1. Le contexte
La guerre de 1870-1871 oppose les armées prussiennes, auxquelles se joignent des troupes d’autres États allemands, aux forces impériales françaises de Napoléon III.
Très rapidement les Français, assez mal préparés et numériquement inférieurs, vont subir plusieurs défaites. Cela mènera, moins de deux mois après le début du conflit, à la capitulation de l’Empereur des Français le 2 septembre 1870. Le 4 septembre, la IIIème République est proclamée et elle poursuit la guerre dans de bien difficiles conditions. Paris est assiégée pendant cinq mois, les troupes prussiennes avancent en France
Pour ce qui est de notre région, Léon Gambetta, ministre de l’Intérieur et de la Guerre du gouvernement de la Défense nationale, organise la lutte contre les Prussiens avec la participation de soldats qui vont former l’Armée de la Loire. Le contact avec l’ennemi se fait en octobre 1870 dans le département du Loiret. Malgré quelques victoires françaises, le Prussiens poursuivent leur avancée.
Début décembre 1870, l’Armée de la Loire est réorganisée et le général Chanzy commande la 2ème Armée de la Loire. C’est alors que le théâtre des opérations va arriver sur le département de la Sarthe en janvier 1871.
2. Les événements dans la région de Bonnétable
Le point central des opérations est la bataille du Mans (11 et 12 janvier 1871). La 2ème Armée de la Loire est concentrée sur la région mancelle avec pour objectif de pouvoir un jour faire une avancée sur Paris et vaincre ainsi les Prussiens1. Mais ces derniers vont alors se diriger, en entrant par l’Est du département depuis le secteur de Nogent-Le-Rotrou, sur Le Mans pour affronter la 2ème Armée de la Loire.
Le 7 janvier 1871 les troupes françaises, parties à la rencontre des Prussiens, doivent se replier sur La Ferté-Bernard, Saint-Calais et même Connerré plus en arrière. Les armées prussiennes s’installent alors sur un large front allant de la région de La Ferté-Bernard jusqu’à celle de Château-du-Loir. Les jours qui suivent, une série d’affrontements se déroulent dans le Sud-Est de la Sarthe causant des dégâts importants dans l’armée française. Les Prussiens contrôlent le secteur entre Changé et le plateau d’Auvours. La remontée sur Le Mans devient alors rapidement possible.
1Général CHANZY, La deuxième armée de la Loire, Plon et Cie, Paris, 1876, p. 244
Yvré L'Evêque (Sarthe) : installé sur la butte d'Auvours, le monument commémore la bataille menée par les troupes de l'armée de Bretagne du général Gougeard.
Pour ce qui est de la région de Bonnétable, la 4ème division de cavalerie prussienne doit assurer le flanc nord de l’avancée et couper la ligne ferroviaire Le Mans-Alençon ; elle doit passer par Bellême et Saint-Cosme-en-Vairais et espérer atteindre Bonnétable1. Le 9 janvier 1870, le colonel de Lipowski quitte Bonnétable pour remonter sur Bellême afin de bloquer les Prussiens et éviter une prise d’Alençon. Les Français se positionnent dans le secteur2. Ainsi la 2ème brigade à cheval s’installe à La Chapelle-Saint-Rémy et les mobiles de la Sarthe restent en arrière dans les fermes de la Méaulerie, la Maison Neuve et l’Aiguionnière3. Le 5ème bataillon des mobiles de la Gironde vient se positionner dans le secteur de Savigné l’Evêque et Saint Corneille4.
1Section historique du grand État-major prussien, La guerre franco-allemande de 1870-71, 1880, p. 784
2Pierre LEHAUTCOURT, Campagne de la Loire en 1870-1871, Berger-Levrault et Cie, Paris, 1895, p. 218
3Lieutenant V. ALWROD, La bataille du Mans, Revue de l’Anjou, Tome 65, 1912, p. 342
4Henri KEHRIG, Le 5e Bataillon des mobiles de la Gironde (1870-71), Feret et fils, Bordeaux, 1889, p. 10
Le 10 janvier 1871, Bonnétable est prise assez facilement1 après quelques échanges de coups de feu avec des francs-tireurs de Marolles; les hommes de von Beckedorff atteignent Bonnétable après en avoir chassés les troupes françaises. Le maire de la ville nous rapporte que les troupes pillèrent les biens des habitants pendant trois jours. Le commandant et son aide de camp sont logés chez M. Girard, maire2. Ils poursuivent ensuite vers Savigné-L’Evêque. C’est alors qu’ils se heurtent aux unités stationnées dans le secteur de Chanteloup sur la commune de Sillé-le-Philippe3. Les combats sont violents et se font parfois à la baïonnette4. La 2ème division du général Colin et la 22ème division allemande du général-major von Wittich s’affrontent également à La Chapelle Saint-Rémy.
1Section historique du grand État-major prussien, La guerre franco-allemande de 1870-71, 1880, p. 812
2Émile DURIER, Mémoire pour M. Eugène Girard contre M. Petit, gérant du journal l'Union de la Sarthe, Imprimerie de Ves Renou, Maulde et Cock, Paris, 1874
3Pierre LEHAUTCOURT, Campagne de la Loire en 1870-1871, Berger-Levrault et Cie, Paris, 1895, p. 245-246
4Général CHANZY, La deuxième armée de la Loire, Plon et Cie, Paris, 1876, p. 335
Le 11 janvier 1871, dans l’après-midi, les Prussiens sont à Torcé, Saint-Célerin et Lombron. Les affrontements sont violents et on se bat pour contrôler les routes. Malgré les difficultés causées par les troupes du général Colin, les Prussiens poursuivent leur avancée vers Le Mans. Le secteur de Pontlieue est âprement défendu par les Français, mais ils ne peuvent tenir la position.
Le 12 janvier 1871, certaines unités prussiennes (17ème et 22ème divisions) font mouvement au nord de l’Huisne malgré la neige, le froid et le brouillard1. L’objectif est d’avancer sur Saint-Corneille et Savigné. La 2ème division du 21èmecorps du général Colin et la 22ème division prussienne s’affrontent dans le secteur de Saint-Corneille et Courcebœufs2. Vers 16 heures, le château de Hyre et Saint-Corneille tombent. La 3ème division du général Villeneuve et la 17ème division prussienne du grand-duc de Mecklembourg combattent au sud de Chanteloup, à la Croix, à Sillé-Le-Philippe. Les troupes prussiennes passeront la nuit à Beaufay, Torcé et Bonnétable. Certains prisonniers sont alors emmenés vers l’église de Bonnétable où ils sont enfermés3 ; puis ils voyageront pendant 17 jours jusqu’à Settin (aujourd’hui Szczecin en Pologne).
1Pierre LEHAUTCOURT, Campagne de la Loire en 1870-1871, Berger-Levrault et Cie, Paris, 1895, p. 279
2Section historique du grand État-major prussien, La guerre franco-allemande de 1870-71, 1880, p. 837
3Henri KEHRIG, Le 5e Bataillon des mobiles de la Gironde (1870-71), Feret et fils, Bordeaux, 1889, p. 15
Les Prussiens s’installent dans la zone, aux portes du Mans, et les troupes françaises franchissent la rivière Sarthe pour battre en retraite. La 22ème division prussienne va contrôler les passages sur la Sarthe dans la région de Beaumont, même si certains soldats restent en cantonnement à Beaufay pour assurer les arrières, et la 17ème division s’occupe de la même tâche dans la région de Neuville. Quant à la 4ème division de cavalerie, elle aura pour mission de poursuivre les troupes françaises1. Puis les soldats quittent la région de Bonnétable pour remonter vers Ballon ; les soldats croisent des trains de prisonniers français dont un certain nombre de Bretons2. Dès lors la 2ème Armée de la Loire de Chanzy se replie sur l’Ouest du département de la Sarthe et sur celui de la Mayenne.
1O. FRANCKE, Das 5. thüringsche Infanterie-Regiment Nr 94 (Grossherzog von Sachsen): 22. Div. im Feldzuge gegen Frankreich 1870 u. 1871 ; Ein Beitr. zur Rgts-Geschichte, 1872, p. 302
2O. FRANCKE, Das 5. thüringsche Infanterie-Regiment Nr 94 (Grossherzog von Sachsen): 22. Div. im Feldzuge gegen Frankreich 1870 u. 1871 ; Ein Beitr. zur Rgts-Geschichte, 1872, p. 303
Cependant, la bataille laissait derrière elle son lot de victimes. Ainsi, le 17 janvier 1871 les Frères des écoles chrétiennes de Bonnétable ouvrent une ambulance pour y soigner les blessés du conflit1. Il y avait une vingtaine de soldats avec diverses blessures mais aussi avec des membres gelés. Il se dit que les religieux faisaient la tournée des maisons pour trouver de quoi nourrir les blessés. Cette ambulance fonctionna jusqu’au 22 février 1871 et on y soigna plus de 600 victimes.
Ces frères avaient également dû gérer des arrivées de prisonniers : 3000 le 12 janvier 1871 dont 1500 enfermés dans l’église. Ils durent aussi s’occuper de 1200 autres le 14 janvier 1871 en apportant soin et nourriture.
1J. d’ARSAC, Les Frères des écoles chrétiennes pendant la guerre de 1870-1871, Paris, 1872, p. 500
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