4. Les traces laissées par les Cénomans en Sarthe
On trouve de très nombreuses traces archéologiques des Aulerques Cénomans en Sarthe. Certains sites ont seulement été repérés par prospections pédestres ou aériennes, d’autres ont été fouillés.
1. Les lieux gaulois complexes
a. Allonnes
Le site archéologique d’Allonnes est connu depuis le milieu du XVIIIème siècle, mais il faut attendre les années 1950 et les travaux de Pierre Térouanne pour que la présence gauloise soit attestée par les fouilles.
On connaît assez bien les vestiges de l’époque romaine avec ses temples, thermes, habitats, etc. même si le développement urbain des années 1960/1970 a sans doute rasé une bonne partie des vestiges antiques. Pour ce qui est des vestiges gaulois, ce sont les fouilles sur le site de la Forêterie (bois de Chaoué ou encore bois du Marin) qui ont révélé une occupation de l’époque de La Tène (Vème siècle au Ier siècle av. J.-C.). Il s’agit manifestement d’un lieu de culte antérieur au temple romain de Mars-Mullo et composé d’une palissade de bois qui semble entourer une série de petits édifices rectangulaires ou circulaires également en bois. On a trouvé dans cette zone cultuelle essentiellement des pièces d’armement (épées, fourreaux d’épées, boucliers, etc.) ainsi que des monnaies et, en moindre quantité, des éléments de parures (fibules, anneaux, etc.).
Après la guerre des Gaules, le site sera totalement réaménagé avec d’importants terrassements pour y installer d’abord un fanum (petit temple de plan carré), puis au IIème siècle on édifiera un immense sanctuaire.
Par contre, il est actuellement difficile de dire si ce sanctuaire gaulois s’intégrait dans un ensemble aménagé plus conséquent. Les fouilles menées au lieu-dit le Grand Chêne au milieu des années 2010 montrent bien une occupation gauloise à partir du IIème siècle av. J.-C. mais cela correspond d’avantage à un site rural avec une petite activité métallurgique. A noter que l’espace ouest de la commune d’Allonnes est occupé par plusieurs enclos dont certains ont été fouillés et semble plutôt appartenir au monde agricole.
Des liens :
Le Centre archéologique et le sanctuaire gallo romain Mars Mullo d'Allonnes
Une reconstitution du temple romain d’Allonnes
Un article de Pierre Térouanne
Allonnes (Sarthe), sanctuaire de Mars Mullo. Sous l'édifice romain se trouvent les vestiges gaulois.
Pièce d'armement gaulois trouvées sur le sanstuaire de Mars-Mullo (dessin T. Lejars)
Une des fouilles de la Zac du Monné à Allonnes (direction Antoine David)
b. Oisseau-le-Petit
Il paraît opportun de relier la fortification de Gesnes-le-Gandelin au site archéologique d’Oisseau-le-Petit.
On trouve à l’Est de la commune de Gesnes le Gandelin, dans le nord de la Sarthe, un lieu champêtre nommé la butte de Saint Evroult. Il s’agit d’un éperon rocheux enserré d’un coté par le ruisseau de l’Aune et d’un autre par le ruisseau de Champ Rouable. Le site, d’environ 3 ha, est protégé par un rempart sur sa partie nord ainsi qu’à l’ouest et au sud. A l’est, c’est le cours du ruisseau de Champ Rouable, situé une trentaine de mètres en contrebas, qui sert de protection. Au milieu de cette structure archéologique se trouve une chapelle dédiée à saint Evroult ; on dit de cette chapelle qu’elle est d’époque romane. Il est d’ailleurs possible que l’actuelle chapelle ne soit qu’une partie d’un ensemble plus important.
Le site est connu depuis longtemps et était considéré au XIXème siècle comme un camp gaulois ou encore comme un oppidum. Il a fait l’objet de fouilles archéologiques entre 1988 et 1990 par Claude Lambert et Jean Rioufreyt. La coupe du rempart a montré divers états allant de l’âge du bronze jusqu’à l’époque carolingienne. Il est à noter parmi le mobilier archéologique découvert la présence de graines (blé, lentille, vesce, etc.). Un sondage a mis en évidence du matériel de la fin de l’époque gauloise (amphores, céramique utilitaire). Enfin du mobilier d’époque carolingienne a également été découvert. Il faut bien sûr mettre en lien l’oppidum de Saint Evroult avec l’occupation antique de la commune voisine de Oisseau-le-Petit. Le site a été classé en 1982.
Et à l’Est de ce site, celui d’Oisseau-le-Petit ne semble pouvoir être dissocié du camp fortifié de Saint-Evroult. La plaine des Noiras est connue depuis le début du XIXème siècle et on évoque même la possibilité que Oisseau soit la capitale du peuple gaulois des Esuviens. Il faut attendre le dernier quart du XXème siècle pour voir réapparaître des éléments de recherches archéologiques. Le site romain se superpose à des structures gauloises telles que des enclos. Cependant, il est encore difficile de nos jours de comprendre la nature globale de cette occupation gauloise. Il manque des fouilles sur de larges étendues ; ce sont sans doute elles qui permettraient de mettre en évidence des structures d’habitats qui pourraient alors être en lien avec les enclos et l’abondance et la variété du matériel archéologique trouvé.
Des liens :
A propos de Oisseau-le-Petit
Gesnes le Gandelin (Sarthe), relevé de la fortification de la Saint-Evroult.
Gesnes le Gandelin (Sarthe), le rempart de la forticication de Saint-Evroult.
Gesnes le Gandelin (Sarthe), la coupe du rempart nord lors des fouilles.
Oisseau le Petit (Sarthe), le fanum romain est implanté sur un site gaulois.
Oisseau le Petit (Sarthe), un temple romain au milieu d'un vaste enclos gaulois.
c. Aubigné-Racan
Le site archéologique dit de Cherré sur la commune d’Aubigné-Racan est surtout connu pour ses vestiges romains toujours visibles. Mais les fouilles menées par Claude Lambert et Jean Rioufreyt ont permis de démontrer qu’il y avait une occupation bien antérieure attestée par la présence de tumulus avec des urnes à incinération et par la découverte d’armements gaulois (essentiellement IIIème et IIème s. av. J.-C.) mais aussi de « currency bar » (lingots de fer) dans une zone qui pourrait être en lien avec un sanctuaire.
A un peu plus d’un kilomètre au sud du site de Cherré se trouve la fortification du Vaux surplombant le Loir ; elle fut d’abord occupée au Néolithique puis à l’âge du Bronze et enfin à l’époque gauloise. Mais c’est à cette dernière époque que fut installé un rempart de terre et de pierre complété par une palissade de bois. Il faut sans doute mettre en lien cette fortification avec la nécropole de Cherré et quelques enclos connus dans le secteur.
Il est cependant bien difficile de déterminer la nature de ce site gaulois.
Des liens :
La page Wikipédia du site de Cherré
Un petit compte-rendu sur le dépôt gaulois
Aubigné-Racan (Sarthe), des pièces d'armement gaulois (dessin T. Lejars)
Aubigné-Racan (Sarthe), urnes funéraires provenant des tumulus
d. Le Mans
Le passé gaulois du Mans reste une énigme. Autant on a une vue correcte de la ville romaine, autant la présence gauloise qui devrait correspondre à un chef-lieu de cité est plus que ténue. Il faut dire que les observations faites au XIXème siècle sont difficilement utilisables à cause de la disparition du matériel archéologique mais aussi à cause de la méconnaissance de la période et donc de l’interprétation faite des découvertes. En fait, on possède juste un élément décoratif trouvé par Joseph Guilleux en 1977 mais dans un contexte stratigraphique perturbé ; cet embout (élément de bouterolle ? élément de sangle ?) serait daté du Vème s. ou IVème s. av. J.-C.
Ceci-dit, il existe cependant certains indices. Ainsi les fouilles menées aux Jacobins en 2010 par Pierre Chevet ont mis au jour une occupation du milieu du Ier siècle av. J.-C. Les recherches ont permis de découvrir un habitat gallo-romain et un sanctuaire dans la vallée d’Isaac. Mais pour ce qui nous intéresse ici, les niveaux plus anciens ont montré des constructions sur solins ainsi que des fours. Malheureusement l’étude n’a pu être poussée plus avant et il est difficile d’en dire plus pour cet indice de présence gauloise.
Des liens :
Le Mans – Place des Jacobins
A suivre : Les sites ruraux gaulois en Sarthe