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22 janvier 2025 3 22 /01 /janvier /2025 20:53

F. Lutter contre l'oisiveté

Le combat avec ses exigences quotidiennes étant terminé, l'oisiveté envahi très rapidement les hommes de troupe. Et l'oisiveté militaire étant source de certains débordements, le sport permettait d'occuper les soldats.

 

Le rédacteur du New England in France, 1917-1919, A history of Twenty-Sixth Division USA1, décrit en quelques pages les problèmes liés aux camps d’attente. Pour lui, deux soucis majeurs se présentent : comment garder les hommes occupés et éviter les débordements ? Comment maintenir un bon moral ? D’autant plus que certains régiments se sont retrouvés sans leur matériel de guerre. La crainte principale est que l’oisiveté amène des problèmes de délinquance.

Une partie du temps sera consacrée à l’éducation : écriture, lecture, calcul et histoire. Même si l’intention était louable, l’accueil n’a pas toujours été à la hauteur ; les fournitures scolaires manquaient et l’enthousiasme n’était pas universellement répandu. Pour les officiers et certains hommes, on propose des cours dans certaines universités : Rennes, Lyon, Toulouse, la Sorbonne, universités anglaises, etc. Et le YMCA ouvre sa propre université à Beaune.

Parallèlement les hautes autorités militaires préconisent la création d’activités de loisir : sport, théâtre, bibliothèque, cinéma, danse, concerts, etc. Ces choses devant être encadrées par les chefs de groupe. Toute l’organisation d’une division fonctionne en grande partie sur la mise en place de ces activités : gérer l’organisation des épreuves sportives, préparer des activités avec le YMCA, organiser les photographies officielles, etc.

D’ailleurs la 26th Division2 se trouve très vite confrontée à la réalité du terrain. Il était prévu des exercices de tir à Mayet et à Saint-Biez-en-Belin. Mais le manque de matériel et les pluies hivernales continues ayant rendu les lieux impraticables font que les hommes n’ont pas pu s’occuper aux exercices militaires. C’est la revue du général Pershing prévue pour le 19 février qui permet aux hommes d’avoir une activité régulière. Il faut se rendre entre Écommoy et Mayet sur un terrain en creux au milieu des pinèdes afin de bien préparer l’exercice.

1 Emerson Gifford Taylor, New England in France, 1917-1919, A history of Twenty-Sixth Division USA, Houghton Mifflin Company, 1920

2 Emerson Gifford Taylor, New England in France, 1917-1919, A history of Twenty-Sixth Division USA, Houghton Mifflin Company, 1920, p. 296-297

 

Bibliothèque de l'American Library Association au Mans 1919 (source NARA)

Bibliothèque de l'American Library Association au Mans 1919 (source NARA)

Bibliothèque de l'American Library Association au Mans Avril 1919 (source NARA)

Bibliothèque de l'American Library Association au Mans Avril 1919 (source NARA)

American Library Association au Mans 1919 (source NARA)

American Library Association au Mans 1919 (source NARA)

Dans les camps, il faut attendre le printemps et le retour des beaux jours pour que les activités sportives puissent se développer. Au Forwarding Camp, les joueurs de base-ball vont organiser de nombreuses parties ; l'arène pour la boxe peut accueillir jusqu'à 25 000 spectateurs. Le YMCA estime que dans ce camp, environ 500 000 hommes ont pratiqué football américain, football, piscine, volley-ball, lutte, tennis, athlétisme, etc. pendant les mois de mai et juin 19191. Des championnats de boxe sont organisés sur différents sites sarthois.

En mars 1919, se déroule au Mans une compétition d'athlétisme mais aussi dans d'autres camps tel celui de Parcé2. Cela permet à la compagnie E du 308th Infantry, installée à Avessé, de consacrer les après-midi à la préparation sportive3. Entre les 10 et 12 mars 1919, avec un temps magnifique et en présence du général Summerall, un grand rassemblement sportif se tient à Écommoy. On y mélange des sports classiques (boxe, football, football américain, etc.) et des exercices militaires (marche de dix kilomètres sur route, courses avec des masques à gaz, etc.). Quelques jours plus tard, les 15 et 16 mars 1919, la 77th Division organise ses jeux à Sablé en présence du général Alexander. D'autres compétitions sont également organisées au Classification Camp les 2 et 3 mai 19194 dans un stade d'athlétisme tout neuf.

1Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 26

2History of the 306th Field Artillery, The Knickerbocker press, New York, 1920, p. 69

3The history of company E 308th Infantry, The Knickerbocker press, New York, 1919, p. 97

4Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 40

Dans la première quinzaine de mai 19191, une grande rencontre de tir est organisée au camp d'Auvours (Belgian Camp)2 et rassemble 3500 participants. Le général Pershing viendra remettre les récompenses aux vainqueurs. Entre les 27 et 29 mai 1919, une rencontre sportive va réunir plus de 2000 athlètes au Mans3 et attirer plusieurs milliers de personnes y compris des français. Ces rencontres sportives vont en quelque sorte être la répétition des Jeux Interalliés qui vont se dérouler en région parisienne dans ce que les Américains nommeront le « Pershing Stadium » et dureront du 22 juin au 6 juillet 1919, clôturant ainsi la présence américaine sur le sol français4.

Mais ces pratiques sportives se font aussi lors de manifestations plus restreintes. Ainsi à Avessé, le samedi 1er mars 1919 se déroulent des matchs de base-ball entre différentes compagnies. C'était pour la population locale une nouveauté et l'occasion pour les américains de faire découvrir leur sport national5.

A Malicorne, le 305th monte également son équipe de base-ball : « Dans la soirée du 11 février [1919], le 305th est entré dans Malicorne, une ville de poterie sur la belle Sarthe. Les gens étaient assez différents de ceux d'Arc, mais après un certain temps ils ont appris à aimer les Américains. Là nous sommes restés jusqu'au 17 avril, faisant des manœuvres, étant examinés et inspectés, et chassant les poux insaisissables, attendant impatiemment le départ pour Brest. Le temps était suffisamment agréable pour nous permettre de monter une équipe de base-ball qui a achevé victorieusement la saison en étant invaincue6»

1 United States Army in the World War, 1917-1919, bulletins, GHQ, AEF, volume 17, Center of military history, United States Army, Washington, D.C., 1992, p. 241

2Johnson et Brown, Official athletic almanac of the American Expeditionary Forces, 1919, p. 86-87

3Johnson et Brown, Official athletic almanac of the American Expeditionary Forces, 1919, p. 85

4Thierry Terret, The military « Olympics » of 1919, Journal of Olympic History 14, août 2006.

5The history of company E 308 Infantry, The Knickerbocker press, New York, 1919, p. 99

6Charles Wadsworth Camp, History of the 305th field artillery, The Country Life Press, New-York, 1919, p. 288

Concours de tir à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Concours de tir à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Combat de boxe à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Combat de boxe à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Lecture des scores à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Lecture des scores à Ecommoy, 26th Division, mars 1919 (source NARA)

Tournoi de football au Mans, 35th Division, mars 1919 (source NARA)

Tournoi de football au Mans, 35th Division, mars 1919 (source NARA)

Tournoi de football au Mans, mars 1919 (source NARA)

Tournoi de football au Mans, mars 1919 (source NARA)

Concours d'athlétisme au Mans, mars 1919 (source NARA)

Concours d'athlétisme au Mans, mars 1919 (source NARA)

Des bibliothèques sont aménagées sur les sites qui accueillent des soldats américains. Une fut construite au Mans et l'autre sur le Forwarding Camp1. Des films sont diffusés quotidiennement et des soldats se produisent sur scène. Il faut absolument que les hommes soient occupés en attendant l'embarquement. Ainsi environ 450 000 hommes vont fréquenter l’auditorium du Forwarding Camp2.

 

Des spectacles permettent de tromper l'ennui. Le 13 mars 1919, la compagnie E du 308th Infantry quitte Avessé pour occuper un nouveau cantonnement à Saint-Ouen-en-Champagne. Le lendemain, la compagnie assiste à une représentation au château de la Roche (commune de Chevillé). Comme souvent, c'est un homme déguisé en « demoiselle parisienne » qui présentait divers titres dont la célèbre « The rose of no man'land » qui fut écrite en hommage aux infirmières de la Croix-Rouge. Et le rédacteur de préciser que les costumes avaient été achetés à Paris et offraient un fort contraste avec la couleur kaki de l'assemblée3. Noël 1918 a été l’occasion pour les soldats américains d’offrir un spectacle aux populations locales. A Écommoy, le YMCA et les soldats du 329th Infantry présentent un spectacle montrant un Noël traditionnel à la cour anglaise. Puis 600 enfants de la région reçoivent devant un énorme sapin de Noël des cadeaux de la part des américains : argent, cadeaux achetés à Paris, bonbons, cigarettes et tabac4.

Les spectacles du Mans organisés par le YMCA sont connus et très attendus. Les soldats de la compagnie G du 317th Infantry, qui sont en stationnement à Requeil, font état de leur impatience ; ils espèrent pouvoir se rendre prochainement au Mans. Pour beaucoup d’entre eux, c’est une chose qu’ils ne connaissent même pas aux États-Unis car venant de zones rurales5.

1US Army in the World War, vol. 15, 1991, p. 499

2Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 23

3The history of company E 308 Infantry, The Knickerbocker press, New York, 1919, p. 101

4Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 166

5Overseas diary company « G » 317th Infantry, France June 1918 – June 1919, p. 17

Dîner à l'Hôtel de Paris au Mans, 102nd Field Signal, janvier 1919 (source NARA)

Dîner à l'Hôtel de Paris au Mans, 102nd Field Signal, janvier 1919 (source NARA)

Tir à la corde dans la région de Sablé, 77th Division 308th Infantry, mars 1919 (source NARA)

Tir à la corde dans la région de Sablé, 77th Division 308th Infantry, mars 1919 (source NARA)

Athlétisme dans la région de Sablé, mars 1919 (source NARA)

Athlétisme dans la région de Sablé, mars 1919 (source NARA)

Pour d'autres ce sont les études. Ainsi neuf hommes du 103rd Field Artillery basé à Pontvallain sont envoyés à l'Université de Poitiers pour une période quatre mois.

Il y avait également au Mans rue de la Paille un édifice appartenant à une communauté religieuse qui accueillait dans des salles de lecture et de repos des soldats. Il y avait également un autre lieu qui avait un certain succès rue Saint-Dominique (actuelle rue Claude Blondeau). C’est là « que les militaires ont trouvé un petit coin de paradis. Un grand bâtiment spacieux, merveilleusement meublé avec de lourds tapis moelleux dans lesquels vous perdez vos pieds, des fenêtres ombragées de jolis rideaux et des murs recouverts de miroirs et des études d'art. C'était comme à la maison … Un grand piano à queue aux tons fins était à la disposition des hommes. Des petites tables servaient aux soldats pour écrire et il y avait toujours des fournitures de qualité. Le fait est que les salles de bien-être et de secours de la Science chrétienne au 13 rue Saint Dominique étaient l'un de ces endroits où un soldat voulait nettoyer ses chaussures à l'extérieur et retirer son chapeau en entrant dans la porte.

L'une des choses délicieuses de cet endroit, qui était si populaire auprès des garçons, était le calme qui y régnait. Il n'y avait pas de bruit, pas de brouhaha et on pouvait passer quelques heures dans la salle de lecture sans être dérangé …  »1.

1The Christian Science War Relief Committee, Christian Science war time activities, Boston, 1922, p. 198

Les accidents sont assez fréquents. Par exemple, le 140th Infantry Regiment arrive au Belgian Camp en mars 1919. On y souligne encore une fois les agréables conditions de vie ; mais les soldats s’occupent comme ils peuvent. Ainsi le 21 mars 1919, le soldat Michal démonte le détonateur d’un obus afin de fabriquer un souvenir comme il avait l’habitude de faire. Mais le détonateur explose, John Michal est transporté à l’hôpital où il décède quelques heures plus tard1.

En avril 1919, plusieurs baraques brûlent au Belgian Camp et les couleurs du 138th Infantry ne peuvent être sauvées2.

1Edwards (Evan Alexander), From Doniphan to Verdun: the Official History of the 140th Infantry, Lawrence, Kansas : The World Company, 1920, p. 139

2Fels (Daniel M.), History of "A" Company, 138th Infantry, St. Louis, Woodward & Tiernan Printing Co., 1919, p. 77

Concours de tir à Auvours, juin 1919 (source NARA)

Concours de tir à Auvours, juin 1919 (source NARA)

Réparation d'une route à Parcé, mars 1919 (source NARA)

Réparation d'une route à Parcé, mars 1919 (source NARA)

Source YMCA

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Source YMCA

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 A SUIVRE Partie 5 Inspections et revues

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10 janvier 2025 5 10 /01 /janvier /2025 21:19

E. Les conditions de vie

La durée de passage dans ces camps de transit dépend également des conditions sanitaires des soldats. Ainsi le 113th Field Artillery quitte Evron (Mayenne) le 5 février 1919 pour se rendre au Forwarding Camp1 au Mans. Mais le régiment est confronté aux maladies et huit hommes vont mourir de la grippe alors que des dizaines d'autres en sont affectées. Le régiment est mis en quarantaine en attendant des jours meilleurs2. Le 113th F.A. restera ainsi un mois au Mans en attendant de pouvoir rejoindre les ports d'embarquement. Cette attente dans un camp où « la boue vaseuse, collante et gluante » a accompagné les soldats pendant tout un mois, faisait dire qu'ils avaient vécu là le mois le plus déprimant de leur carrière militaire3. Le 113th F.A. quittera Le Mans début mars 1919 deux mois après être parti du nord-est de la France ; il rejoint Saint-Nazaire pour s'embarquer sur le Santa Teresa et arriver à Newport News (Virginie) le 18 mars 1919.

1Le Forwarding Camp se situe à l'emplacement de l'actuel aéroport du Mans.

2History of the 113th Field Artilley 30th Division, The History Committe of 113th F. A., Raleigh, N.-C., 1920, p. 133

3History of the 113th Field Artilley 30th Division, The History Committe of 113th F. A., Raleigh, N.-C., 1920, p. 136

Ce mois de février 1919 a fortement marqué les soldats américains comme le rapportent d'autres témoignages. Ainsi le 117th Infantry de la 30th Division se plaint en ce « rude mois de février », du manque de carburant, du froid, de la pluie et de l'épidémie de grippe1. Le 3 février 1919, le soldat Amyx S. Riley meurt près du Mans de la grippe2.

On peut avoir une vue de ces jours passés en Sarthe au travers des journaux de soldats. C'est le cas de Charles G. Sellers3 du 113th Field Artillery qui tient un petit journal entre janvier 1918 et mars 1919. Il a embarqué le 7 mai 1918, est arrivé en France le 18 du même mois. Après quelques semaines de formation en Bretagne, son régiment monte vers le front dans la région de Toul. Après l'armistice, le 113th F.A. fait partie de l'armée d'occupation et se dirige vers le Luxembourg. Au début de l'année 1919, le régiment revient sur Toul avant de recevoir l'ordre de se replier sur Le Mans qu'il atteint le 23 janvier au matin avant de poursuivre sur Sillé-le-Guillaume et Evron (Mayenne) ; de là les hommes se rendent à Mézangers (Mayenne). Bien que le cantonnement soit assez médiocre, Charles G. Sellers dit de ce premier jour en Mayenne qu'il était un «  des meilleurs jours qu'il ait vu ». Son journal se concentre surtout sur les conditions météorologiques du moment (froid, neige et pluie) ainsi que sur les activités quotidiennes (prières, promenades et courrier). Le 30 janvier, l'inspection et revue du Général Pershing à Evron vient rompre la monotonie de l'attente. Début février, il passe un week-end à Paris où il assiste aux « Zig-zag follies », célèbre revue anglaise présentée aux Folies Bergères, puis visite Versailles et fait les boutiques. Au retour, il s'arrête au Mans pour y passer la nuit après avoir fait un tour en ville et être allé au cinéma. C'est là qu'il retrouve son régiment qui est arrivé au Forwarding Camp. Le logement se fait sous tente et notre soldat se plaint du manque de carburant. Les hommes passent une bonne partie du temps dans les tentes et au lit sous les couvertures, essayant de se maintenir dans une relative chaleur, et une autre partie du temps à l'épouillage. Il faut également conduire plusieurs fois à l'hôpital les hommes touchés par la grippe qu'il nomme « Flu » pour « influenza ». D'ailleurs, le 9 février il est mis en quarantaine. Et les jours qui suivent voient se poursuivre l'incessant ballet des hommes qui partent vers l'hôpital. Notre homme est aussi amené à transporter des rails et des traverses, pour la gare de triage, en se plaignant du froid. En fait, il attend avec impatience son départ vers le port d'embarquement ; cette attente étant d'autant plus difficile à supporter que les hommes n'ont à rien à faire sinon subir des inspections qui leurs donnent l'espoir qu'ils quitteront prochainement la France. Les rumeurs circulent quotidiennement dans le camp sur le futur départ. Puis le 23 février, l'information tombe : la division va commencer son déplacement le mercredi ; puis on parle du lundi suivant. Et c'est le mardi 4 mars que Charles G. Sellers quitte Le Mans pour Saint-Nazaire ; il débarque aux États-Unis le 19 mars 1919.

 

1Knox County in the World War, 1917-1918-1919, Knoxville Lithographing Company, 1919, p.107

2Knox County in the World War, 1917-1918-1919, Knoxville Lithographing Company, 1919, p. 54

3nature.berkeley.edu/~c-merchant/Sellers/wardiary.pdf

4Katherine Mayo, The damn Y, Houghton Mifflin Co, Boston et New-York, 1920

Officiers du 113rd FA au Mans (collection particulière)

Officiers du 113rd FA au Mans (collection particulière)

Camp hospital n°52 au Mans (source NARA)

Camp hospital n°52 au Mans (source NARA)

Ces conditions de vie difficiles sont bien décrites dans l'ouvrage de Katherine Mayo1 publié en 1920. Les trains de nuit arrivent avec leurs flots de soldats qui emplissent une gare trop exiguë, des hommes qui doivent rejoindre dans le froid des camps à la périphérie de la ville. Elle décrit le Forwarding Camp comme étant « une mer de boue épaisse et profonde ». Quant au Classification Camp, les hommes le nomment « Madhouse » ; en novembre ils mangent leur repas debout dans la boue jusqu'aux chevilles2. Elle ajoute que dans les camps isolés dans la campagne, les soldats ne pouvant plus supporter les autres errent sur les routes. En ville, Central Hut est d'une saleté répugnante.

Au Forwarding Camp, les soldats suivent le rite de la préparation au départ. Par exemple le 105th Regiment of Engineers arrive au camp par vagues successives de bataillons. Le premier lieu où se rendent les soldats est la zone d'épouillage. Ensuite seulement ils peuvent intégrer les baraquements. Puis vient le temps des inspections et de la remise en état du régiment. Une autre partie du temps consiste à de petits travaux dans le camp mais aussi des remises de décorations régimentaires. Une dizaine de jours plus tard, certaines compagnies migrent vers Spur Camp d'où elles embarquement vers Saint-Nazaire.

1Katherine Mayo, The damn Y, Houghton Mifflin Co, Boston et New-York, 1920

2Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 40

Pour avoir une idée de l'installation dans la campagne sarthoise, on peut s'appuyer sur la description faite dans la publication de la 307th Ambulance Company1. Elle arrive à Sablé par le train en février 1919 puis se dirige vers le château de la Verdière à Solesmes. Là, les soldats reçoivent de la paille pour les sacs de couchage, le matériel nécessaire pour installer un terrain de base-ball et, « le meilleur de tout », des douches. Très rapidement arrive une laverie ce qui est suffisamment important pour que le rédacteur se réjouisse à l'avance de la disparition des poux avec de telles conditions d'hygiène. Les jours qui suivent sont occupés par des exercices, du sport et la préparation pour la revue du général Pershing le 24 février 1919. Ces revues semblent être attendues avec impatience par les soldats ; en effet la 307th Ambulance Company n'est pas conviée à la dite revue mais reçoit à huit heures l'ordre de s'y rendre. Les soldats se préparent à la hâte, passent à Solesmes, traversent le pont afin de rejoindre Sablé non s'en s'être égarés car la multitude de régiments qui se rendent à la cérémonie provoque un certain désordre. Mais ils n'arrivent pas à trouver le lieu de la revue et reviennent à leur campement de Solesmes où ils apprennent que l'événement se déroulait à moins d'un kilomètre de leur base ! Il faut bien comprendre que pour les soldats, la revue par le général Pershing est le signe d'un très proche retour au pays. Les revues et inspections des troupes se poursuivent afin d'occuper les soldats, le narrateur évoquant dans son texte que c'était là le passe-temps favori des officiers. Le 14 avril, la compagnie peut enfin quitter Solesmes afin de rejoindre Brest d'où on embarque pour les États-Unis.

1Collectif, 307 at home and in France, The Country Life Press, New-York, 1919, p. 167

A Champagné au Belgian Camp, on réutilise l'ancienne cantine belge. Mais elle est trop petite et mal éclairée ; les hommes attendent dehors et sous le grésil1. Il faut attendre le printemps pour que le camp s'améliore avec l’adjonction de nouvelles baraques.

Ce mois de février difficile est vécu différemment selon l'endroit où on se situe. Une partie du 306th F.A. de la 77th Division arrive à Noyen après deux jours et demi d'un voyage inconfortable en train dans le froid. Là les soldats trouveront un certain réconfort auprès de la population locale qui prépare un bon dîner pour les hommes affamés et qui va même jusqu'à accueillir des soldats dans ses murs2. Ils quitteront le village le 17 avril 1919 en prenant le train à la gare de Noyen pour se rendre à Brest.

1Summary of service YMCA in the Embarkation Center, From december 1918 to july 1919, The Arcady press and mail advertising Co, Portland, 1920, p. 33

2History of the 306th Field Artillery, The Knickerbocker press, New York, 1920, p. 111

Tentes au Mans en février 1919 (source NARA)

Tentes au Mans en février 1919 (source NARA)

Revue du général Pershing à Solesmes (Sarthe) en février 1919

Revue du général Pershing à Solesmes (Sarthe) en février 1919

Réparation d'une route en Sarthe en mars 1919 (source NARA)

Réparation d'une route en Sarthe en mars 1919 (source NARA)

Mess au Belgian Camp en février (1919 (source NARA)

Mess au Belgian Camp en février (1919 (source NARA)

Pour d’autres régiments les souvenirs sont moins bons. La batterie D du 304th Field Artillery s’installe dans la région de La Suze le 11 février 1919 après un voyage éprouvant à cause des conditions de transport et de l’épidémie de grippe espagnole1. Les soldats sont accueillis par le YMCA qui offre une tasse de café et quelques biscuits. Puis ensuite ils poursuivent à pied pendant environ quatre kilomètres pour être logés au château de la Bussonnière à Fercé. Ils occupent les greniers alors que vaches, cochons, ânes sont au rez-de-chaussée. Le rédacteur de l’ouvrage écrit qu’ils passeront ici six semaines inintéressantes, ternes et ennuyeuses. La principale activité tourne autour de la préparation des revues, de l’entretien du matériel et d’informations sur le retour à la vie civile. L’après-midi est consacré aux activités sportives à condition que la météo soit favorable, ce qui est très rare selon le rédacteur. Ensuite ils rejoignent la structure du YMCA au village où certains soldats montent sur scène pour amuser les autres.

Le 17 mars 1919, jour de la Saint Patrick, les soldats se retrouvent autour du château dans leurs plus habits militaires pour un séance avec un photographe de La Suze. Puis le 21, ils se dirigent vers le « Holding Camp » à La Suze se préparant à quitter la France début avril. Mais l’annonce du report de départ possible fin avril démoralise les soldats qui passent une partie de leur temps à boire, à tel point que la Police Militaire américaine doit intervenir et mettre en cellule quelques individus trop éméchés. Cependant, le départ vers Brest s’effectuera le 17 avril.

1Glaas (J.), Miller (Henry L.), O’Brien (Osmund), The story of battery D 304th Field Artillery, september 1917 to may 1919, 1919, p. 90

YMCA à Spay en mars 1919 (collection particulière)

YMCA à Spay en mars 1919 (collection particulière)

Camp de La Suze en mai 1919 (collection particulière)

Camp de La Suze en mai 1919 (collection particulière)

Pour d’autres encore, les quelques jours vécus en Sarthe se déroulent relativement bien. Le 130th Field Artillery loge à Bonnétable1. Les soldats disent des habitants qu’ils sont « radieux et hospitaliers ». Certains occupent un cabanon chez le vieil homme Ledru qui leurs parle pendant des heures autour de bouteilles de cidre. Ils vont également au café Bellevue tenu par Mme Fort et parlent avec M. Fort qui connaît un peu l’anglais. On y mange parfois du poulet accompagné de pommes de terre frites. On danse également.

 

On le voit dans les témoignages des soldats mais aussi dans le rapport du YMCA, les infrastructures dans ces camps sont très importantes pour le moral des soldats. C'est ce qui fait le lien avec le pays en y recréant un univers américain.

Le YMCA nous dit qu'il construisait trois sortes de baraquement : le type A (9 m. X 43 m.), le type B (27 m. X 50 m.) et le type C (9 m. X 30 m.). Il installe aussi des tentes de taille imposante (6 m. X 18 m. et 25 m. X 50 m.).

Les équipements pour les soldats sont essentiels : « De telles vies malheureuses ne convenaient guère aux Américains. Souvent, les hommes devaient marcher un mile ou plus pour rejoindre la cantine la plus proche [...]. Après notre long séjour dans la région, nous avons laissé des cantines et de bâtiments d'amusement complètement équipés pour les divisions suivantes. L'endroit le plus proche pour la lumière et la chaleur, de la boue et du froid, était habituellement le café français, et ce n'était disponible que lorsque les hommes avaient de l'argent.2 »

1MacLean (W. P.), My story of the 130th F.A., A.E.F., Topeka, Kans., Printed by the Boy's chronicle at the Boy's Industrial School, 1920, p. 145-146

2Lee J. Levinger, A jewish chaplain in France, The MacMillan Company, New-York, 1921, p. 60

Travaux en forêt de Bonnétable par le 320th Labor Battalion en avril 1919 (source NARA)

Travaux en forêt de Bonnétable par le 320th Labor Battalion en avril 1919 (source NARA)

Noël 1918 à Bonnétable (source NARA)

Noël 1918 à Bonnétable (source NARA)

Noël 1918 à Bonnétable (source NARA)

Noël 1918 à Bonnétable (source NARA)

A suivre : 4ème partie

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