Aujourd’hui dix huitième du mois de février mil sept cent soixante six sur les dix heures du matin, devant nous René Bellanger, notaire tabellion royal au Maine demeurant à Roézé, étant au lieu et bordage du Chêne Vert situé paroisse de Voivres.
Inventaire a été fait des meubles morts et vifs, dettes actives et passives dépendants de la communauté qui a eu cours entre défunt Charles Cosnilleau bordager, fermier dudit lieu du Chêne Vert et Marie Alleton sa dernière femme, avant elle veuf en premières noces de Marie Poirier, et en secondes de Marie Nieceron, demeurant audit lieu du Chêne Vert tant en son nom que de mère et tutrice naturelle de Marie âgée de six ans et de Pierre Cosnilleau âgé de six mois ou environ ses enfants et dudit défunt.
A la requête et en présence de ladite Marie Aletton veuve dudit Cosnilleau, de Charles Cosnilleau garçon âgé de vingt sept ans ou environ et Marie Cosnilleau fille âgée de vingt deux ans aussi ou environ demeurant audit lieu de Chêne Vert audit Voivres enfants dudit défunt et de ladite défunte Marie Poirier sa première femme, de Michel Nieceron bordager demeurant paroisse de Bousse oncle maternel de Françoise Cosnilleau fille âgée de douze ans ou environ issue dudit défunt et de ladite Marie Nieceron sa seconde femme demeurant aussi audit lieu de Chêne Vert, et de Anne Nieceron veuve de Thomas Loriot, métayer, demeurant paroisse de Cérans sa tante au même côté maternel.
Et auquel inventaire procédant sous le bon plaisir de Monsieur le Bailly du siège d’où relève ledit lieu et en attendant qu’il sera pourvu de tuteurs aux mineurs, les meubles et effets ci après par elle représenté ont étés inventoriés en la forme et manière suivante en attendant qu’il en soit procédé à la vente.
Le Chêne Vert à Voivres Lès Le Mans, Cadastre 1809
Le Chêne Vert à Voivres Lès Le Mans, Photographie aérienne 1949
René Bellanger est notaire dans la paroisse voisine de Roézé, où il est né en mai 1706, et il a pris la suite de l’étude après le décès de son père en 1731. Il y avait un notaire à Voivres dont il n’existe quasiment aucune archive. Il se nommait Olivier Ory et est inhumé dans l’église de la paroisse le 27 janvier 1704. Nous ne trouvons alors plus de notaire à Voivres. Les habitants traitent alors leurs affaires avec les notaires des paroisses voisines.
Le 10 juin 1714 naît Charles Cosnilleau à Voivres ; il est le fils de Charles et de Marie Lemonnier. Il décède dans cette même paroisse le 16 février 1766, deux semaines après son père. Il était peut-être déjà bien malade puisque seuls ses frères sont cités dans l’acte d’inhumation de son père.
Charles Cosnilleau fils a été marié trois fois comme le dit l’acte de vente des biens. Sa dernière épouse fut donc Marie Alleton qu’il avait épousé à Voivres le 6 juin 1758 ; son père est alors qualifié de journalier tandis que lui est bordager. Son précédent mariage, avec Marie Nieceron, avait été célébré à Roézé le 3 février 1750. Quant au premier mariage, il a été fait à Voivres avec Marie Poirier le 24 novembre 1734. De l’ensemble de ces unions naquirent neuf enfants.
Charles Cosnilleau père était déjà bordager au Chêne Vert puisqu’il signe un bail en 1743 avec son propriétaire François Charles Dupont d’Aubevoye dont la famille a acquis des terres à Voivres au milieu du XVIIème siècle. Le bordager est l’exploitant agricole du bordage, ferme de quelques hectares seulement. Quant au métayer, c’est l’exploitant d’une métairie soit en faire valoir direct (plutôt rare), soit avec un bail à ferme (versement d’un fermage en argent), soit avec un bail à moitié (versement d’un fermage qui est la moitié de la récolte).
Les meubles désignent les biens qui ne sont pas immeubles. Ainsi les meubles vifs (vivants) peuvent être des animaux. Les meubles morts sont tous les autres biens (meubles, objets, récoltes, etc.).
Baptême de Charles Cosnilleau, Registre paroissial de Voivres Lès Le Mans, 1714
Mariage de Charles Cosnilleau, Registre paroissial de Roézé sur Sarthe, 1750
Sépulture de Charles Cosnilleau, Registre paroissial de Voivres Lès Le Mans, 1766
Et premier une crémaillère avec son cremaillon, une pelle de fer à servir au feu, une grille, un rôtissoir à pain, et un réchaud à écuelle de cuivre.
Item deux crocs, une bêche, une fourche de fer, une hache à bûcher, un sermeau et un mauvais broc, deux pelles à bêcher, et un vouge.
Item une mauvaise huche de bois de chêne et deux sas à sasser la farine et une racliere de fer.
Item un coffre de bois de poirier fermant de clef.
Item un autre coffre de bois de chêne aussi fermant de clef.
Item un mauvais marchepied de bois de chêne non fermant de clef.
Item une table longue de bois de chêne et deux tiroirs aux deux bouts dont un fermant de clef et deux bancs.
Item un bois de lit d’alizier avec sa carrie et font, une mauvaise bailliere, une couette à taie de toile, un traversier et un oreiller à taie de couetty le tout garni de mauvaise plume d’oie usée, son entour composé de trois morceaux de serge verte, deux vergettes de fer, un dossier et un vanellier de toile commune et une couverture de laine blanche.
Item dans une chambre froide à côté, un autre mauvais bois de lit de chêne composé de son entour de toile commune et un traversier à taie de toile garni de mauvaise plume d’oie et une mauvaise couverture de serge blanche.
Item un fût de busse aussi rempli de cidre.
Item un autre fût de busse à demi plein de cidre.
Item cinq autres mauvais fûts de busse, deux de quart, deux jales, deux petits baranchaux, le tout vide et un fût de cuvier avec sa selle.
Item une marmite avec sa cuiller de fer à servir au pot, deux chaudrons l’un grand et l’autre petit le tout de fer ou fonte.
Item une mauvaise poêle à frire.
Item un chandelier de potin.
Item deux mauvaises faux avec leurs enthes, un marteau et un coyer de faucheur.
Item une serpe à tailler et un terriere.
Item douze livres de vaisselle d’étain tant plate que creuse.
Item un crochet à peser.
Item deux mauvaizes ferusselles et une lanterne de fer blanc.
Item un rouet à filer du brin, un travouil, une baratte avec son baratton, et une mauvaise paire de balances à écuelles de bois,
Item neuf draps de chacun trois aulnes de toile commune, deux nappes de même toile dont une d’une aulne et demie et l’autre d’une aulne, une mauvaise serviette de toile de brin, quatre essuie-mains de toile de gros, un bissac et un charrier de toile de gros et deux poches de même toile, et deux souilles d’oreiller de toile commune.
Item dix neuf livres de fil de gros écru, et deux livres et demies de brin aussi écru.
Item sept livres de poupées de gros et brin.
Item onze livres de poupées de gros.
Item un mauvais van, un crible, un pot de guerlande, deux minettes et un fût de boisseau et un de quarteron.
Evocation d'un intérieur, maison Louis Simon à La Fontaine Saint Martin (Sarthe)
Evocation d'un intérieur, maison Louis Simon à La Fontaine Saint Martin (Sarthe)
Evocation d'un intérieur, maison Louis Simon à La Fontaine Saint Martin (Sarthe)
Evocation d'un intérieur, maison Louis Simon à La Fontaine Saint Martin (Sarthe)
Evocation d'un intérieur, maison Louis Simon à La Fontaine Saint Martin (Sarthe)
Dans le grenier
Item dix boisseaux de froment et avoine mêlés, huit de bled noir et trois de seigle le tout comble et à l’ancienne mesure du Mans.
Item une siviere rouleresse et une mauvaise broye à broyer rompue.
Item dans l’écurie aux chevaux une vieille cavalle sous poil gris et son poulain d’un an.
Item dans l’étable aux vaches une mère vache sous poil brun.
Item une autre mère vache sous poil rouge.
Item deux autres mères vaches aussi sous poil rouge.
Item une petite taure de deux ans sous poil rouge et deux veaux de lait.
Item une brebis.
Item un bas de cheval, des paniers à fumier, des harasses, et une bride.
Item un porc en soie blanche.
Item dans la cour trois poules, deux oies et quatre canes.
Item quinze pièces de poterie de terre de Ligron dans l’une desquelles il y a environ demie livres de sel de gabelle.
Item les habits et linges à l’usage dudit défunt consistant :
Premier dans un habit de breluche, une veste et une culotte de droguet, deux mauvaises paires de guêtres en toile commune, deux autres mauvaises culottes de coulonge, un chapeau, un bonnet de laine, un mouchoir de fil, une mauvaise paire de souliers et six mauvaises chemises de toile commune.
Item trois livres de beurre salé et en pot.
Item une pelle de four et un rouable.
Item quatre fourches de bois, un râteau à foin et deux emotouers.
Item deux mauvaises seilles et un godet de bois.
Item dans la grange une mauvaise couchette sur paux qui est dans la grange garnie seulement d’une balliere et un travers garni de balle le tout de toile de gros.
Item dans un baquet inventorié ci devant qui est dans ladite maison environ deux livres de plumes d’oies neuves.
Evocation d'un intérieur, maison Louis Simon à La Fontaine Saint Martin (Sarthe)
Evocation d'un intérieur, maison Louis Simon à La Fontaine Saint Martin (Sarthe)
Evocation d'un intérieur, maison Louis Simon à La Fontaine Saint Martin (Sarthe)
Evocation d'un intérieur, maison Louis Simon à La Fontaine Saint Martin (Sarthe)
Item lesdites parties ont déclaré qu’il n’est rien dû a ladite communauté, et qu’il est dû par icelle les sommes ci après :
A Monsieur de la Roussière, propriétaire dudit lieu de Chêne Vert, la somme de trente livres restant de la demie ferme échue de Toussaint dernier sans préjudice du courant et autres dus de mondit sieur de la Roussière d’une part et quatre vingt livres pour prisée qu’il a fournie audit défunt sur ledit lieu Cy en tout……………..110tt
A Michel Dabouinneau garçon domestique dudit Voivres trente six livres pour argent qu’il a prêté audit défunt Cy……………………………………………….36tt
Audit Charles Cosnilleau dix sept livres aussi pour argent prêté Cy……………………….17tt
A ladite Marie Cosnilleau fille cinq livres aussi pour argent prêté Cy……………………….5tt
Au sieur Devaux marchand à La Suze huit livres pour marchandise Cy………………….8tt
A Pierre Huard domestique demeurant à Cérans douze livres aussi pour argent prêté Cy….12tt
Au nommé Lucas marchand dudit Voivres quinze sols six deniers pour marchandise Cy………………………………………..15s. 6d.
A Julien Cosnillau journalier dudit Voivres trois livres dix huit sols pour argent preté Cy……………………3tt 18s.
Au nommé Dupart cordonnier à Saint Léonard quarante cinq sols pour avoir recarlé les souliers dudit défunt Cy………………………………………………………..2tt 5 s.
A Julian Lhommeau sabotier dudit Voivres et collecteur de l’année dernière six livres cinq sols pour reste de taille et capitation dudit défunt Cy………………6tt 5 s.
Au nommé Ruillé fermier dudit Voivres collecteur de l’année présente et ne savoir combien ayant seulement donné trois livres.
Et à nous notaire six livres dix sept sols pour reste de nos droits et déboursés de l’inventaire des effets de la communauté dudit défunt avec Marie Nieceron sa seconde femme reçu devant nous les vingt deux mai et vingt un juin mil sept cent cinquante neuf dûment contrôlé Cy……………………………………………………….6tt 17 s.
Qui sont tous les meubles morts et vifs, dettes actives et passives à nous représentés et déclarés par lesdites parties qui ont dit n’en avoir ni savoir aucune autre quant à présent sauf néanmoins au cas qu’il en viendra ci après à leur connaissance à eux faire la déclaration ensuite des présentes.
Et ont tous lesdits meubles et effets été évalués à la somme de cent quatre vingt dix livres relaissés entre les mains et garde de ladite veuve qui s’en est volontairement chargée pour les représenter au jour de la vente qui en sera faite.
Dont du tout acte et jugé lesdites parties de leur consentement après lecture sans préjudices à leurs dus et droits respectifs. Fait et arrêté lieu susdits par nous notaire royal susdit soussigné lesdits jour et an présents Jean Basse et Jean Leprou sergers demeurant audit Roézé témoins à ce requis avec nous soussignés lesdites parties ont déclaré ne savoir signer à la réserve dudit Michel Nieceron
[Signatures] Michel Niecesron, J. Basse, Jean Leprou, Bellanger
Quelques éléments du lexique utilisé dans cet acte notarié :
Crémaillon : petite crémaillère qui s’accroche sur la grande crémaillère.
Sermeau : Serpe. On trouve aussi le mot « serniau ».
Vouge : appelé aussi « craissant » (pour croissant). Outil tranchant dont la lame à la forme d’une faucille et dont l’épaisseur se rapproche de la serpe. Cette lame était montée sur un long manche d’environ 1,80 mètre et servait à couper de petites branches et les épines dans les haies.
Sas : tamis.
Marchepied : coffre au pied du lit.
Carrie : « plafond » du lit à quenouille.
Baillière : Sac rempli de balle (enveloppe du grain d’une céréale) et servant de matelas.
Couetty : Coutil (tissu très serré).
Traversier : traversin.
Entour : Tissu qui clôt le lit, entourage du lit.
Serge : tissu de laine.
Vergettes : tiges de fer pour faire coulisser les rideaux.
Dossier : pièce d’étoffe qui couvre le derrière du lit.
Vanellier : ou venellier ; tissu posé sur le côté du lit et qui ferme le lit sur la longueur opposée au mur.
Busse : Tonneau d’environ 230/240 litres.
Jale : cuvier en bois pour « marquer » (faire fermenter le marc avant pressage) le cidre.
Coyer : cornet qui porte le faucheur à la ceinture et dans lequel il met sa pierre à affûter.
Travouil : dévidoir à écheveaux.
Charrier : toile grossière pour le transport de la balle de blé, mais aussi pour le transport de la cendre pour la lessive.
Souille : Sac. Très souvent utilisé pour l’oreiller. C’est aussi dans une souille que l’on garde les papiers relatifs à la vie de la famille (titres de propriétés, baux, etc.).
Poupée : grosse bobine de fil.
Pot de guerlande : pot de garlande signifie une poterie tachée lors de la cuisson de la céramique.
Sivière rouleresse : la brouette.
Broye : instrument pour broyer le chanvre.
Cavale : la jument, le cheval.
Harasse : grand panier.
Breluche : étoffe de fil et laine.
Droguet : étoffe de laine grossière.
Evocation d'un intérieur, maison Louis Simon à La Fontaine Saint Martin (Sarthe)
Evocation d'un intérieur, maison Louis Simon à La Fontaine Saint Martin (Sarthe)