier, nous sommes arrivés à Mayet dans la zone d’embarquement du Mans, au milieu de la neige qui tombait. En une demi-heure, nous avions achevé la tâche de déchargement et nous étions en route pour le cantonnement en ville.
Mayet était plutôt une grande ville, en fait la plus grande où nous ayons jamais été hébergés et nous avons commencé à douter sur notre présence à Mayet ou de notre déménagement dans un village plus petit, mais pour une fois la chance était avec nous et nous sommes restés ici.

Jusqu'à présent, nous n'avions reçu aucun ordre précis concernant le départ de France pour la maison. Les rumeurs étaient nombreuses comme toujours. Nous avons entendu des histoires d'autres divisions qui partaient pour la maison. Le fait que nous soyons dans un centre d’embarquement nous laissait à penser que nous allions bientôt avoir des précisions. Si nous avions l’intention de nous maintenir en France pendant longtemps ou de nous assigner une autre tâche, nous n’aurions pas été envoyés dans cette région et nous avons tous attendu patiemment ».4

L'arrivée sur la Sarthe et la dispersion vers les différentes zones de cantonnement va nécessiter d'avoir un réseau routier de bonne qualité. Ainsi, le 105th Regiment of Engineers (30th Division) se verra confier en février 1919 la mission d'entretien du quart nord-est du réseau routier sarthois entre les routes de Saint-Calais et d'Alençon5. La priorité porte sur la route nationale 138 dite route d'Alençon. Les matériaux nécessaires à l'entretien seront pris dans une carrière à Fresnay-sur-Sarthe. Un état des routes est effectué et les camions transportent la pierre pour réparer les mauvaises portions telles que celles au sud de Beaumont-sur-Sarthe ou encore au nord de Oisseau-le-Petit. Les principaux axes routiers sont inspectés un à un et des ordres sont donnés afin que différents groupes interviennent pour effectuer les réparations. En fait, ce régiment avait reçu sa mission dès le début du mois de décembre 1918 afin de faciliter la circulation des troupes américaines en Sarthe6. Début mars, le régiment reçoit l'ordre de se rendre au Forwarding Camp afin de préparer son rapatriement.

1Henry T. Samson et George C. Hull, The war story of C battery, One hundred and third artillery, France 1917-1919, The Plimpton Press, 1920, p. 220

2Colonel Joseph Hyde Pratt, Diary of Colonel Joseph Hyde Pratt, Commanding 105th Engineers, AEF, Edwards and Broughton Company, Raleigh, 1926, p. 244

3Il doit plutôt s'agir de la goutte produite dans les fermes à partir du cidre.

4Lieutenant Edward D. Sirois et caporal William McGinnis, Smashing Throuh « the Word War » with Fighting Battery C., 102nd F. A., « Yankee Division », 1917-1918-1919, The Week Press, Salem, Massachusetts, 1919, p. 139-140

5Willard P. Sullivan et Harry Tucker, The history of the 105th Regiment of Engineers, George H. Doran Company, New-York, 1919, p. 267

6Colonel Joseph Hyde Pratt, Diary of Colonel Joseph Hyde Pratt, Commanding 105th Engineers, AEF, Edwards and Broughton Company, Raleigh, 1926, p. 249

 

Une carte américaine concernant la partie nord-est de la Sarthe

Une carte américaine concernant la partie nord-est de la Sarthe

A SUIVRE Partie 2 « Divers camps en Sarthe »

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3 décembre 2023 7 03 /12 /décembre /2023 12:11

Le domaine médiéval de Buffe semble être attesté dès l’époque carolingienne. Installé en bordure de la Sarthe, il contrôle une courbe de la rivière et peut-être un passage à gué. C’est un schéma classique qui se retrouve sur d’autre sites proches : Grand Mont à Fillé, Mondan à Guécélard, la Beunêche à Roézé, le bourg de Roézé, etc.

Nous ne nous attarderons ici que dans le recensement de quelques documents des XVIIème et XVIIIème siècles.

 

Buffe à Guécélard aux XVIIème et XVIIIème siècles

14 septembre 1616 : Charles Jamin vend à Jullian Mullocheau trois planches de vigne au clos du Gros Chesnay. Une des planches relève du fief et seigneurie de Buffe.

 

3 décembre 1620 : Nicolas Grassin, laboureur demeurant à la Forêt à Roezé, vend à Pierre Clotreau, homme de labeur demeurant au Foullay à Roezé, trois planches de vigne situées au clos du Gros Chesnay. La vigne relève du fief et seigneurie de Buffe.

 

31 mai 1632 : André Mesnager, vigneron demeurant à l’Oliverie à Fillé, vend à Mathurin Clottereau, vigneron demeurant aux Petits Roys à Roezé, une lotie de jardin situé au bas du clos de vigne du Gros Chesnay. Ce jardin relève du fief de Buffe.

 

14 novembre 1643 : François Hervé, prêtre de Guécélard, vend à Jacques Bellenger, marchand à Moncé, deux journaux de terre dans les Grands Jardins de Fillé. Cette terre relève du fief et seigneurie de Buffe.

 

19 septembre 1644 : Thomas Godefray, tisserand en toiles, vend à Michel Niepceron, marchand meunier aux moulins de Fillé, le Champ Escaubuet proche des Gesleries. Il relève censivement du fief et seigneurie de Buffe.

 

31 mars 1645 : Dans les partages de Guillaume Loriot, il est question d’un bien voisin du jardin dépendant du moulin de Buffe.

 

1647 : Dans les partages de Jacques Fouineau, le seigneur de Buffe est dit propriétaire des moulins de Fillé.

 

20 mai 1654 : Izabel Loriot vend à Michel Niepceron, marchand meunier une maison en ruine dans le bourg de Fillé. On parle de la rue qui va du bourg de Fillé aux moulins de Buffe.

Buffe, atlas de Trudaine XVIIIème siècle

Buffe, atlas de Trudaine XVIIIème siècle

28 novembre 1654 : Jean Leboindre, conseiller du Roi en sa cour du Parlement à Paris, se rend au château seigneurial de Buffe pour y prêter foi et hommage entre les mains du marquis de la Paluelle. Arrivé au château de Buffe, il y trouve Agathe Papiel femme de Jean Brossard concierge du logis de Buffe. Devant la porte seigneuriale et principale entrée dudit lieu, Jean Leboindre offre foi et hommage pour ses terres, fief et seigneurie du Gros Chesnay.

 

21 septembre 1656 : Izabel Hertaux vend à Michel Niepceron, marchand meunier à Fillé, une lotie de terre dans les Grands Jardins proches des moulins de Buffe.

 

18 avril 1657 : François Loriot, notaire au Mans, vend à Michel Niepceron, marchand meunier aux moulins de Buffe, une planche de vigne située au clos du Gros Chesnay.

 

28 juin 1659 : Charles Vallée, homme de peine demeurant aux Geleries à Fillé, vend à Charles Regnard, marchand à La Suze, un morceau de terre dépendant de la pièce de la Reuche à Fillé. Elle est tenue censivement du fief et seigneurie de Buffe.

 

12 septembre 1659 : Marie Loriot, demeurant aux Geleries, passe le bail d’un pré sur les bords de la rivière à Martin Loyseau, serger. Ce pré se situe le long de la ruelle à aller du bourg de Fillé aux moulins de Buffe.

 

17 février 1660 : Pierre Belasier, homme de peine, vend à Michel Niepceron, marchand meunier demeurant au bourg de Fillé, trois planches de vigne au clos du Gros Chesnay tenues censivement des fiefs et seigneuries de Buffe et de Gros Chesnay.

 

31 octobre 1660 : François Joze, charpentier demeurant à Fillé, vend à Mathurin Clotereau, marchand demeurant à Fillé, un jardin autrefois en vigne tenu censivement du fief et seigneurie de Buffe.

 

16 novembre 1660 : Jean Leboindre, seigneur du Gros Chesnay, fait un échange de terre avec Georges Sallé, marchand demeurant à Fillé. Georges Sallé cède un clotteau de terre nommé les Bacconnières et tenu censivement de la seigneurie de Buffe.

 

16 mars 1662 : Jean Poirier l’aîné, marchand meunier demeure aux moulins de Fillé dépendant du château de Buffe.

 

11 juillet 1665 : Isaac de la Palluelle marquis seigneur de Buffe fait procéder à l’estimation des meubles et bestiaux qui se trouveront sur les moulins de Fillé dépendant de Buffe.

 

29 juin 1668 : Jean Leboindre est dit seigneur de Buffe.

 

19 novembre 1669 : Marc Bellanger, notaire royal demeurant à Roezé, se déplace au lieu et métairie de la Grange dépendant de la terre de Buffe à la requête de Jean Leboindre. Il y fait une visite des lieux.

Buffe à Guécélard aux XVIIème et XVIIIème siècles

21 décembre 1670 : Anne Morillon échange avec Jean Leboindre une terre. Elle obtient 25 sillons de terre à prendre dans la pièce des Derrières dépendant de la métairie des Grandes Iles ; elle relève du fief et seigneurie de Buffe.

 

12 mai 1671 : Jean Héron, marchand tisserand demeurant au bourg de Guécélard, vend une lotie de jardin et un bâtiment en forme de grange qui sont tenus censivement du fief et seigneurie de Buffe.

 

6 juin 1675 : Jean Brossard, marchand, demeure au château de Buffe. Le « seigneur aura le droit de chasser ou de faire chasser sur les terres de Buffe lorsqu’il sera au pays ». Le seigneur se réserve la chambre verte au bout de l’allée de la maison de Buffe au lieu de celle qui était au précèdent bail car elle a été abattue.

 

15 décembre 1687 : Jean Leboindre, conseiller au Parlement, seigneur du Gros Chesnay, Spay, Fillé, Buffe, la Beunêche et autres lieux, passe le bail de la grande prée du domaine de Buffe à Louis Brossard, marchand au bourg de Guécélard.

 

20 avril 1688 : Marin Beucher, laboureur, prend le bail du lieu et métairie de la Grange de Buffes. Sont cités les douves du château de Buffe, la garenne de Buffe, le portail du château de Buffe, le gué de Buffe.

 

4 mai 1688 : Louis Brossard, sieur de la Rivière, est fermier du domaine de Buffe.

 

27 mai 1688 : Marin Tanchot et René Fisson, maçons, font des travaux à la métairie de la Grange de Buffe. Ils doivent faire un four au pignon de la maison de la même grandeur que celui de la métairie du Gros Chesnay. La voûte sera en tuffeau, les murailles auront dix neuf pouces d’épaisseur.

Carte de Jaillot (1706)

Carte de Jaillot (1706)

1 décembre 1689 : Jacques Houdayer et Pierre Rigollet, maçons à Cérans, Marin et Etienne Tanchot, maçons à Roezé, sont appelés par Jean Leboindre pour faire des travaux au château de Buffe « savoir de démolir le portail en pierre de taille qui est au bas de la cour dudit château avec l’huisserie de la petite porte à côté et rétablir ledit portail de la manière et forme qu’il est dans un autre endroit sur les fondements qui sont tirés au bas de la cour vis-à-vis de la porte dudit château et y faire un pilastre de chaque côté semblable à celui qui est présent d’un côté n’y en ayant point de l’autre à cause de la petite porte laquelle ne sera point rétablie et les pierres de laquelle seront remplacées à faire lesdits pilastres. Plus à rehausser les murailles du petit bâtiment qui est au bout du grand corps de logis dudit Buffe du côté du Nord jusqu’à pareille hauteur que celles dudit grand corps de logis et en faire déposer les croisées et surplus que ledit seigneur désirera faire lesquels tailleront en oculi. Ils arracheront le vieil entablement de tuffeau qui est au pignon du grand corps de logis ».

 

7 janvier 1690 : Pierre Jarossay, bordager, devient concierge du château de Buffe. Il devra « bêcher, dresser et tenir le jardin dudit Buffe, entretenir les allées et bordures de buis qui seront fait faire par mondit sieur dans ledit jardin y aidant même ledit Jarossay de sa personne lesquelles allées pavera et tondra les buis chacun an mondit sieur Leboindre ayant préalablement fait sabler lesdites allées, comme aussi ledit Jarossay tondra et entretiendra les plants d’aubépines qui sont dans ledit jardin et entretiendra les autres plants d’arbres qui y sont et seront mis. Il doit entretenir les fossés qui bordent la grande avenue qui a été faite de neuf. Ledit Jarossay logera dans la boulangerie dudit Buffe  et chambre en appentis au bout dont il jouira et dune petite étable pour y mettre une vache et du revenu dudit jardin tant pour ce qu’il en sèmera et que les fruits d’icelui et d’un petit préau qui est entre l’entrée au gué de la rivière dudit Fillé et les douves dudit Buffe et encore pour et moyennant  deux charges de blé seigle que mondit sieur Leboindre lui livrera chacun an avec une busse de vin ou cidre au choix dudit seigneur lequel homme fera champage audit Jarossay une vache sur le domaine dudit Buffe sans être obligé fournir audit Jarossay aucun foin ni paille pour sa nourriture d’hiver et ledit Jarossay nourrira un cochon ; mondit sieur Leboindre ni pourra rien prétendre. En outre s’oblige ledit Jarossay d’entretenir les arbres qui seront plantés dans le verger qui sera fait, de veiller à empêcher le passage de gens et bêtes par la cour dudit Buffe et au travers de ladite allée neuve ».

 

4 avril 1695 : René Chevallier, prêtre curé de Fillé, procureur de Françoise Beichefert (veuve de Jean Leboindre), passe le bail de la grande prée de la terre de Buffe à Louis Brossard, sieur de la Rivière, marchand demeurant paroisse de Fillé.

Buffe sur la carte de Cassini (XVIIIème siècle)

Buffe sur la carte de Cassini (XVIIIème siècle)

14 février 1702 : Guy Sallier, conseiller au grand conseil, veuf de Marie Françoise Leboindre, est seigneur de la terre, fief et seigneurie de Buffe. Françoise Beichefert, mère de Marie Françoise Leboindre, lui remet les titres de féodalité de la terre, fief et seigneurie de Buffe.

 

13 mars 1721 : Marie Françoise Catherine Doujat passe la bail de la Grange de Buffe à René Angibault, laboureur demeurant lieu et métairie de Buffe.

 

3 décembre 1728 : Marie Françoise Catherine Doujat passe le bail du petit domaine de Buffe et de toutes les chambres basses du château de Buffe à Pierre Gaignon, charpentier demeurant au château de Buffe. Il doit prendre soin du grand jardin du château et en tailler les arbres.

 

5 janvier 1733 : le droit de pêche au dessous des chaussées des moulins de Fillé dépend de la terre de Buffe.

 

28 février 1733 : Marie Françoise Catherine Doujat, épouse de Jean Baptiste François Leboindre, conseiller en la grande chambre du Parlement de Paris, chevalier, seigneur du Gros Chesnay, Buffe, Spay, Fillé, la Beunêche, Vauguion et autres lieux, passe le bail de la métairie de la Grange de Buffe à Marin Alleton, laboureur, mari de Magdelaine Godefroy demeurant audit lieu de la métairie de la Grange de Buffe paroisse de Fillé.

 

22 novembre 1738 : Marie Françoise Catherine Doujat, épouse de Jean Baptiste François Leboindre, conseiller en la grande chambre du Parlement de Paris, chevalier, seigneur du Gros Chesnay, Buffe, Spay, Fillé, la Beunêche, Vauguion et autres lieux, passe le bail de la métairie de la Grange de Buffe à Marin Alleton, laboureur, mari de Magdelaine Godefroy demeurant audit lieu de la métairie de la Grange de Buffe paroisse de Fillé.

 

18 novembre 1739 : Jean Joseph Leboindre passe le bail du petit domaine du château de Buffe à Jacques Tanchot. Il doit prendre soin du grand jardin du château de Buffe et en tailler les arbres. Le verger du petit domaine est à l’abandon depuis 3 à 4 ans.

 

24 septembre 1741 : Jean Joseph Leboindre passe un bail sur un droit de pêche au dessous des chaussées des moulins de Fillé. Ce droit de pêche dépend de la terre de Buffe.

 

17 mai 1744 : Catherine Formage du Plessis, au nom de Jean Joseph Leboindre, conseiller du Parlement, chevalier, seigneur du Gros Chesnay, Vauguion, Buffe, Spay, Fillé, la Beunêche, Guécélard, Roezé et autres lieux, passe le bail de la Grange de Buffe à Marguerite Budan, veuve de Jean Josée, et à son fils Jean Grosbois.

 

10 octobre 1745 : Jean Joseph Leboindre passe le bail du petit domaine du château de Buffe à Jean Degoullet. Il doit prendre soin du grand jardin du château de Buffe et en tailler les arbres. Le bailleur pourra venir prendre des poires à couteau dès leur maturité s’il en a besoin. Le locataire aura les fruits du grand jardin et du verger.

 

Décembre 1746 : inventaire des effets de la communauté entre Jean François Leboindre et défunte Anne Suzanne Tiraqueau son épouse. Jean Degoullet est dit fermier du petit domaine de Buffe, la veuve de Jean Nieceron est fermière des prées de Buffe, François Loizeau est fermier de la rivière de Buffe.

 

26 décembre 1750 : Jean Joseph Leboindre passe le bail du petit domaine du château de Buffe. à René Tuffière, bordager. Il aura soin du grand soin du grand jardin de Buffe, le seigneur s’en réservant les fruits à couteau. Comme le verger est en friche depuis sept à huit ans, le bailleur s’oblige de contribuer de moitié au défrichement de celui-ci.

Buffe

Buffe

14 septembre 1755 : Jean Joseph Leboindre, chevalier, seigneur de Vauguion, Gros Chesnay, Buffe, Spay, Fillé, la Beunêche, Roezé et autres lieux, conseiller au Parlement, passe le bail de la métairie de la Grange de Buffe à Jean Grosbois, laboureur, mari de Jeanne Hulot demeurant dite métairie de la Grange de Buffe paroisse de Fillé.

 

Aout 1759 : Jean Gasnier a passé deux jours à faire un pilier dans l’écurie du château de Buffe qui était prêtre à tomber.

 

30 août 1761 : Louis François Daniel de Beauvais, écuyer, seigneur du Gros Chesnay, Buffe, Spay, Fillé, la Beunêche, Vauguyon et autres lieux, passe le bail du domaine du château de Buffe à René Tuffière, bordager demeurant au château de Buffe. Le domaine est composé du château et autres bâtiments, cours, issues, jardins et vergers, du jardin de la métairie de la Grange en proximité du château, de la pièce de terre nommée la Groye de Buffe,  de la pièce de terre nommée la Groye dépendant de la Grange, d’une pièce de terre nommée la Pierre, d’une portion de terre nommée le Clotteau Bignon, de l’avenue du château de Buffe, d’environ un journal de terre qui sera pris dans la pièce de la Galopière, du petit pré de Buffe, du panage dans le chemin du gué, d’une petite portion du pré du Port, du pré du Verger. Le seigneur se réserve des chambres hautes et un des greniers du château ; il se réserve aussi de pouvoir faire abattre par pied la charmille qui est autour du jardin de Buffe. Le locataire pourra mettre le jardin en trèfle ; il pourra aussi prolonger l’avenue de Buffe jusqu’à la barrière de la première cour du château pour servir de passage et chemin pour exploiter les prairies et en prolongeant ladite avenue, il fera faire un fossé de chaque côté et au bout dans l’alignement des anciens et dont la jetée sera en dedans de ladite avenue.

 

20 septembre 1767 : Le général des habitants de Fillé se réunit. Feu Jean Joseph Leboindre a légué à la fabrique de Fillé « la somme de dix mille livres pour être employée à l’augmentation, décoration, réparation et entretien de l’église de Fillé et notamment à élever un tombeau en mausolée en marbre dans la chapelle dite de Buffe où il a désiré être enterré ».

 

23 mai 1768 : Louis François Daniel de Beauvais passe le bail du domaine du château de Buffe à René Tuffière, bordager. Le propriétaire se réserve deux chambres basses, les chambres hautes et un grenier ; il se réserve aussi de pouvoir abattre la charmille autour du jardin de Buffe. Le locataire devra fournir deux boisseaux des plus belles noix cueillies sur le domaine.

 

14 septembre 1777 : une description des propriétés de la paroisse de Fillé précise la composition de Buffe : bâtiments, cours, jardins, terres labourables et pâtis. Ces biens appartiennent à Louis François Daniel de Beauvais et sont affermés à la veuve Tanchot. Le tout s’étend sur 26,75 journaux et 3 hommées de prés (soit une superficie d’environ 15 hectares).

 

11 septembre 1785 : Marthe Plumard de Rieux, veuve de Louis François Daniel de Beauvais, passe le bail du domaine de Buffe à Jacques Fleury, bordager. La propriétaire se réserve le droit d’avoir un cheval sur le domaine.

 

24 juillet 1786 : Bail des moulins de la Beunêche. Louis Thomas, meunier des moulins de la Beunêche (appartenant à Marthe Plumard de Rieux) doit aller chercher quatre charges de blé dans les greniers de Buffe, les moudre et les porter au château du Gros Chesnay.

 

26 juin 1787 : Bail de la ferme du domaine du Gros Chesnay. Joseph Morillon, métayer, doit fournir chaque année une charge de froment, une charge de seigle et une charge d’avoine mesure du Mans comble ou ras le bois mesure de La Suze rendues dans les greniers du château de Buffe.

 

15 février 1794 : La citoyenne Marthe Plumard, veuve de feu citoyen Louis François Daniel de Beauvais, demeurant au Mans passe le bail du lieu de Buffe à Jacques Fleury, cultivateur.

Archive notariale, 1654

Archive notariale, 1654

Archive notariale, 1689

Archive notariale, 1689

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