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4 septembre 2024 3 04 /09 /septembre /2024 12:47

Des traces anciennes laissées par Rigomer dans le Maine

L’église de Souligné-Flacé (de la seconde moitié du Xème siècle pour sa partie la plus ancienne) est dédiée à Rigomer qui aurait vécu à l’époque du roi mérovingien Childebert Ier (511-558), un des fils de Clovis.

Village de Souligné-Flacé (Sarthe)

Village de Souligné-Flacé (Sarthe)

Représentation de Rigomer dans le bréviaire de Langres

Représentation de Rigomer dans le bréviaire de Langres

Pour approcher cet ermite, il faut sans cesse naviguer entre la légende et ce qui paraît plausible. Mais c’est la caractéristique de ces personnages remontant aux premières heures du Moyen-Âge. Il existe tout de même de très rares mentions anciennes du nom de Rigomer.

 

La plus ancienne est dans le testament de l’évêque Bertrand (616) dans lequel il lègue dix solidi (sous d’or) à la basilique au nom de Rigomer de l’autre coté de la Sarthe1, peut-être dans le quartier du Pré qui est le lieu principal d’inhumation des personnages chrétiens importants dont les premiers évêques comme l’évêque Victeur mort en 490 et personnage très vénéré. On y fait encore mention à la fin du VIIIème siècle sous l’évêque Francon2.

L’évêque Aldric aurait, dans le second quart du IXème siècle, établi une série d’autels dans le chœur de la cathédrale du Mans, dont un dédié à Rigomer3. Il y aurait donc à l’époque carolingienne un abandon des sites religieux mérovingiens et un rapatriement des reliques vers la cathédrale, le tout peut-être lié à un réaménagement de l’espace urbain manceau autour de la cathédrale, pôle religieux et politique.

 

A la fin du Xème siècle, Hugues, comte du Maine, fait don au monastère de la Couture d’une villa « sancti Rigomeri de Plano » (Saint Rémy du Val aujourd’hui) et d’une église « sancti Rigomeri de Silva » (Saint Rigomer des Bois aujourd’hui)4.

 

La vie de Rigomer dans le contexte mérovingien

On connaît la vie de Rigomer par une « vita »5. Cette vie de Rigomer a ensuite été reprise dans des écrits postérieurs et avec des analyses ou ajouts. Il faut bien sûr lire les informations de cette « vita » avec tout le recul nécessaire et ne pas la prendre au premier degré.

1G. BUSSON, A. LEDRU, Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, 1901, p. 137

2G. BUSSON, A. LEDRU, Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, 1901, p. 279

3G. BUSSON, A. LEDRU, Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, 1901, p. 304

4Bénédictins de Solesmes, Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre de la Couture et de Saint-Pierre de Solesmes, Le Mans, 1881, p. 8

Vie de Rigomer (XIè/XIIè s.)

Vie de Rigomer (XIè/XIIè s.)

On trouve aussi la vie de Rigomer racontée par un moine bénédictin, Pierre, de l’abbaye de Maillezais (Vendée) qui vivait au XIème siècle. Ce moine va, à la demande de l’abbé, écrire un récit sur l’origine de l’abbaye ; le document d’origine a disparu mais il existe encore une copie du XIIème siècle.

 

La tradition dit qu’il serait né dans le nord de l’actuel département de la Sarthe, peut-être dans le village de Saint-Rigomer-des-Bois, où existait une fontaine dite de saint Rigomer et vénérée jadis par les fidèles, à l’orée de la forêt de Perseigne, au sein d’une famille aristocratique, peut-être d’origine franque et pas encore christianisée. Il fut éduqué par un religieux auvergnat1, ce qui positionne ce personnage dans un schéma assez classique pour cette époque. Il est possible que ces religieux auvergnats soient en fait des individus qui fuient la conquête de leur région par Thierry au début dans la première moitié des années 5302. D’autres évoquent Saint-Rémy-du-Val comme étant son lieu de naissance. On remarquera la présence classique de la forêt comme dans beaucoup de « vita »3 ; elle symbolise le monde fermé sur lui-même, un désert, où les idées nouvelles n’ont pas encore pénétré. Par contre, cela ne veut pas forcément dire que ce sont des lieux vides d’hommes ; les traces archéologiques sur l’environnement de la forêt de Perseigne sont assez claires là-dessus.

 

1Pour comprendre les peregrinatio de certains religieux, voir C. DELAPLACE, Ermites et ascètes à la fin de l'Antiquité et leur fonction dans la société rurale. L'exemple de la Gaule, Mélanges de l'école française de Rome, 1992, p. 990 et suivantes

2P. LE MAITRE, Évêques et moines dans le Maine : IVe-VIIIe siècles, Revue d’histoire de l’Église de France, 1976, p. 97

3C. LAFON-DELAPLACE, Paysage forestier et littérature hagiographique de l'antiquité tardive : mythes et réalités du paysage érémitique occidental, Hommes et terres du Nord, 1986, p. 168

Saint Rigomer des Bois (carte XVIIè s.)

Saint Rigomer des Bois (carte XVIIè s.)

Saint Rigomer des Bois (Sarthe)

Saint Rigomer des Bois (Sarthe)

Comme beaucoup d’ermites du haut moyen-âge, il réalise un certain nombre de miracles. Au delà du caractère religieux que l’on peut accorder à ce genre d’événement, on peut aussi y voir la volonté d’imposer la force politique des autorités religieuses dans des territoires qui, à cette époque mérovingienne, étaient un peu déconnectés du pouvoir central, c’est à dire le centre épiscopal de la cité. C’est ainsi qu’il intervient dans un lieu nommé Morifanum, parfois transcrit en Marti Fanum, pour ramener à la foi chrétienne des habitants qui, après leur conversion, détruisent le temple et le remplacent par un édifice chrétien. On dit que cela se situait dans l’actuelle ville de Mamers, mais il semble bien difficile de confirmer cette assertion. Cela n’est pas sans rappeler un épisode semblable de la vie de Julien (Vita Sancti Juliani) où il détruit un temple dédié à Jupiter1 (« Erat autem praedictum idolum juxta vicum Artinis situm, ubi et templum Jovis constructum atque ornatum erat »). Ou encore comment Vigor, évêque de Bayeux (513-537), fait détruire, avec l’appui du roi Childebert, le temple et les idoles du Mont-Phaunus pour installer un monastère et s’appropriant au passage les biens de ce temple2. Ou encore Martin de Tours qui fait aussi remplacer des temples païens et les idoles par des édifices chrétiens3. Il faut dire que la destruction des temples apparaît également dans la vie des empereurs romains puisque la vita Constantini relate la destruction de plusieurs temples sur ordre de Constantin (310-337) pour installer des églises4. Cet aspect évangélisateur est un élément caractéristique de certains ermites de cette époque, ce qui montre à la fois le maintien des religions anciennes dans les territoires éloignés des capitales administratives5 mais également l’adoption de la religion chrétienne par les élites aristocratiques qui entendent bien se reconnaître comme l’autorité en place.

On peut tout de même se poser la question de la véracité de la destruction des temples païens dans les « vita ». Une étude publiée en 2017 concernant la Normandie occidentale offre une piste de réflexion6. Les fouilles archéologiques montrent que le paganisme tend à disparaître dès le IVème siècle et de manière progressive, à priori plus par désintérêt lié aux changements provoqués par la crise du IIIème siècle ; ce n’est qu’un peu plus tard que le christianisme remplace l’ancienne religion. Les temples romains fouillés dans cette région ne montrent pas de traces de destruction mais plutôt un abandon. Il est intéressant de comparer cette chronologie avec la première mention d’une cathédrale au Mans qui n’est attestée que dans les actes du premier évêque historiquement attesté7, Victeur, dans la seconde moitié du Vème siècle8. Peut-être faut-il simplement comprendre les images de destruction comme la lutte entre deux courants de pensée. On manque cruellement en Sarthe de fouilles archéologiques qui couvrent cette période. Le temple de Cherré sur le site d’Aubigné-Racan (72) illustre bien ce questionnement. Le temple a servi de nécropole au haut moyen-âge ce qui semble indiquer que le lieu avait gardé une nature religieuse. De plus, il semble également que l’écroulement du bâtiment soit lié à la récupération des blocs en grand appareil à la base des murs et non à une destruction délibérée d’un édifice païen.

La convocation de Rigomer par le roi Childebert à Meaux est sans doute à analyser au-delà de la simple opposition morale et religieuse.

1G. BUSSON, A. LEDRU, Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, 1901, p. 20

2J. DESHAYES, L’église paroissiale de Saint-Marcouf et l’histoire de l’abbaye de Nantus 2017, p. 2

3A.-M. TAISNE, Parcours et vertus de Saint Martin dans la Vita et les Epistulae de Sulpice Sévère, Rursus, 2008, p. 5

4B. CASEAU, La désacralisation des espaces et des objets religieux païens durant l’Antiquité tardive, dans Le sacré et son inscription dans l’espace à Byzance et en Occident : Études comparées, 2001, p. 61-123

5N.-Y. TONNERRE, Deux ermites du pays nantais au VIe siècle : Friard et Secondel, dans Corona Monastica, Moines bretons de Landévennec : histoire et mémoire celtiques. Mélanges offerts au père Marc Simon, R, 2004, p. 65-70

6M. ROUPSARD, Du paganisme au christianisme en Normandie occidentale (IVe-Ve siècles) : premiers éléments de synthèse, Annales de Normandies, 2017

7Présent au premier concile des évêques de Gaule à Angers en 453.

8H. MEUNIER, Le quartier canonial du Mans, dans La cathédrale du Mans du visible à l’invisible, 2015, p. 16

Poncé Sur Le Loir (Sarthe)

Poncé Sur Le Loir (Sarthe)

Aubigné-Racan (Sarthe) - mur écroulé du temple romain

Aubigné-Racan (Sarthe) - mur écroulé du temple romain

De son rôle auprès de l’évêque Innocent

La période est caractérisée par une tentative de stabilisation politique en cette zone géographique récemment prise par Clovis juste avant sa mort au début du VIème siècle. Le christianisme est alors peu implanté en dehors du Mans. Dans la ville épiscopale elle-même, la mise en place de nombreux lieux de culte chrétiens traduit sans doute cette volonté de vouloir bien asseoir la religion chrétienne ; n’oublions pas que le baptême de Clovis ne date que d’il y a quelques décennies seulement1.

L’évêque Innocent (532-543) nous est connu par les Actus Pontficum. Jacques Biarne2 signalait que sa biographie est plutôt développée dans les actus contrairement à ses prédécesseurs ; ceci est surtout dû à ses actions concernant l’organisation urbaine. Innocent va agrandir la cathédrale en faisant édifier deux autels dédiés à Marie, à Pierre et un autel principal dédié à Gervais et Protais. Il fait également venir d’autres ermites tel Saint Fraimbault que l’on retrouve dans le secteur de Saint-Georges-de-la-Couée (72) avant d’aller dans le région de Lassay (53).

Il aurait participé au second concile d’Orléans en 533 et au second en 541 au cours desquels est condamné le culte des idoles. On ne peut s’empêcher de faire le lien entre cette mesure et la destruction du temple de « Morifanum » par Rigomer.

1P. LE MAITRE, Évêques et moines dans le Maine : IVe-VIIIe siècles, Revue d’histoire de l’Église de France, 1976, p. 95-96

2J. BIARNE, Les premiers évêques du Mans, depuis les Fastes épiscopaux de Louis Duchesne, dans La foi dans le siècle, 2009 p. 109-119

Sarcophage de Saint Fraimbault (Sarthe)

Sarcophage de Saint Fraimbault (Sarthe)

Ténestine

L’histoire de Ténestine est liée à Rigomer et n’est pas sans poser certaines questions. La jeune fille est l’enfant d’un aristocrate nommé Haregaire et de sa femme Truda qui semblent être restés fidèles au culte ancien, mais sans doute ouverts au christianisme.

Cela commence par la guérison de Truda grâce aux prières et aux huiles saintes ; ce miracle opéré par Rigomer va fortement influencer la jeune fille qui, bien que promise à un jeune homme de même condition qu’elle, va se vouer corps et âme à la religion chrétienne. Cette relation révèle des conflits d’intérêts entre la sphère politique laïque et la sphère religieuse. Ainsi, le fiancé, Sévère, ira jusqu’à la cour de Childebert à Palaiseau pour demander réparation. C’est là encore le lieu de réalisation d’un miracle puisque Rigomer, sommé d’allumer des flambeaux sans l’utilisation de feu, créé une flamme par la prière. Le roi reconnaît alors que les propos tenus contre eux n’étaient que calomnies.

La tradition dit que Childebert leurs fit don de terrains pour y établir leurs cellules. Ténestine s’installa en contrebas de la muraille, dans le quartier de Gourdaine. Quant à Rigomer, il fonde le prieuré de Saint-Aubin, toujours dans le quartier de Gourdaine mais du côté intérieur de la muraille ; mais aussi un prieuré à Souligné-Flacé sur des terres appartenant aux biens religieux de Ténestine.

Ténestine devint la sainte patronne des blanchisseuses du Mans.

Vitrail en l'église de Saint Rigomer des Bois (Sarthe)

Vitrail en l'église de Saint Rigomer des Bois (Sarthe)

Les ermites à l’époque mérovingienne

Rigomer fait partie de cette cohorte d’ermites qui ont propagé le christianisme, à l’époque mérovingienne, dans les campagnes. Ainsi en Sarthe, certains personnages partent dans des contrées plus ou moins reculées au cours du VIème siècle : citons par exemple Léonard dans les Alpes mancelles, Longis dans la région de Mamers ou encore Carilefus dans le secteur de Saint-Calais. Même si l’acte d’évangélisation est indéniable, il s’agit aussi d’une manœuvre politique des évêques qui tentent d’asseoir leur autorité sur des territoires éloignés du palais épiscopal. Il ne faut pas voir ces ermites comme des personnes qui vivent forcément coupées du monde, mais plutôt comme des agents au service d’une autorité politico-religieuse. Nous sommes dans cette première moitié du VIème siècle à un moment où les rois mérovingiens cherchent à contrôler la Gaule en se battant entre héritiers mais aussi contre des peuples voisins. Dans l’ouest, Le Mans occupe alors une place stratégique importante.

Certains travaux présentent également une autre lecture de l’érémitisme. Les recherches de Thomas Jarry1 sur la Normandie débouchent sur l’organisation suivante : des domaines ruraux de certains aristocrates transformés en cellules pour religieux et qu’ils gèrent toujours en tant que domaine rural, ou alors des sites religieux confiés à des ermites pour asseoir la puissance épiscopale, et enfin des moines solitaires mais qui très souvent sont arrêtés par des habitants qui souhaitent profiter de leur présence pour évangéliser un territoire.

On peut d’ailleurs légitiment se poser la question pour Rigomer à Souligné : s’agit-il réellement d’un ermitage ou plutôt d’une terre sur un domaine géré par une communauté religieuse un peu comme il y aura un peu plus tard à Etival-Lès-Le Mans ?

 

Les reliques de Rigomer

A sa mort, le 24 août et à priori à Souligné-Flacé vers 560, Rigomer est ramené au Mans pour être inhumé à Notre-Dame-de-Gourdaine. Mais la chronologie des événements n’est pas très claire. En 838, l’évêque Aldric fait ramener dans la cathédrale les restes de Rigomer et de Ténestine. D’après les travaux de Georges Pon, les reliques de Rigomer arrivent à l’abbaye de Maillezais (Vendée) entre 1015 et 10252. L’église abbatiale n’étant pas encore terminée, les reliques sont installées dans le bras sud du transept. En fait, il semble que les ossements de Rigomer aient servi de monnaie d’échange, moyennant financement, entre Hugues, comte du Maine, et Guillaume, duc d’Aquitaine. L’abbaye de Maillezais ne possédant pas de saintes reliques, Hugues propose d’offrir celle de Rigomer en espérant en retour recevoir les faveurs de Guillaume.

A noter que les reliques de Rigomer sont évoquées dans l’œuvre de Rabelais : « La trouverez tesmoins vieulx de renom et de la bonne forge, lesquels vous jureront sus le bras sainct Rigomé, que Mellusine leur premiere fondatrice avoyt corps feminin jusques aux boursavits, et que le reste en bas estoyt Andouille serpentine, ou bien serpent andouillicque ».

1T. JARRY, Les débuts du Christianisme dans l'ouest de la Normandie, Annales de Normandie, 1998, p. 124 et suivantes

2G. PON , Y. CHAUVIN, La fondation de l'abbaye de Maillezais. Récit du moine Pierre, Centre vendéen de recherches historiques, 2001, p.

Souligné-Flacé (carte postale ancienne)

Souligné-Flacé (carte postale ancienne)

Le mur roman (seconde moitié Xè s.) de l'église de Souligné-Flacé (Sarthe)

Le mur roman (seconde moitié Xè s.) de l'église de Souligné-Flacé (Sarthe)

Morceaux de sarcophages dans le mur roman de l'église de Souligné-Flacé (Sarthe)

Morceaux de sarcophages dans le mur roman de l'église de Souligné-Flacé (Sarthe)

Statue de Rigomer à Souligné-Flacé (Sarthe)

Statue de Rigomer à Souligné-Flacé (Sarthe)

Rigomer ailleurs

Dans le département de l’Orne, l’église de la commune de Colombiers en périphérie nord d’Alençon, est dédiée à Rigomer. Nous sommes seulement à une quinzaine de kilomètres de Saint-Rigomer-des-Bois (72).

Il existe dans le département de l’Essonne, dans la commune de Vauhallan, une église dédiée à Rigomer et à Ténestine. On y trouve une crypte mais qui serait en réalité une création du XIXème siècle par l’abbé Geoffroy, transformant une cave en chapelle souterraine. L’objectif du religieux aurait été de créer un pèlerinage en s’appuyant sur la création d’une église dédiée à Rigomer à Palaiseau par Childebert selon la Vita Rigomeri1.

1P. GILLON, C. SAPIN, Cryptes médiévales et culte des saints en Île-de-France et en Picardie, Presses Universitaires Septentrion, 2019, p. 440

 

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30 juillet 2023 7 30 /07 /juillet /2023 15:26

La "chapelle" de Flacé offre un aperçu intéressant concernant l’aspect d'une église rurale de la période romane. Même si tous les éléments visibles ne datent pas de cette époque, l'allure générale reste celle d'une église entre les Xème et XIème siècles.

Le hameau de Flacé de nos jours

Le hameau de Flacé de nos jours

La chapelle de Flacé

La chapelle de Flacé

Cette construction se situe en bordure d'un chemin ancien venant d'Etival-Lès-Le Mans et se poursuivant vers Athenay (aujourd'hui sur la commune de Chemiré-le-Gaudin). Sur le cadastre de 1809, le cimetière est au Nord et à l'Est de l'église. Il est difficile d’affirmer que l’implantation médiévale est liée à un abandon de la villa des Fourneaux au détriment d’un nouveau site situé plus en contrebas un peu au-dessus de la confluence des ruisseaux du Renom et de Pont Tore ; mais l’hypothèse vaut la peine d’être évoquée.

Carte de Jaillot (1706)

Carte de Jaillot (1706)

Cadastre 1843

Cadastre 1843

Cadastre 1809

Cadastre 1809

La paroisse de Flacé sera rattachée à celle de Souligné-sous-Vallon le 8 octobre 1810 (Souligné-sous-Vallon est devenue Souligné-Flacé en 1935). Elle apparaît pour la première fois en 1169 dans le cartulaire de la Couture du Mans à propos d’un problème de dîme où un certain Herbert est cité comme prêtre de Flacé. Il existe bien un « Flaciacum » cité à la fin du VIIIème siècle, mais il est difficile de pouvoir assurer qu’il s’agit de Flacé.

Délibération municipale (1810)

Délibération municipale (1810)

LA NEF

La nef semble avoir gardé ses dimensions originelles : 14 m. le longueur sur 7 mètres de largeur. L'appareillage des murs nord et sud semble le confirmer. Sur ces deux murs, le système classique de cette époque est utilisé : petit appareillage de moellons en roussard et calcaire. Cependant, il n'est pas homogène sur toute la longueur.

Le mur nord est composé dans sa partie occidentale de lits réguliers de moellons. A la base, on compte une dizaine de lits de calcaire ; puis au dessus arrive une dizaine de lits de roussards. Puis on repart sur une série de calcaire. Plus haut il ne parait pas y avoir d'organisation si claire. Faut-il envisager deux phases de construction ? Dans la partie haute des murs se trouvent trois petites meurtrières, dont l’arc sommital est gravé pour simuler des claveaux, peu visibles car elles ont été bouchées puis recouvertes par un enduit et la litre. La partie orientale de ce mur est plus difficile à lire mais il ne parait pas y avoir de continuité dans la technique de construction. On retrouve bien des petits moellons mais les matériaux semblent différents. On remarquera que la bande de roussard se termine, du moins pour certains d'entre eux, non pas par des moellons carrés par des moellons rectangulaires. Que s'est-il passé ? Cela est difficile à expliquer. On pourrait imaginer un rallongement de la nef mais cette explication ne tient pas lorsque l'on regarde le mur sud. Le chaînage oriental alterne roussard et calcaire, créant un décor.

On peut encore y apercevoir l’ancienne litre seigneuriale.

Le mur nord.

Le mur nord.

Le mur sud, comme souvent, a connu un certain nombre de modifications. Mais il n'a pas été abattu comme le prouvent les trois baies romanes toujours présentes et placées comme sur le mur Nord. On retrouve sur la partie orientale du mur l'alternance entre les lits de moellons en roussard et en calcaire. Il semblerait donc y avoir un décor jouant sur des bandes claires et foncées. Un portail existait au sud. A l'extérieur cela se remarque par les changements d'appareillage ; l’œil exercé y repérera un morceau de colonnette et quelques autres pierres aménagées.

Nous n'avons pas d'éléments pour dater cette porte ni la raison du bouchage de ce passage, permettant pourtant un accès plus aisé puisque le chemin principal d’accès à Flacé passait au pied du mur sud. Il a du avoir lieu assez tôt lorsque l'on regarde la chronologie relative de ce mur. Les fenêtres actuelles sont donc les dernières creusées ; on peut penser qu'elles furent ouvertes au XVIème siècle lors de la modification du portail ouest, voire même pour éclairer les fonts baptismaux, et aussi au XVIIIème siècle pour éclairer les retables. A proximité immédiate se trouve une fenêtre bouchée, visible par l’utilisation d'un matériau de rebouchage de module différent. Cette fenêtre appartient donc à un état antérieur. Or ce rebouchage s'appuie sur le rebouchage de la porte. Il semble donc que cette porte pouvait remonter au moyen-âge et a été bouchée assez rapidement. Cette ouverture devait surtout correspondre à une entrée. On pourrait penser qu'il s'agissait de la porte du cimetière mais cela n'est pas logique puisque ce dernier se situe au Nord. La porte sud est-elle devenue l'entrée principale et la porte de la façade a-t-elle servi d'accès au cimetière. C'est probable vu la configuration des lieux.

 

Alain Valais, dans sa thèse sur les églises du premier âge roman soutenue en 2021, propose une datation qui pourrait être antérieure à 1050 pour les parties les plus anciennes de la nef.

Le mur sud.

Le mur sud.

Un linteau de fenêtre romane à claveaux simulés.

Un linteau de fenêtre romane à claveaux simulés.

Le mur sud avec le fantôme du portail.

Le mur sud avec le fantôme du portail.

Un élément architectural.

Un élément architectural.

L'examen du pignon Est montre clairement que la charpente a été réorganisée. On ne trouve pas les moellons irréguliers mais des assises de calcaire plat. La corniche de ce pignon correspond à un travail de l'extrême fin du moyen-âge, peut être en même temps que le portail ouest.

On y remarquera également quelques joints en relief du côté du chaînage d’angle sud qui pourraient appartenir à une très ancienne phase du bâtiment.

Des vestiges de jointoyage.

Des vestiges de jointoyage.

LA FAÇADE OUEST

La façade n'est pas celle d'origine. On retrouve le petit appareillage cubique mais sans grande organisation. On a réutilisé le matériau de la première façade pour remonter celle-ci. Le portail est de l'extrême fin du moyen-âge. On retrouve de chaque côté et en bas des monogrammes : du côté nord, celui de Jésus sous la forme d’une IHS entrelacé ; celui du côté sud, endommagé, peut-être interprété comme « am » pour « ave maria ».

On peut penser que cette porte correspond au moins à un second état de la façade. Le premier état, celui d'origine, a disparu. Au dessus du portail se trouve un arc de décharge composé de pierres calcaires placées sur le champ. La porte actuelle n'est pas centrée sur cet arc ; il devait donc servir pour un état antérieur. Au dessus du portail, on remarque une baie à arc brisé qui renfermait une statue mutilée de Jean Baptiste.

Auparavant, elle devait être ouverte et permettre un éclairage de la nef. Le chaînage avec les murs latéraux de la nef est réalisé essentiellement en calcaire.

La partie haute de la façade ouest.

La partie haute de la façade ouest.

Le monogramme IHS

Le monogramme IHS

Le monogramme am.

Le monogramme am.

Jean Baptiste dans son ancien emplacement.

Jean Baptiste dans son ancien emplacement.

Le portail ouest.

Le portail ouest.

La façade ouest

La façade ouest

LE CHEVET

Le chevet parait plus récent que la nef même si à certains endroits il est chaîné avec elle. Par contre la technique d'appareillage est différente. On retrouve bien un petit module mais les moellons ne sont pas clairement lisibles.

Les baies sont aussi intéressantes à étudier. Celle de la partie Nord est en roussard et ressemble techniquement à celles visibles sur la nef. La meurtrière sud a été remplacée par une baie plus importante. Par contre la fenêtre axiale est plus importante et n'utilise pas la même technique de construction que les autres meurtrières. Cette fenêtre avait sans doute une fonction d'éclairage plus importante en relation avec la pratique cultuelle (éclairage de l'officiant, d'une peinture ou d'une statue ?).

Le chevet pourrait être postérieur à la nef avec une datation à situer au tournant des XIème et XIIème siècles.

La fenêtre sud du chevet.

La fenêtre sud du chevet.

La fenêtre axiale du chevet.

La fenêtre axiale du chevet.

Le côté nord du chevet.

Le côté nord du chevet.

L’INTÉRIEUR

L’intérieur de l’édifice a peu évolué et garde donc un aspect proche de ce qu’il était sous l’Ancien Régime.

Des fresques des XVème et XVIème siècles ornent l'intérieur de cette église : saint Jean l’Évangéliste, saint Martin partageant son manteau, saint Michel terrassant le dragon, saint François recevant les stigmates, sainte Barbe, saint Pierre, messe de saint Grégoire, saint Nicolas et la résurrection des trois enfants, saint Jean et la coupe empoisonnée, saint Michel terrassant le dragon.

Saint Nicolas.

Saint Nicolas.

Saint Martin.

Saint Martin.

Trois retables ont été ajoutés au XVIIIème siècle.

Le retable central en bois sculpté est agrémenté d'un panneau en terre cuite représentant le baptême de Jésus. Des niches reçoivent des statues en terre cuite : saint Jean-Baptiste à gauche et la Vierge à l'Enfant à droite. L'ensemble de ce retable est couronné par le Père Éternel bénissant.

  • Marque d'auteur : DURAND FE. Date : 1718.

  • Luc Durand est né en 1652 à Beaumont. En 1673, il rentre comme apprenti chez Jean II Mongendre dit Le Jeune. Il s'installe successivement paroisse de la Couture et paroisse Saint-Pavin-de-la-Cité (en 1721), toujours au Mans.

     

Retables latéraux du XVIIIème siècle.

  • Les retables comportent chacun deux panneaux peints sur bois, dont un au dessus de l'autel et un en retour dans l'arc d' accès au chœur. Côté nord : L' Ange gardien et saint Julien. Côté sud : saint Michel et saint Sulpice. Les statues, en terre cuite polychrome, se trouvent dans les niches supérieures des retables.

  • Ces deux retables latéraux datent probablement de la même époque que le retable du maître-autel ; ils ont donc été exécutés vers 1718.

On peut voir d'ailleurs à l'extérieur de l'église la pierre de l'ancien autel démonté lors de l'installation des retables.

Le retable central (baptême de Jésus par Jean Baptiste).

Le retable central (baptême de Jésus par Jean Baptiste).

La Vierge à l'Enfant.

La Vierge à l'Enfant.

Saint Julien faisant jaillir une source.

Saint Julien faisant jaillir une source.

Panneau central du retable.

Panneau central du retable.

Jean Baptiste.

Jean Baptiste.

L'ancienne pierre d'autel.

L'ancienne pierre d'autel.

On y voit aussi une dalle funéraire de Élisabeth de la Rivière, épouse de Anne François de Couterne, seigneur du Bois de Maquillé et aussi de la paroisse de Flacé. Fille de François de la Rivière, seigneur de la Groirie à Trangé, elle est décédée au château de la Roche à Sceaux-sur-Huisne mais a été inhumée à Flacé en 1695. Elle avait épousé Denis Le Vayer au château de la Sauvagère à Chemiré-le-Gaudin en 1642, puis Anne François de Couterne en 1684, également en la chapelle de la Sauvagère. A noter qu’elle et son mari avaient nommé la grosse cloche de l’église de Sceaux-sur-Huisne en 1693.

Plusieurs mots de la dalle ont été piquetés, sans doute au moment de la Révolution Française.

La dalle funéraire de Elisabeth de la Rivière.

La dalle funéraire de Elisabeth de la Rivière.

Acte d'inhumation de Elisabeth de la Rivière.

Acte d'inhumation de Elisabeth de la Rivière.

Les monogrammes de Denis Le Vayer et de Elisabeth de la Rivière au château de la Sauvagère.

Les monogrammes de Denis Le Vayer et de Elisabeth de la Rivière au château de la Sauvagère.

Quelques terres cuites du Maine présentes à Flacé :

La poutre de gloire possède trois statues du XVIIème siècle : Vierge de douleur, Christ, saint Jean l’Évangéliste.

On trouve aussi une sainte Barbe (protectrice contre les incendies) du XVIème siècle repeinte à plusieurs reprises, ainsi qu’un saint Sébastien (protecteur contre les maladies).

Sainte Barbe.

Sainte Barbe.

Saint Sébastien.

Saint Sébastien.

La poutre de gloire.

La poutre de gloire.

Fonts baptismaux

En tant qu’église paroissiale, Flacé avait bien évidemment des fonts baptismaux. En général la zone baptismale se situe à l’entrée des églises ; elle marque justement l’arrivée dans le monde des chrétiens. A Flacé, elle est encore entourée d’une balustrade de bois. La cuve octogonale en calcaire, chiffre symbolique de la résurrection, date peut-être de la fin du Moyen-âge ou du XVIème siècle. Elle servait à pratiquer le baptême par aspersion ou infusion. Quant à la petite cuve, elle contenait l’eau bénite qui allait servir audit baptême. Les deux cuves sont protégées par un couvercle de bois afin d’éviter de souiller l’eau bénite.

En général, les rituels des diocèses sont très explicites sur la manière dont on procède au sacrement du baptême. L’eau est bénite le samedi saint ou la veille de la Pentecôte ; puis elle doit ensuite être conservée dans les fonts baptismaux d’où l’importance d’un système de fermeture. L’ouvrage précise également comment procéder au renouvellement de l’eau bénite.

Les fonts baptismaux de Flacé.

Les fonts baptismaux de Flacé.

Bancs

L’église de Flacé garde également ses antiques bancs. Les paroisses plus aisées ont souvent procédé au renouvellement de ceux-ci à la fin du XVIIIème siècle, au cours du XIXème siècle voire même au XXème siècle. On a alors fait une certaine amélioration de ce mobilier.

A Flacé on conserve une version très basique des bancs puisqu’il s’agit de simples madriers rabotés et vernis. Sous l’Ancien Régime, les places sont mises à la location par la fabrique qui gère l’église et ses biens. Souvent à l’issue de la grande messe du dimanche, le procureur syndic qui est responsable de la gestion de ces biens, assisté par le notaire, organise la mise aux enchères des places. Celles de devant sont souvent acquises par les gens d’importance (nobles locaux, artisans, laboureurs, etc.) ; les moins riches prennent les autres places. C’était une forme de participation volontaire au financement de l’entretien de l’édifice .

Les bancs avec les font baptismaux à l'entrée.

Les bancs avec les font baptismaux à l'entrée.

Inscriptions

Deux inscriptions en écriture gothique sont gravées sur des dalles de pierre afin de garder en mémoire la fondation de messes. Elles concernent Mathurin Ricordeau, chapelain de la chapelle saint René et Guillaume Lecoq.

L'inscription concernant Guillaume Lecoq.

L'inscription concernant Guillaume Lecoq.

L'inscription concernant Mathurin Ricordeau.

L'inscription concernant Mathurin Ricordeau.

Registres paroissiaux

Malheureusement, les registres paroissiaux les plus anciens ne remontent qu’à 1673. Signalons tout de même ici quelques actes un peu particuliers :

 

Le dix septième jour dud(it) mois de decembre 1703 est

né un enfant pendant le mariage de Jean Fouque et

de Renée Bachelot sa femme epouses dans notre église

de Flacé le cinquième jour de juillet dernier+, lequel

Fouque nous estant venu trouver nous a requis de ne

pas baptizer led(it) enfant en son nom n’estant de ses

œuvres, apres quoy led(it) enfant ayant esté

aporté a l’église aujourd’huy dix neufieme jour dud(it)

mois de decembre et presenté par René Bachelot pere

de lad(ite) Renée Bachelot demeurant paroisse d’Auvers sous

Monfaucon qui nous a declaré de la part de lad(ite) Bachelot

sa fille mere dud(it) enfant que led(it) enfant n’est pas du

fait dud(it) Fouque son mary mais de celuy d’Estienne

Langlois garcon demeurant dans la paroisse de Lognes

avant le mariage dud(it) Fouque et d’elle, Led(it) enfant

a esté par nous curé soussigné baptizée et nommée

Marguerite par led(it) René Bachelot et Marguerite

Michelin de cette paroisse ses parein et mareine

+ de cette paroisse lesd(its) jour et an que dessus, lesd(its)

Bachelot et Michelin ont declaré ne savoir signer

enquis, signé Renvoysé

 

 

 

Le seziême jour d’octobre an que dessus mourut de

grand matin en la maison seigneurialle du Bois de

Maquilly m(aît)re Thomas Jolivet p(rê)b(t)re chanoine de l’Eglise

de S(ain)t Pierre du Mans et chapelain de la chapelle de lad(ite)

maison seigneurialle du Bois et le mesme jour son

corps fut inhumé sur les six heures du soir dans l’Eglise

de Flacé par m(aît)re Jacques Guyon p(rêt)re curé de Souligné

[signature] F Maudet

 

 

Le dix neufiezme jour d’avril l’an mil six cens

quatre vingt quinze mourut en sa maison du Verger

située en la paroisse de Viviers haute et puissante

dame Anne de Moulins veuve de messire René

de Couterne chevalier# seigneur de cette paroisse

et le lendemain son corps fut inhumé en l’Eglise

de Flacé proche la fosse de sond(it) mary par

monsieur le curé de Torcé en Charnie

Extrait du registre parroissial de Flacé.

Extrait du registre parroissial de Flacé.

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