La "chapelle" de Flacé offre un aperçu intéressant concernant l’aspect d'une église rurale de la période romane. Même si tous les éléments visibles ne datent pas de cette époque, l'allure générale reste celle d'une église entre les Xème et XIème siècles.
Cette construction se situe en bordure d'un chemin ancien venant d'Etival-Lès-Le Mans et se poursuivant vers Athenay (aujourd'hui sur la commune de Chemiré-le-Gaudin). Sur le cadastre de 1809, le cimetière est au Nord et à l'Est de l'église. Il est difficile d’affirmer que l’implantation médiévale est liée à un abandon de la villa des Fourneaux au détriment d’un nouveau site situé plus en contrebas un peu au-dessus de la confluence des ruisseaux du Renom et de Pont Tore ; mais l’hypothèse vaut la peine d’être évoquée.
La paroisse de Flacé sera rattachée à celle de Souligné-sous-Vallon le 8 octobre 1810 (Souligné-sous-Vallon est devenue Souligné-Flacé en 1935). Elle apparaît pour la première fois en 1169 dans le cartulaire de la Couture du Mans à propos d’un problème de dîme où un certain Herbert est cité comme prêtre de Flacé. Il existe bien un « Flaciacum » cité à la fin du VIIIème siècle, mais il est difficile de pouvoir assurer qu’il s’agit de Flacé.
LA NEF
La nef semble avoir gardé ses dimensions originelles : 14 m. le longueur sur 7 mètres de largeur. L'appareillage des murs nord et sud semble le confirmer. Sur ces deux murs, le système classique de cette époque est utilisé : petit appareillage de moellons en roussard et calcaire. Cependant, il n'est pas homogène sur toute la longueur.
Le mur nord est composé dans sa partie occidentale de lits réguliers de moellons. A la base, on compte une dizaine de lits de calcaire ; puis au dessus arrive une dizaine de lits de roussards. Puis on repart sur une série de calcaire. Plus haut il ne parait pas y avoir d'organisation si claire. Faut-il envisager deux phases de construction ? Dans la partie haute des murs se trouvent trois petites meurtrières, dont l’arc sommital est gravé pour simuler des claveaux, peu visibles car elles ont été bouchées puis recouvertes par un enduit et la litre. La partie orientale de ce mur est plus difficile à lire mais il ne parait pas y avoir de continuité dans la technique de construction. On retrouve bien des petits moellons mais les matériaux semblent différents. On remarquera que la bande de roussard se termine, du moins pour certains d'entre eux, non pas par des moellons carrés par des moellons rectangulaires. Que s'est-il passé ? Cela est difficile à expliquer. On pourrait imaginer un rallongement de la nef mais cette explication ne tient pas lorsque l'on regarde le mur sud. Le chaînage oriental alterne roussard et calcaire, créant un décor.
On peut encore y apercevoir l’ancienne litre seigneuriale.
Le mur sud, comme souvent, a connu un certain nombre de modifications. Mais il n'a pas été abattu comme le prouvent les trois baies romanes toujours présentes et placées comme sur le mur Nord. On retrouve sur la partie orientale du mur l'alternance entre les lits de moellons en roussard et en calcaire. Il semblerait donc y avoir un décor jouant sur des bandes claires et foncées. Un portail existait au sud. A l'extérieur cela se remarque par les changements d'appareillage ; l’œil exercé y repérera un morceau de colonnette et quelques autres pierres aménagées.
Nous n'avons pas d'éléments pour dater cette porte ni la raison du bouchage de ce passage, permettant pourtant un accès plus aisé puisque le chemin principal d’accès à Flacé passait au pied du mur sud. Il a du avoir lieu assez tôt lorsque l'on regarde la chronologie relative de ce mur. Les fenêtres actuelles sont donc les dernières creusées ; on peut penser qu'elles furent ouvertes au XVIème siècle lors de la modification du portail ouest, voire même pour éclairer les fonts baptismaux, et aussi au XVIIIème siècle pour éclairer les retables. A proximité immédiate se trouve une fenêtre bouchée, visible par l’utilisation d'un matériau de rebouchage de module différent. Cette fenêtre appartient donc à un état antérieur. Or ce rebouchage s'appuie sur le rebouchage de la porte. Il semble donc que cette porte pouvait remonter au moyen-âge et a été bouchée assez rapidement. Cette ouverture devait surtout correspondre à une entrée. On pourrait penser qu'il s'agissait de la porte du cimetière mais cela n'est pas logique puisque ce dernier se situe au Nord. La porte sud est-elle devenue l'entrée principale et la porte de la façade a-t-elle servi d'accès au cimetière. C'est probable vu la configuration des lieux.
Alain Valais, dans sa thèse sur les églises du premier âge roman soutenue en 2021, propose une datation qui pourrait être antérieure à 1050 pour les parties les plus anciennes de la nef.
L'examen du pignon Est montre clairement que la charpente a été réorganisée. On ne trouve pas les moellons irréguliers mais des assises de calcaire plat. La corniche de ce pignon correspond à un travail de l'extrême fin du moyen-âge, peut être en même temps que le portail ouest.
On y remarquera également quelques joints en relief du côté du chaînage d’angle sud qui pourraient appartenir à une très ancienne phase du bâtiment.
LA FAÇADE OUEST
La façade n'est pas celle d'origine. On retrouve le petit appareillage cubique mais sans grande organisation. On a réutilisé le matériau de la première façade pour remonter celle-ci. Le portail est de l'extrême fin du moyen-âge. On retrouve de chaque côté et en bas des monogrammes : du côté nord, celui de Jésus sous la forme d’une IHS entrelacé ; celui du côté sud, endommagé, peut-être interprété comme « am » pour « ave maria ».
On peut penser que cette porte correspond au moins à un second état de la façade. Le premier état, celui d'origine, a disparu. Au dessus du portail se trouve un arc de décharge composé de pierres calcaires placées sur le champ. La porte actuelle n'est pas centrée sur cet arc ; il devait donc servir pour un état antérieur. Au dessus du portail, on remarque une baie à arc brisé qui renfermait une statue mutilée de Jean Baptiste.
Auparavant, elle devait être ouverte et permettre un éclairage de la nef. Le chaînage avec les murs latéraux de la nef est réalisé essentiellement en calcaire.
LE CHEVET
Le chevet parait plus récent que la nef même si à certains endroits il est chaîné avec elle. Par contre la technique d'appareillage est différente. On retrouve bien un petit module mais les moellons ne sont pas clairement lisibles.
Les baies sont aussi intéressantes à étudier. Celle de la partie Nord est en roussard et ressemble techniquement à celles visibles sur la nef. La meurtrière sud a été remplacée par une baie plus importante. Par contre la fenêtre axiale est plus importante et n'utilise pas la même technique de construction que les autres meurtrières. Cette fenêtre avait sans doute une fonction d'éclairage plus importante en relation avec la pratique cultuelle (éclairage de l'officiant, d'une peinture ou d'une statue ?).
Le chevet pourrait être postérieur à la nef avec une datation à situer au tournant des XIème et XIIème siècles.
L’INTÉRIEUR
L’intérieur de l’édifice a peu évolué et garde donc un aspect proche de ce qu’il était sous l’Ancien Régime.
Des fresques des XVème et XVIème siècles ornent l'intérieur de cette église : saint Jean l’Évangéliste, saint Martin partageant son manteau, saint Michel terrassant le dragon, saint François recevant les stigmates, sainte Barbe, saint Pierre, messe de saint Grégoire, saint Nicolas et la résurrection des trois enfants, saint Jean et la coupe empoisonnée, saint Michel terrassant le dragon.
Trois retables ont été ajoutés au XVIIIème siècle.
Le retable central en bois sculpté est agrémenté d'un panneau en terre cuite représentant le baptême de Jésus. Des niches reçoivent des statues en terre cuite : saint Jean-Baptiste à gauche et la Vierge à l'Enfant à droite. L'ensemble de ce retable est couronné par le Père Éternel bénissant.
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Marque d'auteur : DURAND FE. Date : 1718.
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Luc Durand est né en 1652 à Beaumont. En 1673, il rentre comme apprenti chez Jean II Mongendre dit Le Jeune. Il s'installe successivement paroisse de la Couture et paroisse Saint-Pavin-de-la-Cité (en 1721), toujours au Mans.
Retables latéraux du XVIIIème siècle.
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Les retables comportent chacun deux panneaux peints sur bois, dont un au dessus de l'autel et un en retour dans l'arc d' accès au chœur. Côté nord : L' Ange gardien et saint Julien. Côté sud : saint Michel et saint Sulpice. Les statues, en terre cuite polychrome, se trouvent dans les niches supérieures des retables.
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Ces deux retables latéraux datent probablement de la même époque que le retable du maître-autel ; ils ont donc été exécutés vers 1718.
On peut voir d'ailleurs à l'extérieur de l'église la pierre de l'ancien autel démonté lors de l'installation des retables.
On y voit aussi une dalle funéraire de Élisabeth de la Rivière, épouse de Anne François de Couterne, seigneur du Bois de Maquillé et aussi de la paroisse de Flacé. Fille de François de la Rivière, seigneur de la Groirie à Trangé, elle est décédée au château de la Roche à Sceaux-sur-Huisne mais a été inhumée à Flacé en 1695. Elle avait épousé Denis Le Vayer au château de la Sauvagère à Chemiré-le-Gaudin en 1642, puis Anne François de Couterne en 1684, également en la chapelle de la Sauvagère. A noter qu’elle et son mari avaient nommé la grosse cloche de l’église de Sceaux-sur-Huisne en 1693.
Plusieurs mots de la dalle ont été piquetés, sans doute au moment de la Révolution Française.
Quelques terres cuites du Maine présentes à Flacé :
La poutre de gloire possède trois statues du XVIIème siècle : Vierge de douleur, Christ, saint Jean l’Évangéliste.
On trouve aussi une sainte Barbe (protectrice contre les incendies) du XVIème siècle repeinte à plusieurs reprises, ainsi qu’un saint Sébastien (protecteur contre les maladies).
Fonts baptismaux
En tant qu’église paroissiale, Flacé avait bien évidemment des fonts baptismaux. En général la zone baptismale se situe à l’entrée des églises ; elle marque justement l’arrivée dans le monde des chrétiens. A Flacé, elle est encore entourée d’une balustrade de bois. La cuve octogonale en calcaire, chiffre symbolique de la résurrection, date peut-être de la fin du Moyen-âge ou du XVIème siècle. Elle servait à pratiquer le baptême par aspersion ou infusion. Quant à la petite cuve, elle contenait l’eau bénite qui allait servir audit baptême. Les deux cuves sont protégées par un couvercle de bois afin d’éviter de souiller l’eau bénite.
En général, les rituels des diocèses sont très explicites sur la manière dont on procède au sacrement du baptême. L’eau est bénite le samedi saint ou la veille de la Pentecôte ; puis elle doit ensuite être conservée dans les fonts baptismaux d’où l’importance d’un système de fermeture. L’ouvrage précise également comment procéder au renouvellement de l’eau bénite.
Bancs
L’église de Flacé garde également ses antiques bancs. Les paroisses plus aisées ont souvent procédé au renouvellement de ceux-ci à la fin du XVIIIème siècle, au cours du XIXème siècle voire même au XXème siècle. On a alors fait une certaine amélioration de ce mobilier.
A Flacé on conserve une version très basique des bancs puisqu’il s’agit de simples madriers rabotés et vernis. Sous l’Ancien Régime, les places sont mises à la location par la fabrique qui gère l’église et ses biens. Souvent à l’issue de la grande messe du dimanche, le procureur syndic qui est responsable de la gestion de ces biens, assisté par le notaire, organise la mise aux enchères des places. Celles de devant sont souvent acquises par les gens d’importance (nobles locaux, artisans, laboureurs, etc.) ; les moins riches prennent les autres places. C’était une forme de participation volontaire au financement de l’entretien de l’édifice .
Inscriptions
Deux inscriptions en écriture gothique sont gravées sur des dalles de pierre afin de garder en mémoire la fondation de messes. Elles concernent Mathurin Ricordeau, chapelain de la chapelle saint René et Guillaume Lecoq.
Registres paroissiaux
Malheureusement, les registres paroissiaux les plus anciens ne remontent qu’à 1673. Signalons tout de même ici quelques actes un peu particuliers :
Le dix septième jour dud(it) mois de decembre 1703 est
né un enfant pendant le mariage de Jean Fouque et
de Renée Bachelot sa femme epouses dans notre église
de Flacé le cinquième jour de juillet dernier+, lequel
Fouque nous estant venu trouver nous a requis de ne
pas baptizer led(it) enfant en son nom n’estant de ses
œuvres, apres quoy led(it) enfant ayant esté
aporté a l’église aujourd’huy dix neufieme jour dud(it)
mois de decembre et presenté par René Bachelot pere
de lad(ite) Renée Bachelot demeurant paroisse d’Auvers sous
Monfaucon qui nous a declaré de la part de lad(ite) Bachelot
sa fille mere dud(it) enfant que led(it) enfant n’est pas du
fait dud(it) Fouque son mary mais de celuy d’Estienne
Langlois garcon demeurant dans la paroisse de Lognes
avant le mariage dud(it) Fouque et d’elle, Led(it) enfant
a esté par nous curé soussigné baptizée et nommée
Marguerite par led(it) René Bachelot et Marguerite
Michelin de cette paroisse ses parein et mareine
+ de cette paroisse lesd(its) jour et an que dessus, lesd(its)
Bachelot et Michelin ont declaré ne savoir signer
enquis, signé Renvoysé
Le seziême jour d’octobre an que dessus mourut de
grand matin en la maison seigneurialle du Bois de
Maquilly m(aît)re Thomas Jolivet p(rê)b(t)re chanoine de l’Eglise
de S(ain)t Pierre du Mans et chapelain de la chapelle de lad(ite)
maison seigneurialle du Bois et le mesme jour son
corps fut inhumé sur les six heures du soir dans l’Eglise
de Flacé par m(aît)re Jacques Guyon p(rêt)re curé de Souligné
[signature] F Maudet
Le dix neufiezme jour d’avril l’an mil six cens
quatre vingt quinze mourut en sa maison du Verger
située en la paroisse de Viviers haute et puissante
dame Anne de Moulins veuve de messire René
de Couterne chevalier# seigneur de cette paroisse
et le lendemain son corps fut inhumé en l’Eglise
de Flacé proche la fosse de sond(it) mary par
monsieur le curé de Torcé en Charnie
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