La commune d’Etival-Lès-Le Mans (Sarthe) possède un riche passé ; on ne manquera pas de visiter son église romane qui est, architecturalement parlant, des plus belles du canton de La Suze (Sarthe).
Quelques trouvailles archéologiques ont été faites sur le territoire communal. La plus importante découverte fut un trésor monétaire composé de 3369 pièces romaines. La prospection aérienne a également apporté des informations nouvelles. Un enclos circulaire a été vu en 1998 (il était à nouveau visible en juin 2006) ; en 1990, un petit bâtiment rectangulaire pouvant correspondre à une petite villa est apparu dans les cultures. L’activité sidérurgique est également bien présente dans la commune ; au 19ème siècle, on signale plusieurs amas de scories mais sans localisation. Un toponyme très révélateur attire l’attention : la Ferrière.
Les prospections ont révélé une présence préhistorique avec un certain nombre d’outils en silex. Parmi ces objets qui remontent à la Préhistoire, signalons une armature de flèche longue de 28 mm, large de 21 mm du côté du tranchant et épaisse de 3 mm. Le matériau est un silex orangé fin qui rend cette armature translucide. C’est l’extrémité la plus étroite qui était fixée dans la hampe de la flèche ; la partie la plus large (le tranchant) blessait la victime. On peut dater cet objet du milieu du néolithique, c'est-à-dire vers 4300 à 3300 av. J.-C.
Etival-Lès-Le Mans (Sarthe) - armature néolithique
Etival-Lès-Le Mans (Sarthe) - armature néolithique
Rappel de la loi : La prospection archéologique est soumise à autorisation administrative délivrée par le préfet de région. L’utilisation des détecteurs de métaux dans les parcelles qui recèlent des vestiges archéologiques est strictement interdite. Le non respect de la loi est soumis à de lourdes sanctions.
Code du Patrimoine :
Art. L. 531-1 – Nul ne peut effectuer sur un terrain lui appartenant ou appartenant à autrui des fouilles ou des sondages à l'effet de recherches de monuments ou d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans en avoir au préalable obtenu l'autorisation.
La demande d'autorisation doit être adressée à l'autorité administrative ; elle indique l'endroit exact, la portée générale et la durée approximative des travaux à entreprendre.
Dans le délai, fixé par voie réglementaire, qui suit cette demande et après avis de l'organisme scientifique consultatif compétent, l'autorité administrative accorde, s'il y a lieu, l'autorisation de fouiller. Elle fixe en même temps les prescriptions suivant lesquelles les recherches devront être réalisées.
Art. L. 542-1 - Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d'objets métalliques, à l'effet de recherches de monuments et d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche.
L’église d’Athenay est une ancienne église paroissiale rattachée aujourd’hui à la commune de Chemiré-le-Gaudin. Elle se situe au centre du hameau et sur le cadastre de 1809, le cimetière occupe la partie sud ouest devant le bâtiment. Il reste d’ailleurs une croix (inscription MH) datée du 16ème siècle comme dernier témoignage.
Vue générale du village d'Athenay
Athenay, Cadastre 1809, B
Croix du cimetière (XVIème siècle)
La mention la plus ancienne remonte à la seconde moitié du 11ème siècle (ecclesia de Attiniaco1) dans une donation à l’abbaye Saint Vincent et l’église est déjà placée sous le vocable de la Vierge Marie. Vers 1330, on parle toujours de l’ « ecclesia de Attenay2». En 1405, on utilise l’expression « capella de Athenay3 ». Le statut de la paroisse a changé ; elle était rattachée au doyenné de Vallon jusqu’au 15ème siècle date à laquelle Athenay devient succursale de Chemiré. En 1768, elle redevient paroisse. Puis elle est rattachée à Chemiré-le-Gaudin le 14 décembre 1809. On profitera de ces quelques lignes pour tordre le cou à une étymologie empirique qui voulait édifier les origines de l’église sur un temple dédié à Athéna.
1Abbé Robert Charles et le Vicomte Menjot d'Elbenne, Cartulaire de l'abbaye de Saint-Vincent du Mans, Société historique et archéologique du Maine. 1886-1913, p. 276
2Auguste Longnon, Pouillés de la province de Tours, Ed. C. Klincksieck, Paris, 1903, p. 72
La nef est la partie la plus ancienne de l’église. Le mur repose sur des fondations réalisées avec des pierres de différentes natures et de différents modules. A environ un mètre de hauteur commence le petit appareillage de calcaire (les roussards sont très rares) ; trois baies romanes se trouvent au sommet mais semblent appartenir à un état postérieur (peut-être charnière Xè/XIè s.). Le sommet de ces fenêtres est composé d’un linteau échancré sur lequel sont gravées des incisions droites rayonnantes. Ensuite on les a comblées avec du mortier pour donner l’illusion d’un arc composé de claveaux. Cette technique est connue sur plusieurs monuments romans du Maine. C’est le cas des meurtrières du donjon de Sainte Suzanne (Mayenne) et de celles de l’église de Vezot (Sarthe), pour ne citer que deux exemples. L’ouverture du milieu est réalisée entièrement en roussard alors que les deux autres utilisent le roussard et le calcaire ; mais la composition est la même pour ces deux fenêtres : le bas est en roussard et le sommet en calcaire.
Mur nord de l'église
Fenêtre romane du mur nord
Fenêtre romane du mur nord
On peut s’interroger sur la construction de ce mur. Il semble que les meurtrières soient construites lors d’une deuxième phase (l’appareillage parait différent, l’angle entre le mur et la façade est chaînée sauf dans la partie haute où on a l’impression de voir un mur). Le mur nord pouvait sans doute être sans ouverture à l’origine. C’est le cas de la chapelle Saint Fraimbault à Saint Georges de la Couée (Sarthe). Selon Alain Valais1, cette partie de l’édifice et le mur ouest pourraient appartenir à un ancien édifice romain.
Le mur sud est plus récent. Il montre clairement un appareillage différent (opus incertum) mais qui semble réutiliser les matériaux de l’état antérieur. Deux fenêtres, d’époque différentes, permettent un meilleur éclairage de l’intérieur de la nef et peut-être des fonts baptismaux. La plus haute doit être la plus ancienne. Pourquoi a-t-on refait ce mur sud ? La question reste posée puisqu’on ne peut guère envisager un agrandissement. En effet la lecture de l’appareillage de la façade ne montre pas un élargissement de la nef. Les fondations sont différentes du mur Nord et sont composées de gros blocs de roussard, calcaire et grès. Y a-t-il eut un effondrement ? En regardant les fissures existantes, on peut l’envisager.
1Alain Valais, Les églises rurales du premier Moyen Âge (Ve/XIe siècle) dans l'ancien diocèse du Mans et à ses confins Volume 5 : catalogue des notices des églises de la Sarthe, Thèse Université Paris Nanterre, 2021, p. 20
Mur sud de l'église
La porte sud qui ouvrait sur le cimetière laisse apparaître une tentative de décor qui joue sur les couleurs des roussards et des calcaires. Le montant droite et l’arc alternent les deux matériaux ; mais le montant gauche est entièrement en calcaire. En comparant le portail ouest et la porte sud, on peut imaginer une construction à la même époque.
La façade ouest a connu quelques modifications. La porte actuelle date d’un état postérieur à l’édification de la nef. On observera à environ trois mètres au dessus du sol un lit d’arrêt de la phase de construction. Les éléments les plus remarquables sont un décor en sablier réalisé en roussard (sur 7 rangs) alors que le reste de la façade est composé de calcaire blanc. Un sablier se situe au dessus du portail, les deux autres sont de chaque côté mais il ne semble pas avoir de symétrie dans l’organisation du décor. Cette partie de l’édifice est à priori contemporaine du mur nord.
On remarque aussi une augmentation de la pente du toit puisqu’on peut voir une reprise de la maçonnerie mais toujours avec un appareillage cubique ce qui semble indiquer une modification assez rapide après l’édification de la nef.
Les fissures visibles sur la façade et sur la partie ouest du mur nord trahissent une certaine instabilité du terrain.
La façade ouest de l'église
Un élément de décor sur la façade ouest
LES CHAPELLES
Les chapelles ont été ajoutées plus tard. Le mur ouest de la chapelle nord porte une date sur l’enduit au sommet du mur près du chaînage. Il semble que l’on puisse lire 1678. Mais cela permet de dater l’enduit et non la chapelle. L’appareillage est composé de pierres calcaires allongées (jusqu’à environ 40 cm). Le chaînage est dominé pour les 2/3 par les roussards qui sont dans la partie basse alors que les blocs calcaires se situent dans la partie haute. Seule une baie placée au nord assure l’éclairage.
La chapelle sud ne semble pas avoir été construite en même temps que la chapelle Nord. Le chaînage d’angle n’est réalisé qu’avec des blocs calcaires. On remarque des traces d’un faux appareillage dessiné sur l’enduit frais. Par contre la technique de construction reste la même ce qui tend à prouver que même si ces chapelles n’ont pas été élevées lors d’un même chantier, elles ont dû se suivre dans un temps relativement proche.
Les grilles métalliques des baies ne sont pas datées mais sont toutes réalisées de la même façon (nef, chapelles).
Chapelle nord et sacristie
Chevet de l'église
LA SACRISTIE
La fenêtre de la sacristie porte une date 1670 ainsi que deux initiales « M » et « MO ».
Inscription sur le linteau de la fenêtre de la sacristie
DATATION DE L’ÉGLISE
La technique des claveaux simulés des meurtrières, le petit appareillage cubique sont dès éléments qui tendent à fournir une datation remontant au 11ème siècle pour la partie la plus ancienne de l’édifice. On sait par les textes que la paroisse existait déjà vers 1050 et une datation autour de cette période parait cohérente.
Il est possible qu’au 13ème siècle, il y ait eut la réfection du mur sud et la création des deux portes. C’est sans doute à cette époque qu’il faut rajouter la construction du chevet actuel.
Deux dates sont inscrites sur l’église ce qui permet d’établir une chronologie relative entre certains éléments. Il semble qu’au 17ème siècle une campagne importante de travaux ait été réalisée pour remettre en état (ou en valeur ?) le bâtiment. C’est peut être à cette époque qu’il faut rattacher l’adjonction des chapelles. En tout cas, ces chapelles ne peuvent pas être postérieures à 1670 car la sacristie est collée et non chaînée avec les chapelles
Alain Valais dans sa thèse1 propose la chronologie suivante pour l’édifice roman :
1. un édifice romain avec des décors géométriques qui est réemployé pour devenir une église (époque mérovingienne sans doute).
2. une transformation avec un rehaussement des murs au Xème siècle ou au XIème siècle avec la création des fenêtres romanes toujours visibles aujourd’hui sur le mur nord.
3. un portail ouest reconstruit au XIIème siècle.
1Alain Valais, Les églises rurales du premier Moyen Âge (Ve/XIe siècle) dans l'ancien diocèse du Mans et à ses confins Volume 5 : catalogue des notices des églises de la Sarthe, Thèse Université Paris Nanterre, 2021, p. 20
L’INTÉRIEUR DE L’ÉGLISE
L’intérieur de l’église d’Athenay garde un aspect authentique dû à sa moindre fréquentation depuis le début du XIXème siècle.
L’ensemble statuaire est assez riche et donne une bonne idée des figures qui étaient adorées dans l’église. La plupart des terres cuites datent du XVIIème siècle. On y trouve entre autre une éducation de la Vierge, un saint Hyacinthe de Cracovie, un saint Joseph, un saint Blaise, un saint Michel, etc. On sait ainsi qu’en juin 1711, trois figures de la Vierge, d’Élisabeth et de Joseph sont offertes à la paroisse pour orner le retable principal1.
Mais d’autres éléments particuliers se trouvent dans l’église : un panneau sculpté en bois représentant l’adoration des rois mages (XVIème siècle) et qui est sans doute le vestige de l’ancien retable, une chaire à précher en bois du XVIIème siècle, un bâton de procession de la confrérie de la Visitation (XVIIIème siècle), des fonts baptismaux du XVIème siècle en calcaire, un tronc ancien (XVIème siècle?), etc.
Il ne faudrait pas non plus oublier une statue polychrome en pierre du XVème siècle représentant une vierge à l’enfant.
On sait aussi qu’une cloche a été baptisée en octobre 17072.
La commune de Fillé est connue pour son moulin que l’on peut dater du Moyen-Age, mais sans pouvoir donner un siècle avec précision. Ce moulin était rattaché à la seigneurie de Buffes. Mais les prospections archéologiques sur le territoire communal ont permis de reculer de quelques milliers d’années l’activité de production de farine dans ce secteur géographique.
Une parcelle, proche du Clos Colin à Fillé, a livré une meule dormante à va-et-vient datant de l’époque néolithique (6000 av. J.-C. jusqu’à 2200 av. J.-C.) ; certaines ont pu être utilisées jusqu’à l’âge du Fer. Il s’agit d’un gros bloc de grès pesant presque 9 kg, mesurant 35 cm sur 28 cm. La face inférieure, naturelle, est bosselée. La face supérieure a été piquetée et aplanie pour la rendre abrasive.
Meule néolithique, face supérieure, Fillé (Sarthe)
Meule néolithique, profil, Fillé (Sarthe)
Les fouilles menées en 1999 sur le site du Parc à Vivoin avaient amené la découverte d’une meule sur un site d’habitat néolithique moyen. Un autre exemplaire est également signalé en fouille sur la commune de Fyé. Les prospections archéologiques pédestres ont également permis de repérer d’autres meules comme à Conlie ( meule dite à cuvette).
Meule à cuvette, Conlie (Sarthe)
A partir du 2ème siècle av. J.-C., un autre type de meule apparaît : la meule rotative. Elle est composée d’une partie « dormante » (meta) et une partie « mouvante » (catillus). On installe alors un manche en bois dans un trou sur le côté du catillus afin d’exercer un mouvement rotatif qui écrasera les grains entre les deux parties de la meule.
Meule rotative (catillus) provenant de Oisseau le Petit (72). Son diamètre est de 42 cm.
En haut, le trou par où est versé le grain. Sur le flanc, le trou pour le manche en bois permettant d'actionner la meule.
Les découvertes de meules à va-et-vient sont relativement rares. Elles ont parfois été cassées ou réemployées dans des murs. Celle du Clos Colin à Fillé aurait pu servir de borne pour limiter une parcelle.
Par contre les meules rotatives sont plus fréquentes, mais on trouve surtout des morceaux et rarement la meule entière. C’est le cas par exemple à Voivres où trois morceaux ont été découverts en prospection.
Ces meules servaient à écraser du grain bien sûr mais aussi d’autres produits (légumineuses, glands, chamotte, etc.). A Voivres, un morceau a été découvert sur des vestiges de bas fourneaux et on peut se demander si cette meule n’a pas servi à broyer du minerai de fer.
Des traces anciennes laissées par Rigomer dans le Maine
L’église de Souligné-Flacé (de la seconde moitié du Xème siècle pour sa partie la plus ancienne) est dédiée à Rigomer qui aurait vécu à l’époque du roi mérovingien Childebert Ier (511-558), un des fils de Clovis.
Village de Souligné-Flacé (Sarthe)
Représentation de Rigomer dans le bréviaire de Langres
Pour approcher cet ermite, il faut sans cesse naviguer entre la légende et ce qui paraît plausible. Mais c’est la caractéristique de ces personnages remontant aux premières heures du Moyen-Âge. Il existe tout de même de très rares mentions anciennes du nom de Rigomer.
La plus ancienne est dans le testament de l’évêque Bertrand (616) dans lequel il lègue dix solidi (sous d’or) à la basilique au nom de Rigomer de l’autre coté de la Sarthe1, peut-être dans le quartier du Pré qui est le lieu principal d’inhumation des personnages chrétiens importants dont les premiers évêques comme l’évêque Victeur mort en 490 et personnage très vénéré. On y fait encore mention à la fin du VIIIème siècle sous l’évêque Francon2.
L’évêque Aldric aurait, dans le second quart du IXème siècle, établi une série d’autels dans le chœur de la cathédrale du Mans, dont un dédié à Rigomer3. Il y aurait donc à l’époque carolingienne un abandon des sites religieux mérovingiens et un rapatriement des reliques vers la cathédrale, le tout peut-être lié à un réaménagement de l’espace urbain manceau autour de la cathédrale, pôle religieux et politique.
A la fin du Xème siècle, Hugues, comte du Maine, fait don au monastère de la Couture d’une villa « sancti Rigomeri de Plano » (Saint Rémy du Val aujourd’hui) et d’une église « sancti Rigomeri de Silva » (Saint Rigomer des Bois aujourd’hui)4.
La vie de Rigomer dans le contexte mérovingien
On connaît la vie de Rigomer par une « vita »5. Cette vie de Rigomer a ensuite été reprise dans des écrits postérieurs et avec des analyses ou ajouts. Il faut bien sûr lire les informations de cette « vita » avec tout le recul nécessaire et ne pas la prendre au premier degré.
1G. BUSSON, A. LEDRU, Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, 1901, p. 137
2G. BUSSON, A. LEDRU, Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, 1901, p. 279
3G. BUSSON, A. LEDRU, Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, 1901, p. 304
4Bénédictins de Solesmes, Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre de la Couture et de Saint-Pierre de Solesmes, Le Mans, 1881, p. 8
On trouve aussi la vie de Rigomer racontée par un moine bénédictin, Pierre, de l’abbaye de Maillezais (Vendée) qui vivait au XIème siècle. Ce moine va, à la demande de l’abbé, écrire un récit sur l’origine de l’abbaye ; le document d’origine a disparu mais il existe encore une copie du XIIème siècle.
La tradition dit qu’il serait né dans le nord de l’actuel département de la Sarthe, peut-être dans le village de Saint-Rigomer-des-Bois, où existait une fontaine dite de saint Rigomer et vénérée jadis par les fidèles, à l’orée de la forêt de Perseigne, au sein d’une famille aristocratique, peut-être d’origine franque et pas encore christianisée. Il fut éduqué par un religieux auvergnat1, ce qui positionne ce personnage dans un schéma assez classique pour cette époque. Il est possible que ces religieux auvergnats soient en fait des individus qui fuient la conquête de leur région par Thierry au début dans la première moitié des années 5302. D’autres évoquent Saint-Rémy-du-Val comme étant son lieu de naissance. On remarquera la présence classique de la forêt comme dans beaucoup de « vita »3 ; elle symbolise le monde fermé sur lui-même, un désert, où les idées nouvelles n’ont pas encore pénétré. Par contre, cela ne veut pas forcément dire que ce sont des lieux vides d’hommes ; les traces archéologiques sur l’environnement de la forêt de Perseigne sont assez claires là-dessus.
1Pour comprendre les peregrinatio de certains religieux, voir C. DELAPLACE, Ermites et ascètes à la fin de l'Antiquité et leur fonction dans la société rurale. L'exemple de la Gaule, Mélanges de l'école française de Rome, 1992, p. 990 et suivantes
2P. LE MAITRE, Évêques et moines dans le Maine : IVe-VIIIe siècles, Revue d’histoire de l’Église de France, 1976, p. 97
3C. LAFON-DELAPLACE, Paysage forestier et littérature hagiographique de l'antiquité tardive : mythes et réalités du paysage érémitique occidental, Hommes et terres du Nord, 1986, p. 168
Saint Rigomer des Bois (carte XVIIè s.)
Saint Rigomer des Bois (Sarthe)
Comme beaucoup d’ermites du haut moyen-âge, il réalise un certain nombre de miracles. Au delà du caractère religieux que l’on peut accorder à ce genre d’événement, on peut aussi y voir la volonté d’imposer la force politique des autorités religieuses dans des territoires qui, à cette époque mérovingienne, étaient un peu déconnectés du pouvoir central, c’est à dire le centre épiscopal de la cité. C’est ainsi qu’il intervient dans un lieu nommé Morifanum, parfois transcrit en Marti Fanum, pour ramener à la foi chrétienne des habitants qui, après leur conversion, détruisent le temple et le remplacent par un édifice chrétien. On dit que cela se situait dans l’actuelle ville de Mamers, mais il semble bien difficile de confirmer cette assertion. Cela n’est pas sans rappeler un épisode semblable de la vie de Julien (Vita Sancti Juliani) où il détruit un temple dédié à Jupiter1 (« Erat autem praedictum idolum juxta vicum Artinis situm, ubi et templum Jovis constructum atque ornatum erat »). Ou encore comment Vigor, évêque de Bayeux (513-537), fait détruire, avec l’appui du roi Childebert, le temple et les idoles du Mont-Phaunus pour installer un monastère et s’appropriant au passage les biens de ce temple2. Ou encore Martin de Tours qui fait aussi remplacer des temples païens et les idoles par des édifices chrétiens3. Il faut dire que la destruction des temples apparaît également dans la vie des empereurs romains puisque la vita Constantini relate la destruction de plusieurs temples sur ordre de Constantin (310-337) pour installer des églises4. Cet aspect évangélisateur est un élément caractéristique de certains ermites de cette époque, ce qui montre à la fois le maintien des religions anciennes dans les territoires éloignés des capitales administratives5 mais également l’adoption de la religion chrétienne par les élites aristocratiques qui entendent bien se reconnaître comme l’autorité en place.
On peut tout de même se poser la question de la véracité de la destruction des temples païens dans les « vita ». Une étude publiée en 2017 concernant la Normandie occidentale offre une piste de réflexion6. Les fouilles archéologiques montrent que le paganisme tend à disparaître dès le IVème siècle et de manière progressive, à priori plus par désintérêt lié aux changements provoqués par la crise du IIIème siècle ; ce n’est qu’un peu plus tard que le christianisme remplace l’ancienne religion. Les temples romains fouillés dans cette région ne montrent pas de traces de destruction mais plutôt un abandon. Il est intéressant de comparer cette chronologie avec la première mention d’une cathédrale au Mans qui n’est attestée que dans les actes du premier évêque historiquement attesté7, Victeur, dans la seconde moitié du Vème siècle8. Peut-être faut-il simplement comprendre les images de destruction comme la lutte entre deux courants de pensée. On manque cruellement en Sarthe de fouilles archéologiques qui couvrent cette période. Le temple de Cherré sur le site d’Aubigné-Racan (72) illustre bien ce questionnement. Le temple a servi de nécropole au haut moyen-âge ce qui semble indiquer que le lieu avait gardé une nature religieuse. De plus, il semble également que l’écroulement du bâtiment soit lié à la récupération des blocs en grand appareil à la base des murs et non à une destruction délibérée d’un édifice païen.
La convocation de Rigomer par le roi Childebert à Meaux est sans doute à analyser au-delà de la simple opposition morale et religieuse.
1G. BUSSON, A. LEDRU, Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, 1901, p. 20
2J. DESHAYES, L’église paroissiale de Saint-Marcouf et l’histoire de l’abbaye de Nantus 2017, p. 2
3A.-M. TAISNE, Parcours et vertus de Saint Martin dans la Vita et les Epistulae de Sulpice Sévère, Rursus, 2008, p. 5
4B. CASEAU, La désacralisation des espaces et des objets religieux païens durant l’Antiquité tardive, dans Le sacré et son inscription dans l’espace à Byzance et en Occident : Études comparées, 2001, p. 61-123
5N.-Y. TONNERRE, Deux ermites du pays nantais au VIe siècle : Friard et Secondel, dans Corona Monastica, Moines bretons de Landévennec : histoire et mémoire celtiques. Mélanges offerts au père Marc Simon, R, 2004, p. 65-70
6M. ROUPSARD, Du paganisme au christianisme en Normandie occidentale (IVe-Ve siècles) : premiers éléments de synthèse, Annales de Normandies, 2017
7Présent au premier concile des évêques de Gaule à Angers en 453.
8H. MEUNIER, Le quartier canonial du Mans, dans La cathédrale du Mans du visible à l’invisible, 2015, p. 16
Poncé Sur Le Loir (Sarthe)
Aubigné-Racan (Sarthe) - mur écroulé du temple romain
De son rôle auprès de l’évêque Innocent
La période est caractérisée par une tentative de stabilisation politique en cette zone géographique récemment prise par Clovis juste avant sa mort au début du VIème siècle. Le christianisme est alors peu implanté en dehors du Mans. Dans la ville épiscopale elle-même, la mise en place de nombreux lieux de culte chrétiens traduit sans doute cette volonté de vouloir bien asseoir la religion chrétienne ; n’oublions pas que le baptême de Clovis ne date que d’il y a quelques décennies seulement1.
L’évêque Innocent (532-543) nous est connu par les Actus Pontficum. Jacques Biarne2 signalait que sa biographie est plutôt développée dans les actus contrairement à ses prédécesseurs ; ceci est surtout dû à ses actions concernant l’organisation urbaine. Innocent va agrandir la cathédrale en faisant édifier deux autels dédiés à Marie, à Pierre et un autel principal dédié à Gervais et Protais. Il fait également venir d’autres ermites tel Saint Fraimbault que l’on retrouve dans le secteur de Saint-Georges-de-la-Couée (72) avant d’aller dans le région de Lassay (53).
Il aurait participé au second concile d’Orléans en 533 et au second en 541 au cours desquels est condamné le culte des idoles. On ne peut s’empêcher de faire le lien entre cette mesure et la destruction du temple de « Morifanum » par Rigomer.
1P. LE MAITRE, Évêques et moines dans le Maine : IVe-VIIIe siècles, Revue d’histoire de l’Église de France, 1976, p. 95-96
2J. BIARNE, Les premiers évêques du Mans, depuis les Fastes épiscopaux de Louis Duchesne, dans La foi dans le siècle, 2009 p. 109-119
Sarcophage de Saint Fraimbault (Sarthe)
Ténestine
L’histoire de Ténestine est liée à Rigomer et n’est pas sans poser certaines questions. La jeune fille est l’enfant d’un aristocrate nommé Haregaire et de sa femme Truda qui semblent être restés fidèles au culte ancien, mais sans doute ouverts au christianisme.
Cela commence par la guérison de Truda grâce aux prières et aux huiles saintes ; ce miracle opéré par Rigomer va fortement influencer la jeune fille qui, bien que promise à un jeune homme de même condition qu’elle, va se vouer corps et âme à la religion chrétienne. Cette relation révèle des conflits d’intérêts entre la sphère politique laïque et la sphère religieuse. Ainsi, le fiancé, Sévère, ira jusqu’à la cour de Childebert à Palaiseau pour demander réparation. C’est là encore le lieu de réalisation d’un miracle puisque Rigomer, sommé d’allumer des flambeaux sans l’utilisation de feu, créé une flamme par la prière. Le roi reconnaît alors que les propos tenus contre eux n’étaient que calomnies.
La tradition dit que Childebert leurs fit don de terrains pour y établir leurs cellules. Ténestine s’installa en contrebas de la muraille, dans le quartier de Gourdaine. Quant à Rigomer, il fonde le prieuré de Saint-Aubin, toujours dans le quartier de Gourdaine mais du côté intérieur de la muraille ; mais aussi un prieuré à Souligné-Flacé sur des terres appartenant aux biens religieux de Ténestine.
Ténestine devint la sainte patronne des blanchisseuses du Mans.
Vitrail en l'église de Saint Rigomer des Bois (Sarthe)
Les ermites à l’époque mérovingienne
Rigomer fait partie de cette cohorte d’ermites qui ont propagé le christianisme, à l’époque mérovingienne, dans les campagnes. Ainsi en Sarthe, certains personnages partent dans des contrées plus ou moins reculées au cours du VIème siècle : citons par exemple Léonard dans les Alpes mancelles, Longis dans la région de Mamers ou encore Carilefus dans le secteur de Saint-Calais. Même si l’acte d’évangélisation est indéniable, il s’agit aussi d’une manœuvre politique des évêques qui tentent d’asseoir leur autorité sur des territoires éloignés du palais épiscopal. Il ne faut pas voir ces ermites comme des personnes qui vivent forcément coupées du monde, mais plutôt comme des agents au service d’une autorité politico-religieuse. Nous sommes dans cette première moitié du VIème siècle à un moment où les rois mérovingiens cherchent à contrôler la Gaule en se battant entre héritiers mais aussi contre des peuples voisins. Dans l’ouest, Le Mans occupe alors une place stratégique importante.
Certains travaux présentent également une autre lecture de l’érémitisme. Les recherches de Thomas Jarry1 sur la Normandie débouchent sur l’organisation suivante : des domaines ruraux de certains aristocrates transformés en cellules pour religieux et qu’ils gèrent toujours en tant que domaine rural, ou alors des sites religieux confiés à des ermites pour asseoir la puissance épiscopale, et enfin des moines solitaires mais qui très souvent sont arrêtés par des habitants qui souhaitent profiter de leur présence pour évangéliser un territoire.
On peut d’ailleurs légitiment se poser la question pour Rigomer à Souligné : s’agit-il réellement d’un ermitage ou plutôt d’une terre sur un domaine géré par une communauté religieuse un peu comme il y aura un peu plus tard à Etival-Lès-Le Mans ?
Les reliques de Rigomer
A sa mort, le 24 août et à priori à Souligné-Flacé vers 560, Rigomer est ramené au Mans pour être inhumé à Notre-Dame-de-Gourdaine. Mais la chronologie des événements n’est pas très claire. En 838, l’évêque Aldric fait ramener dans la cathédrale les restes de Rigomer et de Ténestine. D’après les travaux de Georges Pon, les reliques de Rigomer arrivent à l’abbaye de Maillezais (Vendée) entre 1015 et 10252. L’église abbatiale n’étant pas encore terminée, les reliques sont installées dans le bras sud du transept. En fait, il semble que les ossements de Rigomer aient servi de monnaie d’échange, moyennant financement, entre Hugues, comte du Maine, et Guillaume, duc d’Aquitaine. L’abbaye de Maillezais ne possédant pas de saintes reliques, Hugues propose d’offrir celle de Rigomer en espérant en retour recevoir les faveurs de Guillaume.
A noter que les reliques de Rigomer sont évoquées dans l’œuvre de Rabelais : « La trouverez tesmoins vieulx de renom et de la bonne forge, lesquels vous jureront sus le bras sainct Rigomé, que Mellusine leur premiere fondatrice avoyt corps feminin jusques aux boursavits, et que le reste en bas estoyt Andouille serpentine, ou bien serpent andouillicque ».
1T. JARRY, Les débuts du Christianisme dans l'ouest de la Normandie, Annales de Normandie, 1998, p. 124 et suivantes
2G. PON , Y. CHAUVIN, La fondation de l'abbaye de Maillezais. Récit du moine Pierre, Centre vendéen de recherches historiques, 2001, p.
Souligné-Flacé (carte postale ancienne)
Le mur roman (seconde moitié Xè s.) de l'église de Souligné-Flacé (Sarthe)
Morceaux de sarcophages dans le mur roman de l'église de Souligné-Flacé (Sarthe)
Statue de Rigomer à Souligné-Flacé (Sarthe)
Rigomer ailleurs
Dans le département de l’Orne, l’église de la commune de Colombiers en périphérie nord d’Alençon, est dédiée à Rigomer. Nous sommes seulement à une quinzaine de kilomètres de Saint-Rigomer-des-Bois (72).
Il existe dans le département de l’Essonne, dans la commune de Vauhallan, une église dédiée à Rigomer et à Ténestine. On y trouve une crypte mais qui serait en réalité une création du XIXème siècle par l’abbé Geoffroy, transformant une cave en chapelle souterraine. L’objectif du religieux aurait été de créer un pèlerinage en s’appuyant sur la création d’une église dédiée à Rigomer à Palaiseau par Childebert selon la Vita Rigomeri1.
1P. GILLON, C. SAPIN, Cryptes médiévales et culte des saints en Île-de-France et en Picardie, Presses Universitaires Septentrion, 2019, p. 440
La rivière Sarthe naît dans le département de l’Orne en la commune de Soligny-la-Trappe au lieu-dit Somsarthe à l’altitude de 205 m. Elle entre dans le département auquel elle donne son nom, au niveau de la commune de Roullée ; puis ensuite elle sert pendant de nombreux kilomètres de limite départementale entre l’Orne et la Sarthe. Elle entre alors pleinement dans le département sarthois au niveau de Saint Léonard des Bois pour en ressortir à Précigné en ayant, là encore, servi de limite départementale. Le cours d’eau poursuit alors son cheminement dans le Maine-et-Loire où, rejoignant la Mayenne, il formera la Maine. La Sarthe aura alors parcouru un peu plus de 300 km.
Carte de Jaillot (1706)
Fontaine Saint Clair à Saint-Aquilin (AD61)
La vallée de la Sarthe à La Fresnaye sur Chédouet
La Sarthe à Pincé
La première partie de son parcours la fait longer la partie orientale du Massif Armoricain en traversant les Alpes Mancelles ; elle a alors un aspect torrentueux. Puis après Fresnay-sur-Sarthe, elle atteint les zones plus planes et serpente au travers de la campagne au milieu des prés. La rivière s’élargit et prend un aspect plus calme. Elle est rejointe au Mans par l’Huisne ; en voici d’ailleurs une description dans un ouvrage de 1620 : « Huine donc ainsi grossie et accreuë descend à Seaux, Pont de Genne, Champigny,Yvré, et à Pontleue prés du Mans, au dessous duquel elle se descharge dedans Sarthe sa sœur aisnée, à laquelle elle est contrainte de ceder son nom, et dedespit qu'elle en a, marche plus de deux grandes lieuës coste à coste, sansse vouloir mesler avec elle, etse faisant recognoistre en ses eaux claires et blanches d'avec celles de Sarthe noirastres etsombres1 ».
1BRY DE LA CLERGERIE (Gilles), Histoire des pays et comté du Perche et duché d'Alençon, 1620, p.13
La Sarthe à Saint Léonard des Bois
Fresnay sur Sarthe
Neuville sur Sarthe
Solesmes
Un nom stable dans le temps
Son nom a peu évolué dans le temps, ce qui laisse à penser qu’il s’agit d’un toponyme très proche de son nom originel. Il apparaît de très nombreuses fois dans les Actus pontficum cenomannis in urbe degentium. Si l’on considère que les Gesta Innocentii, qui racontent les actes de l’évêque manceau Innocent (533-558),s’appuient sur des documents connus au moment de la rédaction des dits Actus1 (vers 835-855), il y est dit que l’évêque Victeur avait fait construire une église où reposent ses successeurs « ultra fluvium Sartae » ; il pourrait donc s’agir du nom connu au VIème siècle. Au VIIème siècle,les Gesta Domni Bertichramni (testament de Saint Bertrand) donnent aussi la forme « Sartae » (Antedictus namque domnus Bertichramnus fecit quandam cellulam ultra fluvium Sartae).
Un diplôme de 676 de Thierry III, roi des Francs, fait mention de l’installation au Mans du monastère Sainte Marie « infra Sartam fluvium »2. Les Actus Pontificum, dans un texte des environs de 835 relatant la translation de la dépouille de Julien depuis le quartier du Pré vers la cathédrale nouvellement édifiée par l’évêque Aldric, citent également « ultra fluvium Sartae ». Le Livre Noir de l’abbaye Saint Florent de Saumur en Anjou rapporte pour l’année 848 l’expression « Sartam fluvium » dans un diplôme concernant un don à ladite abbaye.
On pourrait ainsi multiplier les exemples à l’envi.
1BIARNE (Jacques), Les premiers évêques du Mans, depuis les Fastes épiscopaux de Louis Duchesne, in La foi dans le siècle, PUR, 2009, p. 109-119
2BREQUIGNY (Louis George Oudard Feudrix de), PORTE DU THEIL (François Jean Gabriel de La ), Diplomata, chartae, epistolae, leges, Tome II, Paris, 1849, p. 172
Le Livre Noir (IXème siècle)
Qu’en est-il du « h » dans la Sarthe ?
On lit parfois que c’est au moment de la Révolution que la lettre « h » est apparue pour transformer définitivement « Sarte » en « Sarthe ». Mais il semble que ce soit au cours du XVIIIème siècle que l’orthographe du nom de la rivière mute et s’oriente lors vers sa forme actuelle. Des documents du XVIIème siècle indiquent également « Sarthe » ; c’est le cas par exemple de la carte de Cloppenbourg (1630) sur le comté du Perche. Ou encore le pouillé de l’archevêché de Tours1 qui cite en 1648 « la cure de Sainct Benoist sur Sarthe ».
Au XVIème siècle également on retrouve « Sarthe ». Ainsi Sébastien Münster2 dans sa description du pays du Maine évoque la présence des Cénomans et la fondation du Mans. Dans ce récit légendaire, il évoque Leman, fils de Paris, qui réédifie une ville qu’il nomme Le Mans et qu’il donne le nom de « Sarthe » à la rivière qui l’avoisine.
Même aux époques plus lointaines, il y a des exemples avec la lettre « h » telle la charte de fondation de l’abbaye de Perseigne au milieu du XIIème siècle (« In dedicatione autem ecclesie et in dotisnomine dedi eis apud Rolers prata que sunt a fosseio sicut rivulus qui vocatur Rugemmar circuit usquequo recipitur in Sartham et eamdem Sartham in proprio dominio ad piscandum, ab illo scilicet loco quo predictus rivulus in ea descendit usque ad predictum fosseium et sicut dicta prata extenduntur in longum et latum. »3).
1Pouillé général contenant les bénéfices de l'archevêché de Tours, Paris, 1648, p. 52-53
2MÜNSTER (Sébastien), La cosmographie universelle de toute le Monde, Paris, 1575, p. 45
3FLEURY (Gabriel), Cartulaire de l’abbaye cistercienne de Perseigne, Mamers 1880, p. 3-4
Carte de Cloppenbourg (1630)
Extrait des poèmes de Théodulfe d'Orléans (IXème siècle)
Extrait du testament de Jean de Lexille (XIVème siècle)
Alors, quelle est l’origine du nom « Sarthe » ?
L’hydronyme « Sarthe » s’appuie sur une racine très ancienne, peut-être pré-celtique ; c’est sans doute la même étymologie que « Saar » en Allemagne ou encore que «Serre» dans les Ardennes ou même « Cère » qui naît dans le Cantal. L’origine en serait « sar/ser/sor » voulant dire « cours d’eau », « écoulement ».
Notons que la source à Somsarthe peut se traduire par point haut (source) de la Sarthe.
Une rivière vivante
Il ne s’agit pas ici de montrer tous les éléments qui se sont développés sur et autour du cours d’eau, mais juste d’évoquer l’importance de la rivière dans les activités humaines au travers des âges.
La vallée de la Sarthe est fréquentée depuis longtemps puisque diverses découvertes archéologiques indiquent une présence très ancienne. Les interventions de l’INRAP, par exemple, ont ainsi révélé un site moustérien à Fontenay-sur-Vègre (72) qui a été placé entre -60 000 et – 50 000 ans1. Les fouilles menées par Paléotime à la fin de l’année 2012 au Bois de Sirion sur la commune d’Auvers-Le-Hamon (72) proposent une occupation dans la même fourchette chronologique2. Sur la commune du Mans, la découverte du site de «Château-Gaillard », en limite avec Rouillon, a livré du matériel lithique qui pourrait remonter à environ 75 000 ans3. Mais d’autres pièces archéologiques trouvées dans la région de Sablé (72) en prospection permettent de remonter plus loin dans le temps vers -400 000/-300 000.
On verra également s’installer dans les zones très proches de la rivière des ouvrages fortifiés à l’époque protohistorique : Narbonne à Saint-Léonard-des-Bois ou le Chatelier à Saint-Jean-d’Assé.
Le rempart protohistorique de la butte de Narbonne à Saint Léonard des Bois
On ne connaît quasiment rien de l’utilisation de la rivière à l’époque antique, si ce n’est d’hypothétiques passages. Au moyen-âge, la Sarthe permet de contrôler la circulation et on verra des fortifications s’élever aux points stratégiques pour surveiller les divers mouvements. On citera par exemple les châteaux de Fresnay, Beaumont, La Guierche, La Suze, Malicorne ou encore Sablé. Certains seigneurs disposent des droits de pêche sur la rivière et ce jusqu’à l’abolition des privilèges en 1790. On sait aussi par les les miracula d’Ermentaire (IXème siècle) qu’une femme, accompagnant son fils malade, prend le bateau près du Mans pour se rendre en pèlerinage à Saint-Philbert de Grandlieu ; descendant la Sarthe et la Loire, son navire vient aborder au portus de Rezé.
Le site du château de Fresnay sur Sarthe (Xème siècle)
Le site du château de Beaumont sur Sarthe (XIème siècle)
La Suze sur Sarthe en 1695 (implantation d'un château début XIème siècle)
Le site castral de Sablé sur Sarthe (Xème siècle)
Ensuite la rivière perd sa fonction stratégique mais reste toujours difficile à franchir. Les ponts sont rares et on passe soit à gué soit par des bacs. De plus la plupart des bateaux de marchandises ne remontent que jusqu’à Malicorne ; là il faut soit continuer le transport par route ou soit décharger pour recharger sur de plus petites embarcations. Jusqu’à la fin du XIXème siècle, entre Le Mans et Sablé seule la ville de La Suze permet de passer le cours d’eau sur un pont. On voit, avec les progrès de la Révolution industrielle, certaines communes faire des demandes pour pourvoir franchir la rivière en sûreté. C’est le cas à Spay à partir de 1880, date à laquelle la commune émet une demande ; elle fut renouvelée lors de la séance du conseil municipal le 14 décembre 1886 et l’agent voyer émet un avis favorable. Dès lors, la construction d’un pont à voie unique pourra commencer. Elle est confiée à l’entreprise Fonteix, rue du Marché aux Porcs au Mans. Les parties métalliques seront sous-traitées à la société Baudet, Donon et Cie de Paris. Les travaux s’achèvent en 1890.
Le site du château de Malicorne et son barrage (dessin de 1695)
Le vieux pont de la Suze à la fin du XIXème siècle
Plan du pont de Spay (fin XIXème siècle)
On circule depuis longtemps sur la rivière. Mais l’installation des moulins sur la rivière va perturber la circulation à cause de la mise en place des barrages. Vers le milieu du XIXème siècle, des canaux permettront de contourner les difficultés au sud du Mans. Par exemple en 1846 est lancée l’idée d’une construction, entre Fillé et Roézé, qui permettra de contourner les moulins de Fillé et de la Beunêche. Les travaux sont achevés en 1860. Mais le train connaît sa phase de développement et la navigation va commencer à décliner.
L'entrée du canal à Fillé (carte postale ancienne)
Le canal à Roézé
Canal de Spay (cadastre ancien)
L’eau de la rivière sert aussi pour certaines industries comme les tanneries ou encore pour le rouissage du chanvre. Cela n’est pas sans certains désagréments. Ainsi Victor Eugène Ardouin Dumazet (1852-1940), journaliste qui rédige des guides touristiques (Voyage en France), rapporte en 1898 :« Le rouissage est une cause puissante d’insalubrité. Pendant deux mois, la Sarthe et ses affluents roulent une eau noire et nauséabonde ; l’infection est telle que, dans la traversée de la ville du Mans, les quais sont désertés par les promeneurs. Depuis la fin d’août jusqu’au milieu de septembre, le rouissage est en pleine activité, mais l’infection des eaux se prolonge bien souvent pendant les premiers jours d’octobre ».
On pourrait aussi citer les marbreries de Solesmes qui vont connaître un développement important au cours du XIXème siècle. On utilise la rivière à la fois pour la force hydraulique mais aussi pour le transport des blocs de marbre.
Rouissage du chanvre à Juillé
Moulin à chanvre au Mans
Marbrerie de Solesmes
Tanneries de La Suze
Grands moulins de Saint Georges au Mans
Au cours du XXème siècle, le tourisme se développe également. Les Alpes Mancelles commencent à accueillir les touristes. Au Mans, les bains Boulay proposent de se baigner dans la rivière. Les plages apparaissent comme à Noyen par exemple. A Fillé, le moulin devient une zone attractive.
public du département de la Sarthe deumant patanté
dem(euran)t Louplande soussigné,
Fut present Guillaume Joseph Moynet cultivateur dem(euran)t à Royzé
lequel nous a déclaré que par procès verbal d’adjudication
à lui faite au district du Mans en datte du douze fructidor de
l’an quatre il auroit acquis conjointement avec le c(itoy)en Jean
Beunardeau meusnier aud(it) Royzé l’église dud(it) lieu
de laquelle ils n’ont fait aucun partage ; et comme led(it) c(itoy)en
Moynet désire vendre ce jourdhuy et abandonner la moitié
indivise ne ladite églize ainsi que ses pretantions en ycelle
il a par ces presentes de son gré et volonté sans contrainte
fait par simple et revocable abandon de sad(ite) portion dans
lad(ite) églize avec touttes la garantie qui lui en a été donnée
au district et sans autres ; aux citoyens
Simon Pierre Blin Jacques Morillon Issaac de la
Roche et Etienne Chevallier tous cultivateurs
demeurants commune dud(it) Royzé à
ce présents et acceptants acquerants pour eux seullement
la moitié de lad(ite) églize indivise comme dit est circonstances
et dépendances et tel quel se poursuit et comporte sans par
led(it) vandeur en rien retenir ni reparer qu’ils ont dit
bien connoitre et dont ils se sont contantés à
présent et disposeront comme led(it) citoyen vandeur y étoit
fondé et en entreront en jouissance et propriété de ce jour
se rezervant led(it) vandeur la liberté d’avoir dans lad(ite)
églize deux plasces de bancs y compris celuy qui lui apartient
de chacun trois plascesll Et que la porte de lad(ite) églize donnant
sur la cour du prieuré dont il est propriétaire restera
avec son ouverture ordinaire sans qu’on puise la condamner
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au moyen de ce que led(it) vandeur demeurera responsable
des inconvenients qui pouroit intervenir par lad(ite) porte
et sous la même rezerve par led(it) vandeur du droit de
faire batir à la rencontre des murs de lad(ite) églize sur
ses propriétés tels bastiments qu’il jugera necessaire
se pendant sans toles le jour d’icelle ?
maniere ni dommager les murs
La présente vendition ainsi faitte de lad(ite) moitié de
lad(ite) églize circonstances et dépendances auxd(ites)
charges par le vandeur aux acquereurs pour
et moyenant la somme de principalle de cinq cents
francs en argent valleur metalique laquelle somme
lui a été presentement payée par lesd(its) acquereurs
Dont il les quitte sans rezerve ni recherches
et a consanti qu’il demeure subrogé de tous
ses droits de propriété sous raizon d’icelle et
tels qu’ils sont expliquer sans l’adjudication
ci-dessus dattée qu’il leur a délivré presentem(en)t
avec les quittances justificatives des payements
Dont acte et jugé tous les établis de leur
consantement après lecture donnée qu’ils ont dit
bien entendre fait et arresté audit Royzé lesd(it) jour
et an que dessus presents les citoyens Louis Chaumier
et François Benoist tisserans dem(euran)ts aud(it) Louplande
témoins requis et appellés soussignés avec nous
et lesd(ites) parties ne signent enquises fors les soussignés
les mots quatre à ladite et abandon comme bons
ll sans restribution Rayé trois lignes et onze mots
ou sillabes nuls
[signatures] J. Moynet, S Pierre Belin
E. Chevallier, I. de Laroche
F. Benoist, J. Morillon, Garouy
L'église de Roézé (carte postale ancienne)
Quelques informations :
L’église de Roézé, sous le vocable de saint Pierre, relevait de l’abbaye de la Couture au Mans qui l’aurait reçue par un don de Lon, seigneur de Roézé, sans doute dans le second quart du XIème siècle. Mais l’étude archéologique des appareillages de la nef romane laisse à penser que l’édifice aurait été construit lors du dernier quart du Xème siècle ou au début du XIème siècle. Les dessins réalisés avant l’importante phase de travaux de la dernière décennie du XIXème siècle, montrent quatre fenêtres hautes reliées par un cordon mouluré sur le mur gouttereau nord ; cet élément architectural se trouve en général sur des bâtiments construits à la charnière des Xème et XIème siècles. Quant à la massive tour-clocher, elle serait plutôt du XIIème siècle. On retrouvera également des éléments du portail roman, sans doute d’une seconde phase, dans les contreforts de la façade ouest.
Eglise de Roézé; mur gouttereau nord d'époque romane (charnière Xè/XIè s.)
Eglise de Roézé; tour-clocher (XIIè s.)
Eglise de Rozé; élément de l'ancien portail roman
Extrait du cartulaire de La Couture (copie du XIIIè s.)
Prieuré de Roézé (carte postale ancienne)
Dès le début de la Révolution Française, c’est à dire en novembre 1789, les biens de l’Église sont mis en vente pour combler les dettes de l’État. Il s’agit de vendre aussi bien les objets meubles que les biens immobiliers. Ainsi en juin 1794, sont mis en vente les ornements liturgiques de la paroisse de Roézé. Quant au bâtiment lui-même, un état avant vente de 1795 indique que la couverture de l’église est percée de trous et que les trois quarts des ardoises sont pourries. C’est alors Jacques Cosset, maréchal au bourg de Roézé, qui prend le bail de l’église et du cimetière attenant.
Puis l’église est vendue en 1796 conjointement à Joseph Moynet, cultivateur, et à Jean Beunardeau, meunier.
D’autres biens appartenant à l’Église avaient également été vendus : le moulin de Roézé acquis par Jean Beusnardeau, la métairie du Bordage adjugée à Charles Trudelle, les deux métairies de la Courbe pour Anne Joseph Daniel de Vauguyon, la métairie de Saint Fraimbault à Louis Marie Daniel de Beauvais, la métairie de la Coudre à Alexandre Brossard, la métairie des Roudières à Levasseur, le bordage de la Forêt à René Poirier, la métairie du Creulet à Thibault René Levasseur, la métairie de la Lisambardière à Pierre Moinet, la métairie du Port à Jean Boyeau, la maison de la Grande Fabrique à Marin Bouttier, la maison de la Petite fabrique à Michel Barbier, le bordage de la Blinerie à Godefroy Lenoir, le bordage du Pont de l’Orne à Marin Bouttier, le bordage de la Herengère à Pierre Rocher.
Cadastre 1843 section G3 (source AD72)
Vue aérienne de Roézé (carte postale ancienne)
Pour ceux qui souhaitent avoir plus de précisions, on peut lire l’ouvrage de François Garnier, Roëzé-sur-Sarthe, Grand et petites histoire d’un village du Maine, publié en 2021.
La tradition populaire locale veut que Gilles de Rais ait résidé à La Suze. On appelle d’ailleurs le château de La Suze « château de Barbe Bleue » ; la tradition dit également que des crânes et des instruments de torture y auraient été découverts. Qu’en est-il réellement ?
Carte postale ancienne
Voyons d’abord qui était Gilles de Rais. Né en 1404 ou 1405 de Guy II de Laval et de Marie de Craon, il devient orphelin à dix ans et est élevé avec son frère René par son grand-père, Jean de Craon, seigneur de La Suze. Il se dit d’ailleurs que c’est l’éducation malsaine inculquée par ce grand-père à ses petits-fils qui aurait joué sur le comportement de Gilles.
Portrait imaginaire peint par Eloi Firmin Féron en 1834
En 1422, il épouse Catherine de Thouars, sa cousine. Puis il participe activement à la guerre de Cent-Ans en combattant les Anglais aux côtés de Jeanne d’Arc. Après la mort de celle-ci en 1431, Gilles de Rais se retire sur ses terres. Très vite il s’endette pour assouvir ses goûts mégalomaniaques et se renferme sur lui-même. Il mène diverses actions pour récupérer certains de ses biens. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il s’attire les foudres du clergé en n’hésitant pas à entrer dans les églises les armes à la main et en menaçant les curés. C’est à la suite de l’enquête de 1440 par l’évêque de Nantes sur ce sacrilège qu’apparaissent les premiers témoignages sur les actes commis par Gilles de Rais.
Témoignage recueilli lors du procès
Témoignage recueilli lors du procès
On l’accuse d’avoir fait disparaître une centaine d’enfants et d’adolescents, mais aussi de pratiquer la magie et de pactiser avec le diable. Il est arrêté le 15 septembre 1440, jugé en procès ecclésiastique entre les 8 et 25 octobre 1440. Le 26 octobre, il est exécuté avec certains de ses complices.
D’où vient cette tradition sur la présence de Gilles de Rais à La Suze ?
Tout d’abord, nous l’avons vu, les seigneurs de La Suze sont de la même famille que celle de Gilles de Rais. En 1432, Jean de Craon meurt. Il était seigneur de La Suze ; la seigneurie passe alors à René de Rais, frère de Gilles. On dit parfois que Gilles eut une partie de la seigneurie de La Suze, mais nous n’en avons pas trouvé de preuves.
Il est vrai cependant que Gilles de Rais est passé en notre région lors de la guerre de Cent-Ans. Ainsi il fait le siège de diverses garnisons au Lude ou encore à Malicorne, sans doute en 1427.
Le deuxième point est la clé de l’énigme. Selon les pièces du dossier du procès de Gilles de Rais, il existe un hôtel de La Suze appartenant à Jean de Craon puis légué Gilles en 1432 et dans lequel furent trouvés des ossements humains. Mais cet hôtel particulier se situe à Nantes, paroisse Notre-Dame. C’était un bâtiment richement décoré qui n’était pas sans faire de l’ombre au château des ducs de Bretagne. On y trouvait également une riche chapelle dotée d’une vingtaine de clercs. En 1495, la duchesse Anne de Bretagne en fit le siège de la Chambre des Comptes ; mais il ne servira jamais à cet effet et restera à l’abandon. Il ne sera vendu qu’en 1543 à la famille Le Frère puis de la Tuillaye (voir l’article de Héloïse Ménard paru en 2001 : https://journals.openedition.org/abpo/1690?file=1).
C’est au 19ème siècle que semble s’établir la confusion entre La Suze (72) et l’hôtel de La Suze à Nantes. On trouvera ainsi cette explication dans la célèbre « Histoire de France » de Jules Michelet publiée en 1841, ouvrage dans lequel il signale la présence d’ossements au château de La Suze. Il n’en fallait pas plus pour que certains comprennent qu’il s’agissait du château de La Suze dans le département de la Sarthe.
Le temps, la légende, les confusions et la vox populi ont fait un amalgame dont s’est emparée la ville de La Suze en Sarthe.
On peut lire sur plusieurs sites Internet, mais également dans divers articles, cette histoire des restes humains découverts au château de La Suze (72). On sait maintenant que ce n’est qu’une légende issue d’une mauvaise lecture des documents.
Carte postale ancienne
Voici une liste d'extraits de documents qui permet de visualiser la confusion entre l'hôtel de La Suze à Nantes et La Suze (72) :
Avant 1440, Archives Départementales de la Loire-Atlantique
Vente par Gilles de Retz au chapitre de Notre-Dame, de Nantes, d'une rente de 40 livres à prendre sur l'hôtel de la Suze, pour 424 écus
1768, Expilly, Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, Volume 5, p.33
Le palais de la cour-souveraine de la chambre des comptes de Bretagne. Après diverses variations, cette cour fut fixée à Nantes, dans la maison de Montfort, autrement dite de la Suze, qui avoit été confisquée au profit du duc François II par l'arrêt rendu le 25 octobre 1440 contre le maréchal Gilles de Retz, st dont ce dernier avoit hérité, quelques années auparavant par le décès de son oncle, le sire de la Suze.
1825, Le Lycée Armoricain, Cinquième volume, p. 610
Suivez-moi maintenant dans la rue Notre-Dame, et visitons l’hôtel de La Suze. Quoi ! vous ne frémissez pas ? Songez-donc que ce fut la demeure de ce fameux Gilles de Retz, de ce grand coupable, qui, sous le nom de Barbe-Bleue, vous a tant fait trembler dans votre enfance.
1841, Jules Michelet, Histoire de France jusqu’au XVIème siècle, Nouvelle Edition, Tome 5, p. 211
On trouva dans la tour de Chantocé une pleine tonne d’ossements calcinés, des os d’enfants en tel nombre qu’on présuma qu’il pouvait y en avoir une quarantaine. On en trouva également dans les latrines du château de La Suze, dans d’autres lieux, partout où il avait passé. Partout il fallait qu’il tuât … On porte à cent quarante le nombre d’enfants qu’avait égorgés la bête d’extermination.
1844, La Bretagne ancienne et moderne, p. 481
On trouva dans les souterrains de Tiffauges, dans la tour de Chantocé, dans les latrines du château de la Suze, les cadavres ou les squelettes de cent quarante enfants massacrés et flétris
1844, Aristide Mathieu Guilbert Histoire des Villes de France, p. 267
Ses châteaux de Machecoul, de Tiffauges, son hôtel de La Suze, à Nantes, étaient devenus d’infernales officines dont personne n’osait s’approcher …
1846, Leitch Ritchie, The magician, The parlour Novelist, p. 278
“My lord” said Andrew, who could no longer whitold, “after taking your instructions regarding certain bales, furnished by Jacquin Houpelande, the arrival of which at the Hôtel de La Suze I am come to announce, the young man, if so please you, can proceed to Nantes with me”. Gilles de retz stood all this while glaring at the scholar, with a mixture of surprise and indignation in his feelings to which he thought it beneath his dignity to give vent.
1846, Antoine Eugene de Genoude, Histoire de France, Tome X, p. 33
On trouva dans la tour de Chantocé une pleine tonne d’ossements calcinés, des os d’enfants en tel nombre qu’on présuma qu’il pouvait y en avoir une quarantaine. On en trouva également dans les latrines du château de La Suze, dans d’autres lieux, partout où il avait passé. Partout il fallait qu’il tuât … On porte à cent quarante le nombre d’enfants qu’avait égorgés la bête d’extermination.
1853, Pierre Dufour, Histoire de la prostitution chez tous les peuples du Monde, p. 325
On trouva , dans les souterrains de Chantocé, de La Suze, d’Ingrandes, etc. les ossements calcinés et les cendres des enfants que le maréchal de Retz avait assassinés, après avoir abusé d’eux.
1854, Stendhal, Mémoire d’un touriste, p. 336
Ces sacrifices humains avaient eu lieu dans les châteaux de Machecoul, de Chantocé, de Tiffauges, appartenant au maréchal ; dans son hôtel de La Suze à Nantes, et dans la plupart des villes où il promenait sa cour.
1855, Victor Adolfe Malte-Brun, Auguste-Henri Dufour, La France illustrée: geographie, histoire, administration et statistique, p. ?
On en trouva également dans les latrines du château de la Suze, dans d'autres lieux, partout où il avait passé. Partout il fallait qu'il
1857, Henri Martin, Histoire de France, Tome VI, Quatrième Edition, p. 397
On trouva les ossements de cent quarante enfants dans les tours et dans les puits de Chantocé, de La Suze et dans d’autres châteaux du maréchal de Retz.
1858, Revue Archéologique, p. 731
On trouva dans les souterrains de Tiffauges, dans les châteaux de Machecoul, de Chantocé, de la Suze, les cadavres ou les squelettes de cent quarante enfants, massacrés après avoir été honteusement flétris
1861, Jules Michelet, Histoire de France, Nouvelle Édition, Tome 5, p. 196-197
On trouva dans la tour de Chantocé une pleine tonne d’ossements calcinés, des os d’enfants en tel nombre qu’on présuma qu’il pouvait y en avoir une quarantaine. On en trouva également dans les latrines du château de La Suze, dans d’autres lieux, partout où il avait passé. Partout il fallait qu’il tuât … On porte à cent quarante le nombre d’enfants qu’avait égorgés la bête d’extermination.
Carte postale ancienne
1862, Bulletin de la Société Archéologique de Nantes, Tome second, p. 224
C’est aussi le 30 mai suivant [1434] que le chapitre de N.-D. acquit de Gilles de Rays, chevalier, seigneur de Rays et de Pouzauges, maréchal de France, quarante livres de rente sur la maison de La Suze, paroisse de N.-D et de Saint-Vincent, pour la somme de cent vingt-quatre écus d’or, en paiement desquels furent comptés deux cent quarante-trois écus d’or vieux et de bon poids, pesant ensemble trois marcs six onces et demi d’or, et deux cent vingt-cinq livres monnaie courante.
1881, Paul Le Coustour, Ballades et légendes Bretonnes: accompagnées de notices historique, p. 243
…dans les latrines du château de la Suze (Sarthe), les cadavres ou les squelettes de cent quarante enfants massacrés et flétris
1886, Eugène Bossard, Gilles de Rais, maréchal de France: dit Barbe-Bleue (1404-1440), p. 211
On trouva dans les souterrains de Tiffauges, dans la tour de Chantocé, dans les latrines de La Suze, les cadavres ou les squelettes de cent quarante enfants, massacrés ou flétris.
1886, Revue de l’Anjou, p. 31
Sur les bords de l'Erdre, à Nantes, on montre encore une maison qu'on appelle le château de Barbe-Bleue. C'est l'emplacement de son ancien hôtel de la Suze.
1908, Bulletins et mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, p. 490
Quand Gilles de Rais fut condamné par la Religion catholique, comme pour sa compagne Jeanne d'Arc , il se fit autour de son nom des Légendes ...
On en trouva également dans les latrines du château de la Suze, à Nantes, à Rais, à Tiffauges, à Machecoul, partout où Gilles de Rais avait passé. On évalue à 149 les enfants égorgés, sans compter un nombre illimité de femmes, dont cent,
Carte postale ancienne
1908, Francesco Protonotari, Nuova antologia, p. 676
Egli si chiamava Gilles de Retz, della casa di Lavai, della stirpe dei duchi ... il suo palazzo de la Suze, a Nantes, superava di molto, per il suo fasto
1911, Ernest Lavisse, Histoire de France illustrée depuis les origines jusqu'à la révolution, p. 183
Au moins cent quarante enfants des deux sexes furent ainsi introduits dans les châteaux de Tiffauges, de Machecoul, de la Suze,
1994, Michèle Brocard, Catherine Marçais, Anne de Chypre, duchesse de Savoie 1418-1462, p. 122
A Champtocé fut trouvée une quantité prodigieuse d’ossements calcinés, l’équivalent de quarante enfants. D’autres débris gisaient également dans les latrines du château de La Suze.
L'église de Fillé (72) est dédiée à Saint Martin de Vertou et sa première mention apparaît en 1233 dans le cartulaire de la Couture (Ecclesiam de Filleio). C’est un bâtiment aux éléments architecturaux hétéroclites allant du XIème siècle au XXème siècle. Les traces les plus anciennes du bâtiment sont visibles sur le pignon ouest et correspondent à un appareillage que l’on peut sans doute placer au XIème siècle ou au XIIème siècle. Le chevet avec ses trois contreforts est plutôt du XIIIème siècle. On sait que vers 1735 les habitants sont convoqués car la fabrique doit refaire la pointe du pignon qui menace de s’écrouler. Puis la Libération de 1944 a provoqué un grave incendie; les troupes américaines ont tiré sur le clocher pour y déloger d’éventuels soldats allemands. L’édifice a alors entièrement brûlé.
Extrait cadastral de 1844 avec l'ancien presbytère à droite de l'église et le cimetière au devant de l'église.
Le chevet avec les classiques trois contreforts (XIIIème siècle)
Appareillage roman sur le pignon ouest.
Source : AD72
L'église de Fillé après l'incendie d'août 1944 (cliché Gaignon).
La statue qui nous intéresse ici a réussi à passer au travers de ces destructions. Il s'agit d'une Vierge à l'Enfant en terre cuite d’une hauteur de 1,30 m. et qui a été classée le 16 juillet 1908. On sait qu’en 1761 il existait un autel de la Vierge, mais nous n’avons pas pour le moment trouvé de document attestant la présence de cette terre cuite au XVIIème siècle dans l’église. Il est cependant tentant de penser qu’une œuvre d’une telle qualité soit issue d’un don fait par un personnage riche. Or à cette époque à Fillé, le personnage de haut rang est Jean Leboindre, bourgeois du Maine, conseiller au Parlement de Paris, entre 1647 et 1651, puis exilé en province au moment de la Fronde. Il revient à Fillé dans les années 1650 pour s’occuper de son domaine du Gros Chesnay.
On peut, sans modestie aucune, parler de véritable œuvre d’art. Elle est attribuée à Charles Hoyau, sculpteur décédé en 1644. On sait peu de choses sur lui mais on reconnaît dans plusieurs œuvres du Maine son savoir faire. Plusieurs de ses sculptures, dont certaines sont signées, se trouvent encore dans la Sarthe : la plus célèbre d’entre elles est la Sainte Cécile jouant de l’Orgue et visible dans la cathédrale du Mans. Mais on rencontre d’autres statues à Cérans-Foulletourte, La Flèche, Marolles-les-Braults, etc.
Pour de plus amples renseignements sur la statuaire en terre cuite du Maine, il est conseillé de se rendre sur le site "Sculptures en terre cuite du Maine".
Nous reprenons ici une information de l'Association Racines et Patrimoine basée à Mézeray (Sarthe). En effet celle-ci se lance dans un ambitieux projet portant sur la préservation de la race de la poularde de Mézeray.
Les objectifs de ce projet
- Participer à la sauvegarde d’une poule de race ancienne.
- Promouvoir son origine de Mézeray au sein de la Communauté de Communes du Val de Sarthe, en France et à l’étranger.
- Promouvoir le patrimoine vivant de notre commune.
- Mettre en place, pour les enfants des écoles, des ateliers lecture.
- Motiver et aider de jeunes éleveurs pour qu’ils s’engagent dans cet élevage.
Un ouvrage va être édité sur le sujet (voir le document ci-dessous).
Avant d’arriver à Chemiré le Gaudin (72), sur la droite de la route qui vient du Mans, le château de la Sauvagère domine la vallée du Renom et le bourg. La zone est occupée dès l’Antiquité comme le prouvent divers enclos repérés dans ce secteur géographique.
Carte posdtale ancienne avec le bourg de Chemiré le Gaudin et la Sauvagère au fond.
La terre de la Sauvagère est citée pour la première fois vers 1225/1240 comme étant le logis de Nicolas du Désert1, lequel fut inhumé dans l’église de Chemiré au devant de l’autel saint Michel. L’étude des photographies aériennes et des cadastres anciens ne semblent pas laisser paraître de structures plus anciennes du type motte castrale.
C’est peut-être de cette époque que datent les parties les plus anciennes de l’édifice. En effet, on peut voir dans les caves du château une porte en arc brisée qui n’est pas sans rappeler les portes du logis médiéval de la Perrière à Voivres.
Puis en 1392, la terre appartient à Guillaume du Désert, chanoine de la cathédrale du Mans, petit-fils de Nicolas1. Il décède en 1396 et fut inhumé comme d’autres membres de sa famille devant l’autel saint Michel. C’est sans doute depuis cette époque qu’existe un banc de la Sauvagère dans l’église de Chemiré. Le domaine passe alors à Jean Didon et Guillaume Goupil.
La chapelle du château aurait été fondée en 1443 selon André Latron2. Elle sera ensuite reprise plusieurs fois. Mais la chapelle installée dans un des deux pavillons d’entrée n’est peut-être pas celle du XVème siècle.
1F. LEGEAY, Recherches historiques sur Chemiré-le-Gaudin, Bulletin de la société d’agriculture sciences et arts de la Sarthe, 1885, p. 52
2A. Latron, Les chapelles de châteaux et manoirs dans le Maine, La Province du Maine, 1995, p. 229
La chapelle (au premier plan) et l'aile nord (au fond)
Le clocheton de la chapelle
Le lambris peint de la voute de la chapelle
Le lambris de la chapelle
On trouve ensuite en 1458 une déclaration faite par Martin Talluet concernant le domaine de la Sauvagère qu’il a acquit sans doute par sa femme, Jeanne Goupil.
En 1512, Mathurin Talluet, fils de Martin, « rachète partie de la Maison et du Domaine de la Sauvagère à Pierre Trouillart qui les avait précédemment acquis dudit Talluet par contrat à grâce et qu’il y avait lésion ». Puis Perrine Talluet, fille de Mathurin épouse Thibault Teillay apportant ainsi la Sauvagère dans cette famille.
Le 4 juin 1561, le domaine est vendu à Charles Le Vayer, sieur de la Timonière, avocat manceau. Dès lors, une nouvelle époque commence pour le château.
Cette célèbre famille du Maine est également présente à Chemiré avec Philibert Le Vayer, sieur de Lignerolles, écuyer, capitaine de cinquante hommes d’armes, gentilhomme ordinaire du duc d’Anjou, qui devient en 1567 seigneur de Belle Fille, Athenay et Chemiré le Gaudin.
C’est Charles Le Vayer avec son épouse Françoise Dagues qui fait construire le portail d’honneur et, probablement, la grande allée qui va rejoindre la route du Mans. Ce portail, classé Monument Historique, joue sur l’alternance des pierres sombres de roussard et du calcaire clair de Bernay. On retrouve ce type de décor sur la porte d’entrée de la Maison ainsi que sur la porte de l’autre façade. C’est aussi de cette époque que date un écusson de pierre au-dessus de la fenêtre représentant les armes des Le Vayer.
On remarquera à l’intérieur du château le magnifique escalier de bois sans doute installé par les Le Vayer.
Le portail d'accès au château
La grande allée qui rejoignait la route (cadastre 1843)
Le grand escalier en bois (XVIIème siècle)
L'accès au logis (côté est)
L'accès au logis (côté ouest)
C'est en 1618, après jugement réglant partage de succession entre François Le Vayer, lieutenant général en la sénéchaussée du Maine, et Pierre Le Vayer, sieur de la Chevalerie, conseiller en l'élection du Mans, son frère que les terres de la Sauvagère, Champfleury et Béchereau reviennent à ce dernier. Avec son épouse Anne Hubert (ou de Hébert) et leur fils Denis ils font sans doute construire l’aile actuelle du château. Ce sont eux qui font faire la décoration armoriée de la voûte de la chapelle. Et on leur doit sans doute les quatre lucarnes du deuxième étage de la partie centrale du château et les lanternons sur les deux tours de la cour d’honneur.
L'aile nord
L'aile nord (côté cour)
En 1642 Denis Le Vayer, Conseiller du Roi en sa cour des Aides à Paris, épouse Elisabeth de La Rivière. La décoration du grand salon reprend leurs initiales « DLV » et « EDLR » comme motifs de décoration.
Le plafond décoré (XVIIème siècle) du grand salon
En 1691, le domaine de la Sauvagère passe dans la famille de Seguin. Puis il est vendu en 1716 à François de Maurepas qui le revend vers 1735 à Bon de Jupilles. La décoration du petit salon, de pur style régence, date probablement de cette époque ainsi que la plupart des cheminées actuelles du château.
Puis en 1755, Jean Baptiste de Jupilles vend le domaine à Etienne de Monceaux. Sa fille Marie-Anne va épouser en 1760 Jean Etienne Rivault. Le château restera dans cette famille jusqu’en 1829, date à laquelle il passe dans les biens de la famille de Tilly.
En 1831, Marie Madeleine Aimée de Tilly épouse Alexandre Edouard de Sarcé, par ailleurs seigneur de Belle Fille à Chemiré le Gaudin. Le domaine reste aux de Sarcé jusqu’en 1920, c'est-à-dire jusqu’à la vente faite à Jean Marie de Montesson qui cède l’année suivante le château (amputé de son allée, de ses terres agricoles et des bois du Belvédère), à Charlotte Cuirblanc.
Le 22 février 1937, Lucien Trouvé et son épouse Suzanne Bodereau acquièrent la Sauvagère puis une partie des bois du Belvédère ainsi que les terres de Béchereau et de Bellefille. Lors de la Seconde Guerre Mondiale, ils accueillent dans l’aile du château la Croix Rouge Française qui y établit des dortoirs et des salles communes pour quarante jeunes réfugiées brestoises. Viennent aussi se cacher à la Sauvagère des personnes de confession juive et des réfractaires du Service du Travail Obligatoire en Allemagne.
Le 24 mai 1968, la SCI La Sauvagère, dont les associés sont alors Madeleine Trouvé, Pierre Trouvé et Yvette Trouvé, fait don du château à l’Hôpital Hospice de Sablé-sur Sarthe, avec l'obligation morale d’y perpétuer une œuvre sociale et apolitique de jeunes.
Le 8 septembre 2000, l’Hôpital Hospice de Sablé sur Sarthe, devenu Pôle Santé Sarthe et Loir, cesse d'exploiter le domaine. Il le loue pour cinquante ans à l’un des descendants de la famille des donateurs, Jean François Coué-Trouvé qui en fera l’acquisition en 2007 lors de sa mise en vente à la bougie.
Carte de Jaillot (1706)
Carte de Cassini (1765)
Cadastre 1809
Cadastre 1843
Il faut également noter le présence d’un belvédère, à priori édifié en 17451, à quelques centaines de mètres du château et sur les hauteurs. Il est malheureusement en mauvais et l’intérieur a été dégradé par des tirs au fusil de chasse.
1F. LEGEAY, Recherches historiques sur Chemiré-le-Gaudin, Bulletin de la société d’agriculture sciences et arts de la Sarthe, 1885, p. 52
Carte postale montrant le belvédère (début XXème siècle)